L'inauguration de la
Synagogue de Hayange Extrait du Bulletin de nos Communautés Après la pluie le beau temps, après les épreuves si dures et si pénibles de la dernière guerre, la communauté juive de Hayange possède à nouveau une maison de prière digne de son passé. Une assistance très nombreuse de 2000 personnes environ aussi bien composée de coreligionnaires que de membres d'autres confessions religieuses, a participé à l'éclatante fête qu'était l'inauguration officielle de la synagogue.
P. Roos. |
Le premier ménage semble avoir été celui de Moïse Fribourg, établi dans la localité en 1813 Du moins c'est le premier figurant sur un acte d'état civil de la mairie. Il porte curieusement la mention "israélite" en regard du nom de l'intéressé, ce qui, à cette date, est illégal.
On mentionne un chantre dès 1849, Juda Kratz, et une synagogue fut construite en 1863, remplaçant un établissement provisoire créé en 1856. Il semblerait que la communauté de Hayange ait fait l'objet de la considération générale dès cette époque car l'on relève à deux reprises, en 1862 et en 1868 la présence de témoins non-juifs lors des mariages civils précédant ceux célébrés ensuite à la synagogue. Il n'en allait cependant pas de même sur le plan des relations intérieures au monde juif. Il y avait tant de "désordres" à Hayange que le 7 mars 1859, le consistoire envisagea de fermer le temple (probablement alors un simple appartement) et dépêcha sur place une mission d'enquête. Il s'agissait probablement de différents d'ordre financier entre la communauté et le consistoire.
En général les relations avec la population non-juive étaient bonnes. Un incident eut lieu cependant en décembre 1922 lorsque le patronage Saint-Martin, sous la direction de l'abbé Schivre, joua une pièce intitulée Le fils de France, drame patriotique se passant pendant la guerre de 1870, mais où le rôle du traître était tenu par un personnage appelé Samuel Herman, Juif de Mayence. La communauté protesta avec vigueur et la préfecture intervint auprès de l'évêché. L'abbé protesta avec force de sa bonne foi, n'ayant jamais imaginé que les Juifs français d'Hayange puissent se sentir visés par le caractère odieux attribué par la pièce à un Juif allemand. D'ailleurs, ajoutait-il, les Juifs de Hayange avaient largement contribué à la fourniture du décor et des costumes au profit du patronage.
La longévité des ministres-officiants de Hayange fut d'ailleurs, à une exception près, tout à fait extraordinaire car à Juda Kratz succéda de 1885 à 1920 Lazard Marx puis Marcel David jusqu'en 1986, soit trois hommes en cent trente-sept ans, encore qu'il ne soit pas certain que L. Marx ait succédé immédiatement à J. Kratz.
Marcel David qui enseigna au Talmud Thora ("heder") entre les deux guerres, aura une grande influence sur ses élèves puisque de Hayange est issu le grand rabbin Roger Cahen (Rav Guershon), fondateur de la Yeshiva d'Aix-lesBains. Il enseigna également au lycée de jeunes filles de Thionville en 1920, et de 1925 jusqu'en 1940, cumula l'enseignement au lycée et au heder. En 1930, il avait également créé une chorale qui fonctionna jusqu'en 1940, puis à nouveau de 1945 à 1965. Elle comptait une trentaine d'enfants dirigés par les frères Robert et Paul Wormser.
La communauté était alors florissante et comptait une centaine de familles entre 1925 et 1940. En 1926, elle acquit deux immeubles communiquant par la cour et donnant l'un sur la rue du Président Poincaré, l'autre sur la rue de Verdun, pour y créer un centre communautaire attenant à la synagogue.
Celle-ci fut détruite sur l'ordre du maire allemand Anton Betz dès juillet 1940 et la communauté paya un lourd tribut à la barbarie nazie : quatre morts au champ d'honneur, cinquante déportés, douze décédés.
La communauté se reconstitua en décembre 1945, ouvrit un oratoire provisoire dans un local appartenant à M. Simon Michel, rassembla des objets de culte et assura son financement (premier bal de Sim'has Thora en septembre 1946). Marcel David recréa le Talmud Thora en 1945 et l'exerça jusqu'en 1980. Nommé 'haver, il était titulaire des Palmes Académiques. La reconstruction de la synagogue sera longue et laborieuse pour d'évidentes raisons financières. Elle ne sera inaugurée que le 15 septembre 1957, récompensant l'effort acharné des membres de la commission, MM. Jules Lévy-Michel, président de la communauté de 1945 à 1970, Camille Marx, René Roos, Raymond Lévy, Simon et René Michel, Robert Wormser, qui fut président de 1970 à 1986, Lucien Lazar, qui lui succéda jusqu'aujourd'hui encore, Pierre Roos et André David.
Cependant comme partout, la démographie n'était pas favorable au maintien d'une vie juive active : décès non remplacés, jeunes gens partis s'installer dans les grandes villes, départs pour Israël ou retraites dans le midi etc. Le 'hazan Marcel David prit sa retraite en 1986 à la suite du décès de son épouse et disparut lui-même en 1988. Il fut alors remplacé par le président Robert Wormser qui démissionna de son poste pour se consacrer à la poursuite des offices, mission partagée par André David.
En juin 1987 eut lieu un incident qui eût pu avoir les plus graves conséquences : une partie du plafond de la synagogue s'effondra. Pendant cinq ans, la communauté dut se cantonner dans l'oratoire pendant qu'avec l'aide de la municipalité, on rassemblait les fonds nécessaires à la reconstruction. Celle-ci s'acheva le 20 décembre 1992 par la seconde inauguration du bâtiment.
Une autre date demeure dans toutes les mémoires, celle du 4 décembre 1994, au cours des fêtes de Hanouka. La communauté avait convié ce jour-là le Grand Rabbin Guedj, le rabbin Fiszon, maître Rozeneck, président du consistoire, René Lévy, président honoraire ainsi que diverses personnalités locales, M. Alphonse Bourgasser, député-maire, le pasteur Dietsch et l'archiprêtre Persem, lorsqu'elle fut rejointe inopinément par Monseigneur Raffin, évêque de Metz, ce jour-là en visite pastorale à Hayange.
La communauté dispose aussi de deux cimetières, l'ancien, créé sur un terrain acheté le 26 décembre 1866, qui fut utilisé jusqu'en 1965, et un nouveau, ouvert à cette date.
Janvier 2009 : un cocktail molotov est lancé contre la synagogue de Hayange en Moselle. Selon le SPCJ, "les dérives de la mobilisation pro-palestinienne de janvier 2009 (...) ont ouvert la voie à de nombreuses attaques antisémites visant biens et personnes. La parole antisioniste, galvanisée par un certain élan populaire anti-israélien s'est libérée, s'exprimant parfois avec violence contre la communauté juive de France. Cette tendance s'est confirmée au fil des mois qui ont suivi".
Plus aucun office n’y est célébré depuis 2012. Dans la rue de Verdun à Hayange, la synagogue pousse ses derniers soupirs. L’édifice religieux, propriété du consistoire israélite, pourrait être transformé en logements.
Le temps des offices religieux des vendredis soir et samedis matin est définitivement révolu. Depuis 2012, plus personne ne se presse rue de Verdun, aux portes de la synagogue. La vie, ici, s’est doucement retirée, faute de pratiquants dans la Vallée : "entre 1925 et 1940, on dénombrait une centaine de familles juives à Hayange, avant que cet effectif ne s’étiole, soulignait, en 2015, André David, président de la communauté juive hayangeoise. Après la guerre, nous dénombrions 118 familles. Les jeunes se sont expatriés, il y a eu des décès." Aujourd’hui, le mynian, le quorum de dix hommes adultes nécessaire à la récitation des prières, est bien loin d’être atteint. Les portes de cette grande salle de 170 places ne se sont jamais rouvertes.
Alors, quel avenir pour l’édifice religieux inauguré après la guerre en octobre 1957, suite à sa destruction par les nazis ? Son sort pourrait bientôt être scellé. Des démarches seraient bien engagées en vue d’une vente "à un promoteur immobilier, avance le maire de Hayange, Fabien Engelmann, qui se dit ravi de la nature de cette future reconversion. Je ne voulais pas que la synagogue soit vendue à n’importe qui, ajoute-t-il. Là, on crée des logements supplémentaires et du stationnement." Le projet comporterait, toujours selon la Ville, la création de boxes souterrains.
Le dossier de la synagogue est sujet à débats depuis longtemps. Fabien Engelmann s’était rapproché, voici quelques années déjà, du consistoire, l’institution chargée d’administrer le culte israélite et propriétaire de l’édifice, en vue d’un potentiel rachat. La Ville envisageait alors d’y délocaliser la bibliothèque. Le consistoire n’avait pas donné suite. "Au final, dit le maire, ce n’était pas pertinent, il y aurait eu un problème au niveau du stationnement.é
Une stèle commémorative sera érigée en lieu et place de la synagogue, promet Fabien Engelmann.Le passage qui relie la rue de Verdun à la rue Poincaré sera baptisé du nom de Marcel David, ancien ministre officiant et père d’André David, dernier maître des prières à Hayange.
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