Les Hagadoth de Mahanayim


La Hagada de 1942 - voir nos pages consacrées aux Hagadoth de Mahanayim

De 1941 à 1944, aux heures les plus sombres de l'occupation nazie, Albert A. Neher se trouve replié avec les siens à Lanteuil, petit hameau de Corrèze. Toute la famille ressent à la fois la précarité de cette étape de l'errance, alors que la division "Das Reich" met la région à feu et à sang, et l'espoir que Dieu n'abandonnera pas son peuple et le ramènera vers la "Terre de la Promesse".

"Dans l'angoisse et dans l'espérance, dans les souvenirs poétisés de l'Alsace et dans la réalité dure et douloureuse, dans le temps dangereux de la persécution et dans le temps plénifiant de la durée biblique, c'est dans ce double rythme que l'on vit constamment à Lanteuil", et c'est pourquoi Albert A. Neher a nommé cette retraite Maanayim, "la double demeure".

C'est là que cette famille exilée et traquée élabore quatre hagadoth dont la confection constitue le temps fort de sa vie.

Sur les pages du cahier de comptes où le Marquis de la Praderie avait enregistré le montant de ses récoltes et le produit de ses métairies, Albert A. Neher dessine, avec simplicité et minutie, des enluminures qui encadrent le texte hébraïque traditionnel recopié par son gendre Nathan Samuel, et un commentaire en français et en hébreu conçu par ses deux fils Richard et André.

Renouant avec la tradition des soferim du moyen âge, durant les longs mois d'hiver de anuka à Pesa, chacun s'attelle à sa tâche qui constitue comme l'aboutissement de la journée d'études : pour cette famille qui tremble de froid et qui est assaillie par l'angoisse, la Hagada constitue le centre qui rassemble toutes les forces spirituelles. Chaque soir, on relit la page écrite la veille et on élabore la géométrie et l'architecture de la suivante. On ne dispose que de matériaux très simples : de la craie, de l'encre de Chine, et une boîte d'aquarelles.

Lorsque les menaces de perquisition se précisent, le rythme du travail se relâche, car on cache le manuscrit chez une vieille paysanne. Mais chaque année, à la veille de Pesah, on achève la dernière page d'une nouvelle Hagada, et chaque membre de la famille, depuis le patriarche jusqu'aux enfants dont il faut guider la main, écrit une lettre du dernier verset du manuscrit. Celui-ci se termine par une gravure représentant le Juif Errant qui, au tournant du chemin, découvre Jérusalem dans toute sa splendeur.

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