La Haggada du scribe Eliezer Seligmann
fils de Simon Netter de Rosheim
écrite et illustrée à Neckarsulm en 1779
Robert WEYL
Texte intégral de l'article écrit par Robert WEYL (z.l.) pour le commentaire accompagnant la publication par la B.N.U.S. du fac-similé de la Haggada du scribe Eliezer Seligmann.
Ce texte modifié a été publié en 1998 après son décès. BNUS Manuscrit 5988. (Martine WEYL)


Page de titre de la Haggada d'Eliezer Seligmann
fils de Simon Netter de Rosheim

Ordre liturgique de la Haggada de Pessah
Selon la coutume des ashkenazim,
que le Seigneur les protège !

Page de la HagadaAvec illustrations, fidèlement conformes à la gravure sur cuivre. Que les foules voient et s'émerveillent, car celui qui est adroit de ses mains sait dessiner. (Ces illustrations) sont l'œuvre d'un artiste et supérieures à l'original sur cuivre. Afin de passionner le lecteur pour qu'il ne dorme ni ne sommeille, et puisse raconter dans la joie tous les prodiges que Dieu fit pour nous en nous faisant sortir d'Egypte et en précipitant nos ennemis dans l'eau. Et nous, il nous a fait traverser la mer à pied sec afin de nous conduire dans un pays bon et spacieux. Que Dieu pose à nouveau Sa main sur nous pour rassembler et réunir nos dispersés aux quatre coins de la terre. Et il nous enverra le fils de David notre Sauveur, bientôt et de nos jours, Amen !

L'Eternel a éclairé l'esprit de la femme noble, digne de louanges et intelligente, la femme vaillante à nulle autre pareille, la généreuse qui fut prête à payer le prix du travail du scribe. N'est-elle pas la précieuse dame Léa, qu'elle vive longtemps, épouse du défunt et illustre Nathan, que son souvenir soit béni, de Neckarsulm. Et j'élève ma prière au Dieu vivant : Qu'il ajoute des jours à ses jours et étende sur elle les bénédictions du ciel pour qu'elle puisse contempler ses fils et petits fils s'occupant de la Torah et de (ses) commandements, nuit et jour. C'est ainsi que je couronne, (moi) le scribe, l'humble Eliezer Seligmann fils du défunt Simon, que son souvenir soit béni, de Rosheim dans la Province d'Alsace, actuellement résidant ici au service de la noble dame précédemment mentionnée. Ici à Neckarsulm

Achevé le mercredi 9ème du mois où se sont brisées les Tables (de la loi, c'est-à-dire Tammuz), en cette année, dans l'ordre et le détail : "Afin que tu racontes aux oreilles de ton fils et de ton petit fils" (chronogramme donnant l'année 539selon le petit comput et 1779 selon l'ère commune).

Traduction de la page de titre

De tous les livres produits par les copistes juifs du moyen-âge, la Haggada, le récit de la miraculeuse délivrance de l'esclavage d'Egypte, fut le plus demandé, car il répondait à un besoin. La Pâque juive est une fête familiale et joyeuse qui se déroule autour de la table sur laquelle on place des mets symboliques. On raconte la délivrance et l'on loue le Dieu libérateur. Le repas festif est copieux, le vin abondant. Chaque participant souhaite disposer d'un texte pour pouvoir activement participer au cérémonial. Toutes les Haggadot n'étaient pas enluminées. Seules les familles les plus riches pouvaient s'offrir de magnifiques exemplaires dont il en existe encore une quarantaine dans les grandes bibliothèques.

La découverte de l'imprimerie réduisit le travail des scribes car de nombreux colporteurs à l'approche de la Pâque allaient de maison en maison proposer des Haggadot généralement imprimées à Amsterdam à un prix raisonnable. Et pourtant çà et là, on trouve encore aux 18ème, 19ème et même au 20ème siècle de beaux exemplaires calligraphiés à l'intention de personnalités, car la Haggada écrite par la main du scribe possède aux yeux de certains un supplément d'authenticité par rapport au livre imprimé. J'ai pu identifier une Haggada écrite en 1836 à l'intention d'un des plus éminents représentant de l'orthodoxie allemande, le rabbin Moïse Sofer de Bratislava et de sa femme Sara fille du rabbin Aqiba Eger de Posen. Mon condisciple André Neher et les siens ont calligraphié pendant leur inactivité forcée durant la guerre la Haggada en plusieurs exemplaires pour des membres de la famille.

Comme toutes les grandes bibliothèques du monde la BNUS devrait être riche en manuscrits enluminés- mais il n'en est rien- Une bombe allemande détruisit dans la nuit du 24 au 25 août 1870 la magnifique bibliothèque de Strasbourg, se trouvant dans l'église des Dominicains place du Temple neuf.
Cet édifice réunissait plusieurs fonds:

  1. la Bibliothèque du Séminaire protestant Jacob Sturm de 1531
  2. la Bibliothèque municipale crée par Schoepflin en 1771 et cédée par lui à la ville.
  3. les livres confisqués aux congrégations religieuses et aux émigrés en 1793. Au total, plus de 300 000 ouvrages faisaient de cette bibliothèque la seconde de France.

Un journaliste du Times interrogeant le bibliothécaire Saum de ce qui restait de cette bibliothèque s'entendit répondre: “pas une feuille” (Times 8.10.1870). L'inventaire ayant lui aussi disparu, voici une liste des beaux manuscrits détruits :
  • Hortus deliciarum de Herrade de Landsberg
  • Manuscrits de droit canon de 780
  • Recueils de prières des VIIIe et IXe siècle
  • Clés pour les notes tironiennes (abrv. utilisées dans les chancelleries carolingiennes)
  • Un livre de messe aux armes de Louis XII
  • Un bréviaire à miniatures
  • Un corpus juris du Xe siècle
  • Des manuscrits arabes, grecs, hébraïques et latins
  • Horace, Virgile, Ovide du Xe siècle
  • Synodicon IXe siècle
  • Etat des conciles
  • Quintilien, des mathématiciens grecs
  • Lois et décrets des rois de France au IXe siècle
  • Lois lombardes et siciliennes du XIIIe siècle
  • Manuscrits des chevaliers de l'ordre de St Jean de Jérusalem
  • Chronique de Koenigshoffen
  • Diverses chroniques
  • Statuts de la ville du XIIIe siècle
  • Incunables d'avant 1300
  • Actes du procès de Gutenberg
  • Manuscrit de Hertzog et de Closener

Il y avait aussi tous les livres confisqués aux juifs en 1349 et en 1390. Elie Scheid (1) né en 1841 à Haguenau cite cinq rouleaux de la Torah dont deux en parfait état. Il cite aussi un rituel de 1387 écrit par Simunt fils d'Isaac et ce que Scheid appelle “les lois canoniques” écrites de la main de Moïse de Barcinome en 1281. Il est possible que les informations de Scheid ne soient que de seconde main. Il existe une certaine pénombre sur tous les trésors perdus cette nuit-là. Le bibliothécaire qui avait préféré exposer sa bibliothèque aux bombes plutôt que de la mettre à l'abri dans les caves toutes proches du Gymnase protestant, tant il craignait en bon fonctionnaire le désordre, devait être profondément traumatisé et saisi de remords. Le général von Werder avait demandé au général français Uhrich de mettre les collections à l'abri dans les caves, et reprocha au bibliothécaire de ne pas l'avoir écouté. Le bibliothécaire n'avait aucune envie d'étaler au grand jour les pertes qu'il aurait si facilement pu éviter en mettant les manuscrits et les incunables à l'abri - de sorte que les informations nous sont parvenues de manière fragmentaire.

La probabilité qu'il y ait eu à la bibliothèque des manuscrits juifs enluminés est forte. On est d'accord pour soutenir que les familles fortunées possédaient des ouvrages enluminés. Or les Juifs de Strasbourg étaient riches - très riches.
Ecoutons Koenigshoven commenter le massacre des Juifs en 1349- ce ne fut pas le poison qui fut cause de leur perte (on les avait accusés d'avoir empoisonné le puits) mais leur richesse.
Le Rheingraf Rudolf von Baden avait mis sa couronne en gage auprès de deux banquiers juifs strasbourgeois (2).  Enfin il existe une correspondance entre l'Infant Juan, le futur roi Juan 1er d'Aragon et le banquier Joseph Rose ou Rosen ou Shushan de Strasbourg. L'infant demande au banquier de s'installer en Aragon, lui promettant de nombreux avantages (3). Le manque d'informations sur les trésors de la bibliothèque de Strasbourg peut s'expliquer.

En vérité, la France était très en retard par rapport à l'Allemagne où il existait depuis des décennies une Wissenschaft des Judentums qui étudiait le patrimoine culturel juif selon les voies ouvertes par l'érudition philologique contemporaine.
En France, la Revue historique n'est née qu'en 1876 la Revue de l'Histoire des Religions et la Revue des Etudes juives en 1880. Joseph Derenbourg, né et formé en Allemagne mais installé en France publia en 1867 son “Essai sur l'Histoire et la Géographie de la Palestine d'après le Talmud et les autres sources rabbiniques”. Les frères Darmstetter ouvrirent la voie à une science juive de formation française très en retard par rapport aux séminaires de Breslau, Berlin, Vienne et Budapest.

Les Allemands prirent à cœur de reconstituer la Bibliothèque. Du monde entier les bibliothèques envoyèrent généreusement tous les ouvrages qu'ils possédaient en double à ce qui allait devenir la Kaiserliche Universität und Landesbibliothek. Mais les manuscrits détruits ne purent être remplacés. Le premier directeur le Dr. Barack put acquérir en 1878 à Nördlingen pour 390 Mark trois manuscrits médiévaux richement enluminés comportant des commentaires de Saint Grégoire le Grand. Son successeur, Euting put acheter deux manuscrits hébraïques enluminés du 18ème siècle : La Megila 4053 et la Haggada 3928, manuscrits d'origine rhénane. Leur successeur, M. Littler n'a pas hésité à mettre le prix pour acquérir la seule œuvre manuscrite enluminée juive se trouvant sur le marché la Haggada de Rosheim de 1779.

La Haggada de Rosheim, le récit de la sortie miraculeuse d'Egypte est de type classique d'une très belle écriture ashkenaze et les illustrations sont fortement inspirées par les Haggadot imprimées à Amsterdam. Là dessus, et dès les premières lignes de la page de titre le scribe, Eliezer Seligmann fils de Simon de Rosheim s'explique avec franchise et candeur. Oui, il a copié les illustrations d'après des gravures sur cuivre, mais ses dessins à lui, le scribe, sont beaucoup plus beaux et bien supérieurs aux originaux. Avec une naïveté qui nous ravit, le scribe s'émerveille de son propre talent et invite tout un chacun à venir admirer son œuvre destinée à passionner le lecteur, pour qu'il ne s'abandonne pas à la somnolence durant le Séder, le récit des prodiges accomplis par l'Eternel pour nous sortir d'Egypte.
Plus classiquement il achève la première partie de son discours avec le souhait de voir bientôt le peuple d'Israël, aujourd'hui dispersé aux quatre coins de la terre, se retrouver réuni autour du Messie fils de David.

Dans un second paragraphe le scribe célèbre les vertus du mécène, la dame Léa, veuve de Nathan, fils de Marum Levi de Neckarsulm qui a fait les frais de cette Haggada et à qui elle est dédiée.
Quant à Marum Lévi, le beau père de Léa, il est connu pour avoir occupé une situation élevée à la cour princière de Hesse-Darmstadt où il affirmait avoir sa résidence (4). La dédicace s'achève par la date, le mercredi, neuvième jour du mois où les Tables de la loi furent brisées. La tradition juive situe la scène du veau d'or, provoquant la fureur de Moïse au 17 du mois de Tammuz.

Arbre généalogique de la Famille Netter
Voir Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne :
Netter de Rosheim
Ainsi la Haggada fut achevée le mercredi 9 Tammuz soit le 23 juin 1779. Le scribe signa simplement de son nom hébraïque, celui par lequel il était appelé à la Torah, Eliezer dit Seligmann fils de Simon de Rosheim. Le nom de famille n'est pas mentionné.

Qui était Eliezer Seligmann fils de Simon de Rosheim, le copiste et illustrateur de la Haggada? Des informations concordantes désignent Eliezer Seligmann fils de Simon Netter de Rosheim, qui fut dans la dernière partie de sa vie, directeur de la “Lemle Moses Klaus” à Mannheim- il descendait, comme tous les Netter de Rosheim de ce Leïme Netter qui par faveur du Maréchal Montclar put s'installer à Rosheim le 12.8.1687. Ce Leïme Netter eut deux fils, le premier, Itzig homme industrieux, véritable fondateur de la communauté juive de Rosheim, père de Lippmann et de Lehmann Netter qui furent préposés généraux de la Nation juive en Alsace, le second fils, Götschel, était le père de Simon et le grand-père du scribe Eliezer Seligmann.

Alors que le Greffe de la ville de Rosheim témoigne de la grande activité d'Itzig Netter et de ses fils Lippmann et Lehmann, qualifiés de “riches” dans les dénombrements des Juifs de Rosheim, il est peu question de la branche Götschel - classée comme pauvre par le Magistrat de Rosheim. Ceci explique que Eliezer Seligmann fils de Simon né en 1756 quitta Rosheim très jeune pour s'instruire chez divers maîtres et gagner sa vie comme précepteur, secrétaire ou scribe. Son périple le fit passer par Neckarsulm. Là une dame Léa, veuve de Nathan fils de Marum Lévy le prit à son service et c'est là qu'en 1779 (il avait 23 ans) il copia et illustra la Haggada.

La dame Léa avait une fille non mariée, Bessel qui s'appellera plus tard Babette. Il n'était pas question pour lui, Seligmann, de prétendre à la main d'une jeune fille si riche. Alors il songea à son cousin Moyse, fils de Meyer Netter de Rosheim et de Hindele Aron de Mutzig, petit fils de deux Préposés généraux de la Nation juive en Alsace. Ses démarches pour mettre les familles en contact furent couronnées de succès : le mariage religieux eut lieu à Rastatt le 14 Tammuz 5542 soit le 26 juin 1782 et enregistré au greffe de Rosheim (5). On fit à Seligmann Simon Netter l'honneur de le laisser signer le contrat de mariage en qualité de témoin.

Plus tard Seligmann Netter se rendit à Mannheim où il épousa une nièce de Lemle Moyse Reinganum (d'après son lieu de naissance Rheingönnheim dans le Palatinat). Lemle Moyse (v. 1650-1724) était Hoffaktor, Milizfaktor, ce qui impliquait d'importantes fonctions à la cour palatine, et Shtadlan, c.à.d. représentant des Juifs de la Province. Il était riche et influent, d'une grande piété - mais sans enfants - il créa en 1706 une Klaus, une maison d'études associée à une synagogue. Les fonds étaient confiés au trésor du prince régnant de Hesse-Darmstadt, Johann Wilhelm et à son successeur Carl Philipp représenté par le baron de Maubuisson après 1764. La synagogue fut inaugurée en 1708. L'organisation de la Klaus, les obligations des uns et des autres et les salaires des rabbins sont définis dans des textes qui sont encore conservés (6). Il faut noter que le fondateur précisa qu'à égale qualification, la préférence devrait être accordée pour le poste de directeur à un membre de sa famille. C'est ainsi que le premier directeur désigné fut son neveu Moyse Mayer Reinganum (directeur de 1724-1756). Sa direction fut troublée par les revendications d'autres héritiers s'estimant lésés, par les réclamations de rabbins qui n'avaient pas reçu leur salaire. A la mort de Moyse Mayer Reinganum, en 1756 un autre neveu du fondateur lui succéda, Moyse Suskind, qui avait fait fonction de directeur adjoint. Il y eut aussi à la même époque de grandes difficultés financières dont on trouve l'origine dans la mauvaise gestion des biens de la Klaus par les employés peu scrupuleux de la chambre palatine. Moyse Suskind étant un homme doux mal placé pour diriger cette entreprise qui souffrit de cette direction laxiste, qu'on peut expliquer par le grand âge atteint par le directeur. A sa mort en 1793 Seligmann Simon Netter, parent du fondateur par sa femme, posa sa candidature et fut nommé. Le nouveau directeur se révéla être un homme énergique, un administrateur sévère et un autocrate jaloux de son autorité. Il n'hésita pas à blâmer publiquement un rabbin éminent qui partit en voyage sans lui en demander la permission.

A peine en place il rédigea un règlement sévère dont nous extrayons ceci : le matin, à huit heures et demie après l'office tous les dix rabbins de la Klaus devaient se réunir pour étudier une page du Talmud, un chapitre du Pentateuque, un chapitre des Prophètes. Les textes devaient être préparés soigneusement. Aucun rabbin ne pouvait se dispenser, sauf motif grave et légitime, d'assister au cours. Une amende de 6 Kreutzer était prévue. Si l'absence devait se répéter on lui supprimerait la moitié de son salaire de la semaine soit 2 florins 30 Kreutzer. Aucun rabbin ne pouvait se rendre chez des particuliers pour une étude, ni sortir dans la rue avant midi. Les prescriptions spéciales étaient prévues pour Nissan, Iyar, Tishri et Marheshwan. Depuis Iyar jusqu'à Tishri on devait étudier avant Min'ha un passage de la Mishna. Aucun rabbin ne pouvait voyager sans autorisation du Directeur. La nuit de Shabuot et celle de Shemini Azeret aucun rabbin ne pouvait s'éloigner mais devait étudier dans la Klaus. Deux rabbins devaient passer toutes les nuits de lundi et de jeudi à étudier en commun.

La Klaus comprenait en plus des dix rabbins titulaires les élèves de niveau différent allant des classes élémentaires aux classes supérieures. Les connaissances étaient régulièrement sanctionnées, souvent par une main lourde armée d'une lanière. Les élèves étaient placés sur plusieurs rangs devant le maître et selon un usage déjà mentionné dans le Talmud, lorsqu'un élève répondait bien, sa place se rapprochait de celle du maître, en revanche une mauvaise réponse faisait reculer l'élève d'un rang.

Sur les liens que Seligmann Simon Netter conserva avec sa famille de Rosheim nous en savons à peu près rien. Mais le 12 mai 1806 il se rendit chez le notaire Joseph Nicolas de Rosheim. Il avait été informé qu'il venait d'hériter d'une maisonnette à Rosheim. Mais cette maisonnette était hypothéquée pour 400 francs par un Joseph Grau de Boersch. Seligmann Netter vendit la maison à Jean-Pierre Martz d'Obernai pour 400 francs. Le document est important car Seligmann Simon Netter se présente avec le titre de Directeur de Synagogue à Mannheim (7). Ce qui confirme bien l'identité des personnes. Seligmann Simon Netter mourut le 2 Av 5569 (15.7.1809) à Mannheim âgé de 53 ans (8) et ne sera pas remplacé dans ses fonctions de directeur qui seront réunies à celles de premier rabbin. Une prière à sa mémoire fut insérée dans le Memorbuch de la Lemle Moses Klaus de Mannheim. Selon les usages locaux le Memorbuch était lu chaque samedi ou seulement à l'occasion de certaines fêtes (9).

Extrait du Memorbuch de la Lemle Moses Klaus Stiftung de Mannheim. Unna Isak, Die Lemle Moses Klaus Stiftung in Mannheim. Frankfurt am Main, 1908, 2e partie, page 66.
Que l'Eternel veuille se souvenir de l'âme de l'érudit Rabbi Eliezer fils de l'érudit Rabbi Simon qui fut durant 16 ans directeur de la maison d'études du défunt Rabbi Lemle Reinganum, de mémoire bénie. Il plia l'épaule pour porter le fardeau de l'école talmudique avec fidélité. Il fut présent, tant dans les ténèbres de la nuit qu'à la lumière du jour dans la synagogue de la maison d'études, le premier des dix (10) pour élever une prière pure et choisie. Et, à l'heure où le Peuple de Dieu défile devant Celui qui tient les comptes (11) il était le chantre de la communauté pour diriger la prière vers Celui qui demeure dans la Résidence. Et il multiplia, de sa main et par son intelligence les actes de charité pour accomplir de belles actions. Son épouse offrit un don charitable qu'en récompense de ceci, son âme soit liée au faisceau des vivants avec tous les Justes, hommes et femmes [qui sont dans le jardin d'Eden]. Amen (12)

Revenons à l'époque de la jeunesse de Seligmann Simon Netter, lorsqu'il calligraphia et illustra la Haggada et fut témoin au mariage de son cousin Moïse Netter avec Babette fille de Nathan de Neckarsulm et de Léa. Le couple installé à Rosheim est mentionné dans le dénombrement de 1784 (10e famille de l'imprimé, 9e famille du manuscrit original) (13). Ils ont un enfant, Nathan âgé en 1784 de six mois, qui mourut très jeune, [registre Rosenwiller f° 24 rangée 15]. Des enfants seule Jeannette survécut - et que nous retrouverons plus tard à Francfort -. La situation financière des grandes familles juives se dégrada progressivement. La Révolution les ruina. Aucun membre des trois grandes familles juives ne fut appelé à siéger à l'Assemblée des Notables de 1808. Les biens furent vendus, les bibliothèques dispersées. Parmi ces livres devait se trouver la Haggada commandée par Léa Nathan de Neckarsulm et transmise à sa fille. De la grandeur des familles juives de Rosheim il nous reste le magnifique complexe immobilier de la rue Netter dont une maison abrite l'école maternelle Henri Eggestein. Moyse Netter finit tristement à l'hospice juif de Rosheim. Sa femme Bess dite Babette s'était réfugiée auprès de parents à Francfort. C'est là qu'elle reçut une sommation venant des nouveaux dirigeants de la communauté juive de Rosheim d'avoir à payer 60 francs pour soins donnés à l'hôpital. Babette se souvint que son défunt mari Moyse était resté propriétaire d'un rouleau de la Torah avec ses ornements d'argent restés à la synagogue de Rosheim. Elle chargea le rabbin de Mutzig Israël David Dürckheim de la négociation. Le rouleau de la Torah contre la dette de 60 francs (14).

Notes
  1. Elie Scheid. Histoire des Juifs d'Alsace. Paris, 1887, pp. 58 et 59 (Reprint Willy Fischer, 1975)    Retour au texte.
  2. AMS 174 n0 44    Retour au texte.
  3. Simon Schwarzfuchs. D'une inscription médiévale de Colmar à la finance internationale, Revue des études juives, CXLI, 3-4, juillet-déc. 1982, pp. 363-367.    Retour au texte.
  4. A.D.B.R. 6E7, 144 f. 148    Retour au texte.
  5. A.D.B.R. 6E 34.90 f0 754-757    Retour au texte.
  6. Isak UNNA. Die Lemle Moses Klaus Stiftung in Mannheim. Frankfurt/M,1908.    Retour au texte.
  7. A.D.B.R. Not Rosheim 26, 349.    Retour au texte.
  8. Standesbuch der israelischen Gemeinde von Mannheim, 390-2858, 15.7.1809    Retour au texte.
  9. Isaac UNNA. ouvr. cit. 2e partie p. 66    Retour au texte.
  10. Le premier des dix : ce sont les dix hommes requis pour pouvoir faire la prière publique    Retour au texte
  11. Allusion à la fête de Rosh Ha-shana, le Nouvel An et à la prière U-netanne toqeph récitée ce jour, lorsque l'on évoque les humains défilant devant le Seigneur comme des moutons devant le berger. Cette prière trouvée dans la Geniza du Caire daterait des environs de l'an 800. Elle fut pourtant attribuée à Rabbi Amnon de Mayence, mort en martyr au Xle siècle dans des conditions particulièrement atroces et transmise à Rabbi Kalonymos ben Meshullam Kalonymos.    Retour au texte.
  12. Cet éloge funèbre parait objectif : aucune allusion à une science des écritures qu'il ne possédait probablement pas ; mais administrateur rigoureux à un poste difficile, donnant l'exemple pour l'accomplissement des prières quotidiennes, chantre au cours des fêtes solennelles, accomplissant les œuvres de charité dans le sens le plus large du terme avec intelligence.    Retour au texte.
  13. A.D.B.R. 1 B 731
  14. Archives familiales Netter Rosheim en dépôt chez l'auteur.

Les deux volumes (29,5 cm, 42 et 256 pages respectivement) sont vendus sous coffret cartonné aux Presses universitaires de Strasbourg, Palais universitaire, 9 place de l'Université 67984 Strasbourg Cedex (Tél 03 88 25 97 21).
Traditions Judaisme alsacien Pessah

© : A . S . I . J . A.