En 1850 la ville de Delémont compte 36 juifs. Dès cette date leur nombre va en augmentant ; ils fondent une communauté cultuelle dont la première mention remonte à 1872. Dès lors, elle tient ses offices religieux à l’Orangerie du Château de Delémont.
Dans les années qui suivent, la communauté projette la construction
d’une synagogue. Elle récolte des fonds de provenances diverses,
tant en Suisse qu’en France. Elle a en outre l’heureux avantage
de se voir remettre une somme de Fr. 1000 par le Baron Edmond de Rothschild.
La synagogue, conçue d’après les plans d’un architecte
de Mulhouse, Arthur Roos, est inaugurée le 20 septembre 1911. A ce moment-là
la communauté israélite delémontaine compte 85 membres.
Le sermon et la bénédiction sont prononcés par le rabbin
Cohn de Bâle. La communauté est à
l’apogée de son histoire.
Fidèles aux métiers traditionnels, les juifs de Delémont exercent les professions de colporteurs et, au fil des ans sont devenus commerçants avec pignon sur rue, ils tiennent des magasins de tissus, de vêtements, de lingerie, de chapellerie, de parapluies, de meubles, etc. Ils sont négociants en draps, étoffes, cuir, literies, épicerie, horlogerie ainsi que marchands de bétail et de chevaux. Mais l’activité économique des juifs de Delémont et de leurs descendants qui a le plus marqué la vie jurassienne, c’est le commerce du bétail. Déjà avant le 19ème siècle, les vallées jurassiennes étaient comprises dans le rayon d’action des marchands de bestiaux juifs alsaciens. Les relations entre marchands juifs et paysans jurassiens mériteraient une étude approfondie qui n'a pas encore été publiée.
Au temps des Princes-évêques, l’activité et le séjour des marchands juifs étaient soumis à de nombreuses restrictions administratives. En 1783, un mandement "contre les juifs qui trafiquent journellement dans la ville de Delémont" fut édicté, et en 1787 on leur défendit "d’acheter n’importe quelle monnaie d’argent et cuivre". Les autorités delémontaines leur assignaient de ne pas loger "en dehors des auberges" ou leur interdisaient l’entrée de la ville les "autres jours que ceux qui sont déterminés". Au début du 19ème siècle il est très difficile d’obtenir un permis d’établissement pour les juifs alsaciens à Delémont.
En 1990, la communauté israélite de Delémont ne compte plus que 7 membres, 2 hommes et 5 femmes veuves. Le dernier culte célébré en la synagogue a eu lieu en 1970 et depuis, faute de trouver les dix hommes nécessaires pour tenir un office, la synagogue reste vide. Cependant une fondation ainsi que l’Association des Amis de la Synagogue entretiennent les locaux de leur mieux, vu les maigres moyens dont elles disposent, et s’occupent de la restauration du premier corbillard de 1830, du garage, et de l’unique genizah de Suisse. En 2009 la communauté était composée de 7 personnes.
De nombreux conflits s’opposent cependant entre la population et les
marchands juifs alsaciens. Mais on savait également faire preuve de courtoisie.
Ainsi le conseil de Delémont a reculé la foire de septembre de
quelques jours pour que les juifs puissent y venir.
Dans les registres de foire on trouve de nombreux marchands juifs du Sundgau,
des deux Hagenthal et de Hégenheim.
Nous retrouvons à Delémont les traces des familles d‘horlogers
Picard
et Dittisheim.
Fin 18ème le nombre de marchands augmentait sans cesse. Le bandelier (1) Theurillat se plaint que l’on tolère "une quantité de Juifs qui trafiquent différents articles, rendent les logements qu’ils prennent en location rare et enchéris, engagent et exposent les files de famille à voler leurs parents" (Procès-verbaux du Conseil de Délémont, 1780-1792). La décision du prince est de laisser les juifs faire du commerce dans la ville mais doivent loger dans les auberges.
Même après la Révolution, alors que Delémont fait
partie du département français du Mont-Terrible, puis du Haut-Rhin,
les juifs n’ont pas le droit d’habiter dans cette ville.
Ce n’est qu’en 1874 que la Suisse accorde l’égalité
complète aux citoyens juifs.
Cependant, l’antisémitisme reste présent et une votation
pour autoriser l’abattage
du bétail selon le rituel juif sera rejetée en 1893. Cette
interdiction est encore en vigueur aujourd'hui, et figure dans la loi fédérale
sur la protection des animaux de 2005.
Le rédacteur du journal le Pays publiait dans sa chronique : "L’antisémitisme a du bon, beaucoup de bon, il est légitime est nécessaire dans notre pays où la finance juive s’est enrichie scandaleusement par l’exploitation organisée de la bonne foi et le drainage des économies populaires au moyen de filouteries, d’escroqueries de toutes sortes (…) On sait que pour le juif, le vol du chrétien est méritoire et obligatoire, et qu’une fois entré dans une famille, il la suce jusqu’à la moëlle. Pourtant on gémit quand il n’y a pas de juifs aux foires et on lui laisse la maison ouverte au lieu de s’en garder comme la peste et de l’éloigner comme de la vermine."