Historique de la Communauté Juive de Boulay
par M. ALEXANDRE
Président de la Communauté






Intérieur de la nouvelle synagogue. - © Henry Schumann

On mentionne la présence des premiers Juifs de Boulay sous le règne de Charles IV (14ème siècle). Une petite synagogue est aménagée dans la maison de Samuel Frank, rue du Four-Banal. Elle sera transférée, plus tard, dans une petite rue à la sortie de la ville, vers Sarrelouis, et tous les Juifs de Boulay seront obligés d'habiter cette rue, qui porte encore aujourd'hui le nom de "rue des Juifs".

Rien n'est relaté de particulier jusqu'au 17ème siècle ; les Juifs, comme tous les habitants de Boulay, durent subir les méfaits des guerres qui désolèrent la Lorraine, la guerre de 30 ans (1618-1648) en particulier.
Un événement douloureux se produisit pendant l'hiver 1670. Le jeune rabbin de Boulay, Raphaël Lévy, se rendait un jour à cheval à Metz, portant sous les bras un  Sefer Torah  ; or, le même jour, une fillette du village de Glatigny (situé à mi-chemin entre Metz et Boulay, à quelque cent mètres de la grand'route) disparut. On accusa Raphaël Lévy d'avoir enlevé l'enfant et commis un meurtre rituel. En dépit du caractère douteux des affirmations des témoins, Raphaël Lévy fut emmené à Metz, jugé et condamné à mort ; il fut brûlé vif (ou pendu) au Champ du Seille. Lors de la fonte des neiges, quelques semaines plus tard, on retrouva le cadavre de la fillette dans la forêt voisine de Glatigny. Le Rabbinat interdit à tout Juif de passer la nuit à Glatigny (le village était « geassert"). Cette interdiction, transmise de père en fils dans toute la région, est toujours observée (1).

En 1721, on mentionne le premier cimetière juif - dont il existe encore quelques vestiges -dans un terrain domanial, aujourd'hui jardin du Presbytère; ce cimetière fut remplacé par un plus vaste vers le milieu du 18ème siècle, longeant une ruelle donnant sur la route de Sarrelouis.
Comme les Juifs de France, ceux de Boulay durent, vers la fin du règne de Louis XVI, prendre un état civil, et, quelques années plus tard, grâce surtout à la noble et courageuse intervention de l'Abbé Grégoire, député de Lunéville à la Constituante, les Juifs obtinrent l'égalité des droits de tout citoyen français.

C'est surtout après la Révolution de 1848 que notre Communauté prit de l'essor par l'afflux de nombreuses familles habitant les villages voisins, notamment Denting, Guenkirchen et Volmerange. Une belle synagogue fut construite à cette époque (rénovée en 1890).
Après la guerre de 1870, de nombreux jeunes gens, ne voulant pas servir sous l'uniforme allemand, quittèrent la ville et fondèrent de nouveaux foyers tant à Paris que dans le Nouveau-Monde, notamment aux Etats-Unis, au Nicaragua, au Brésil et au Chili. Néanmoins la Communauté restait florissante et se développait.

Au cours de la première guerre mondiale, deux jeunes gens de notre communauté : Caen Lucien et Alexandre Simon, payèrent de leur vie le retour de la Lorraine à la France.

Mais c'est surtout la dernière guerre qui fut désastreuse pour nous.
Ont été déportés et périrent à Auschwitz nos coreligionnaires Cerf Armand et son épouse, née Lévy Mathilde ; Rheims Eugène et son épouse, née Cohen Céline et leur fille Marthe ; Loendenberger André, son épouse née Horwilleur Fanny et leur fils Robert ; Mme Lévy Sylvain, née Sieskind Simone,et sa mère, Mme Vve Sieskind, née Hayem ; M. Worms Lucien.
Le jeune Cerf Jacques milita dans la Résistance, fut pris et fusillé par les Allemands en Haute-Vienne ; sa sœur Suzanne, qui avait été déportée avec ses parents, survécut à dix-huit mois de souffrances épouvantables dans le camp de Bergen-Belsen et fut sauvée par l'arrivée des Alliés.
En exil moururent, à la suite de privations et d'atroces traitements, les membres suivants de notre communauté : M. Loeb Paul, à Limoges M. Cerf Armand-Lion, au Puy ; Mlles Cerf Rosalie et Mélanie, à Limoges ; M. Worms Eugène et Mlle Worms Céline, à Lezoux (P.-de-D.) ; M. Horwilleur Fernand, Mme Horwilleur, née Lambert Adélie, à Caudéran (Gironde) ; Mme Israël Ernest, née Michel Fanny, Mlle Lévy Fanny ;  à Poitiers les familles Rheims Bernard, Dr Aron Léon, Simon Félix, Schreiber-Vormus, ne sont pas revenues à Boulay.

Entre temps, notre synagogue, une des plus belles du département, avait été rasée par l'occupant ; de même, notre nouveau cimetière, aménagé route de Faulquemont en 1930, et où se trouvaient dix-sept sépultures, fut profané et dévasté, les pierres tombales brisées, les cercueils éventrés, . les ossements dispersés. Plusieurs milliers de Russes, morts dans les camps environnants y furent enterrés.

Petit à petit, les anciennes familles (moins quatre), revenues au bercail, reconstituèrent la communauté ; les services furent célébrés pendant près de deux ans au Temple Protestant mis, dans un beau geste de fraternité et de tolérance, à notre disposition par la Paroisse évangélique. Depuis 1948, nous célébrons nos offices dans un baraquement, construit par les services du M.R.U. La construction d'une nouvelle synagogue est inscrite au programme de cette année et les travaux - déjà adjugés - commenceront incessamment ; elle sera, érigée au centre de la ville, rue du Pressoir.

On doit noter que, depuis le milieu du siècle dernier jusqu'en 1953, il y eut toujours un Israélite au Conseil Municipal, et plusieurs d'entre eux remplirent les fonctions d'adjoints au Maire



  1. Cette interdiction a été levé au cours d'une cérémonie qui s'est tenue à Glatigny le 19 janvier 2014 (n.d.l.r.)


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