La première synagogue
datait du 18ème siècle et a fonctionné jusqu'en 1822
; la seconde, de 1822, dans le style de celle de Nancy, était située
rue de l'Ecole et fut brûlée par les nazis mi-juin 1940.
Elle n'a pas été reconstruite, l'école juive non
plus. Pour ne pas oublier, une plaque a été inaugurée
par la municipalité le 30 juin 1991.
Le cimetière, situé rue du Kirchweg, reste le témoin
de cette importante communauté qui rassemblit les samedis et jours
de fête les juifs des villages de la région. Il faut souligner
que le cimetière a été sauvé de la destruction
durant la guerre par l'intervention du maire de la commune : les nazis
avaient mis le cimetière aux enchères et c'est le maire
qui l'a acquis.
(Extrait de Mémoire des communautés
juives de Moselle, Henry Schumann, Editions Serpenoise 1999)
Hellimer, ou plutôt le village double Hellimer-Diffembach, est situé
sur un axe sud-nord reliant au 18ème siècle Nancy à Sarrebrück,
une route secondaire mais commercialement fréquentée car elle relie
entre elles des villes de foires - notamment Saint-Nicolas-de-Port près
de Nancy et Francfort en Allemagne, villes où les marchands juifs allaient
se fournir une à deux fois par an en marchandises qu’ils écoulaient
dans les mois suivants sur le marché lorrain. Metz à l’ouest,
tout comme Saverne porte de l’Alsace à l’est, ne sont qu’à
une soixantaine de kilomètres de Hellimer.
II . Un peu d’histoire
Au moyen-âge, le Royaume de France s’arrêtait aux confins de
la Champagne, la Lorraine était un duché dépendant du Saint-Empire
germanique, à l’intérieur duquel s’étendaient
des territoires de statut divers : des villages relevant du duché de Luxembourg,
des seigneuries appartenant à des princes allemands, et l’évêché
de Metz. Les évêques de Metz dirigeaient un temporel assez vaste
qui comprenait le village de Hellimer. Ce village fut engagé à des
familles de petite noblesse, successivement les comtes Folmar de Metz, les Varsberg,
les Torcheville-Marimont (ou Mörsberg), les Schelm de Fénétrange
… La seigneurie fut morcelée entre plusieurs féodaux, y compris
le duc de Lorraine. En 1571, un traité fut signé entre le duc et
l’évêque, divers territoires furent échangés
et le village de Hellimer, avec Diffembach et la ferme de Ackerbach, fut partagé
: trois-quarts au duc et un quart à l’évêque.
Entre temps, l’évêché de Metz, avec ceux de Toul et
de Verdun, était devenu terre royale en 1552. La partie dite "évêché"
de Hellimer appartenait désormais au roi de France. En 1766, à la
mort de Stanislas Leczynski, dernier duc, la Lorraine fut rattachée au
Royaume de France, mais à Hellimer, on parla encore de nombreuses années
de la partie "évêché" et de la partie "ducale"…
Le village, ravagé comme bien d’autres pendant la Guerre de Trente
Ans (1618-1648), est désert jusqu’en 1660 ; il se repeuple ensuite
lentement d’éléments venus pour la plupart du Tyrol, de
Suisse et du centre de l’Allemagne.
Ces éléments entraînent avec eux une vague migratoire de
colporteurs juifs encore peu présents dans les villages lorrains avant
1700. Un second facteur va être responsable d’une arrivée
plus massive : la guerre menée par Louis XIV dans le Palatinat rhénan
en 1689, cause de la destruction de nombreuses localités dont la ville
de Worms où le ghetto fut réduit en cendres. Avec l’accord
du ministre Louvois, plusieurs dizaines de familles furent accueillies à
Metz, mais le ghetto étant surpeuplé, on les redéploya
rapidement dans les villages du pays messin ; les états nominatifs de
1702 et 1705 témoignent de cette arrivée de familles venues d’Allemagne.
Nous citerons par exemple les WORMS à Delme (pays messin, dépendant
du roi) et les COBLENTZ à Bouquenom (Lorraine ducale).
Les routes principales vers 1760 ; quelques distances
:
Hellimer à Metz : 63 km, Hellimer à Sarrebrück : environ
50 km,
Hellimer à Nancy : 70 km, Hellimer à Phalsbourg : 50 à
60 km
Le premier juif établi à Hellimer est sans doute Marcus
POLAC, aux alentours de l’année 1710 ; nous savons qu’en
1728 huit familles résident à Hellimer et Diffembach, représentant
environ 10% de la population totale ; en 1808, on compte 217 juifs : 25 % de
la population des deux villages ! Le 18ème siècle est donc un
siècle d’essor démographique important, marqué par
une forte immigration dans cette communauté, qui, inexistante en 1710,
devient ainsi en un siècle l’une des plus importantes de Lorraine.
La présence de juifs à Hellimer (et Diffembach) devrait normalement
être mise en évidence dans les recensements que nous avons l’habitude
d’utiliser pour les autres localités, à savoir :
Pour la partie dépendant du duché de Lorraine : l’état
des 180 familles juives autorisées à résider dans le
duché en 1753 : seules quatre y sont mentionnées, à savoir
celles de Joseph SALOMON, Aaron MOYSE, Lazare SALOMON et Garçon ELIAS
; rappelons qu’aucune famille n’est mentionnée sur l’état
de 1721.
Pour la partie "évêché" ou royale, les états
de la taxe Brancas, taxe de 20 000 livres instituée au bénéfice
d’un favori du Régent (sous la minorité de Louis XV),
le duc de Brancas, et que se répartissaient les Juifs habitant le pays
messin, selon les revenus de chacun. Ces états, conservés aux
Archives départementales de la Moselle, plus deux autres conservés
au Jewish Theological Seminary à New-York, couvrent assez bien la période
1747 - 1785 et nous citent de huit à douze familles.
Carte de Cassini (2ème moitié du 18ème
siècle) : détail des environs de Hellimer
Mais force est de constater que tous ne figurent pas sur ces listes : certains
juifs s’installaient sans véritable autorisation, et d’autres
déménageaient souvent …Examinons quelles autres sources peuvent
assister le chercheur.
III . Les sources notariales
Consultables aux Archives Départementales, les sources notariales (série
3 E) comprennent des contrats de mariages, des obligations, des achats ou ventes
de maisons, parfois des inventaires et des successions.
Seuls onze contrats de mariage sont mentionnés dans l’ouvrage
de Fleury et un dans celui de Fraenckel,
soit douze en tout, s’échelonnant entre 1745 et 1789 ; voyons d’où
sont originaires les conjoints :
de Hellimer même : 3
d’Albestroff, Baudrecourt, Erstroff, Nelling, Imling, proches
de Hellimer : 5
de Metz et environs (Vallières, Vantoux) : 3
d’Alsace : de Ingwiller 1
Il semble qu’il n’y avait pas de notaire à Hellimer avant 1770,
les gens se déplaçaient donc le plus souvent à Albestroff,
mais aussi à Insming ; conscient que ces douze contrats sont un état
incomplet, soit parce que certaines archives notariales ont été
perdues ou détruites, soit parce qu’il arrivait que des juifs (modestes)
ne fassent pas de contrat, nous avons cherché une source plus fidèle
rendant compte de l’importance de l’élément alsacien
: les tables de mariages de la période 1793 - 1811 : sur 26 mariages célébrés,
7 des 26 conjoints étaient originaires d’Alsace. Ces chiffres corrigent
la sous-représentation dans les contrats notariés et montre bien
que les juifs de Hellimer se trouvaient en relation suivie avec la communauté
messine mais aussi avec les communautés alsaciennes.
Citons deux contrats illustrant les différences sociales existantes
même au sein d’une petite communauté villageoise :
Le 08.09.1745 à Metz, contrat entre d’une part Manesse LEVY,
habitant de Hellimer, fils de feu Bernard LEVY, demeurant de son vivant à
Binzwangen en Souabe, et d’autre part Anne CAHEN, fille de Lajeunesse
CAHEN de Vantoux : le marié offre une bague d’une valeur de 20
livres et apporte 45 livres (ses économies), tandis que la mariée
apporte une dot de 650 livres.
Le 06.04.1754 à Insming, contrat entre d’une part Aron, fils
de feu Abraham de Morhange et neveu de Réelle WEIL, comparante à
ses côtés, et d’autre part Sara, fille de Joachim (= Jachil)
POLAC ; Rélle WEIL remet pour la dot du futur : une bague en or, un service
en argent, et 900 livres ; le père de la mariée apporte : 1000
livres, des habits, la nourriture pour le couple pendant un an, le logement
pour le couple pendant 4 ans (clauses courantes à l’époque)
; 7 signatures au bas de l’acte, dont six en hébreu.