Ce n'est pas le lieu de parler du Shabath, de ses significations, des règles qui caractérisent son observance, de ses rites ou de ses usages. Qu'il suffise, ici, de dire que le Shabath occupe une place prépondérante dans la vie juive et que, par conséquent, il a donné lieu à un certain nombre d'expressions ou de dictons que nous nous proposons d'évoquer brièvement.
"ICH KEN SCHAWESS MACHE" : littéralement "Je n'ai pas de quoi faire schawess" , je n’ai pas de quoi acheter les provisions du Shabath.
"MACH SCHAWESS METT" : littéralement "faire Shabath avec ça", "utilise
ça pour faire Shabath".
Se dit d’un travail mal payé ou d'une activité peu rémunératrice
qui ne permet pas de préparer et de fêter dignement le Shabath.
Se dit également de bénéfices purement moraux qui ne servent
à rien pour payer les dépenses auxquelles il faut faire face pour
célébrer dignement le Shabath, notamment par la préparation
des repas traditionnels (Hoenel Meiss).
(On pourrait rapprocher cette expression de celle, en français, qui dit
que "ça me fait une belle jambe !")
N.B. "MACH SCHAWESS METT" comme on dit en français "en faire ses choux gras" (Emmanuel Weill, page 59).
Il est intéressant de noter qu’il existe aussi une expression
inverse : "A SCHLECHTER SCHAWESS GEBT E GEUTER SONNTAG"
- "Un mauvais Shabath donne un bon dimanche"
Si les aliments préparés pour Shabath n’étaient pas
assez cuits, ce qui en restera fera un excellent repas pour dimanche, quand
ils seront réchauffée et recuits à point.
"Il n'y a pas de Shabath aussi sombre qu’il n'ait un rayon de soleil".
Cette locution est employée, surtout au plan moral, pour nous apprendre
que "le saint jour de repos" apporte un baume divin aux plus affreuses
blessures ainsi qu'une "âme supplémentaire" à
tous les croyants.
Honel Meiss (p.201) se souvient avoir entendu en Alsace par une journée
pluvieuse, le matin, mais où le temps s'était amélioré
vers le soir, une jeune théologienne de six ans dire, très naturellement
, et sans ombre de méchanceté, à une camarade qui sortait
avec elle de l'école des Soeurs :
"Hit hann die Jude noch a schéner Samchti khét, mér
bekomme awer morye a schéner Sonntig" : "les juifs
ont encore eu aujourd'hui un beau samedi, mais nous aurons demain un beau dimanche."
(Les deux dernières expressions peuvent être rapprochées
du dicton "Après la pluie, le beau temps", quand bien même
ce dicton aurait, à l’origine, un contenu essentiellement météorologique).
S’il
est vrai que le Schawess est caractérisé par un certain nombre
d’interdictions, il ne faut pas oublier que les bonnes relations qui régnaient
en général entre les Juifs et leurs voisins non-juifs permettaient
aux premiers de faire appel aux seconds - le Shawess-goy
ou la Shawess-goyye -pour faire effectuer des tâches
qu’ils n’auraient pas eu le droit d’accomplir eux-mêmes
(exemples : allumer le feu dans le fourneau par les froides journées
des Shabath d’hiver, éteindre les lumières électriques
le vendredi soir dans les maisons qui ne s’étaient pas dotées
de shawwes-Ühr -lumière de Shabath-, etc.).
Il faut surtout garder présente à l’esprit que le Shabath est avant tout un jour de "repos" - "SCHAWWESS MENÜ’HE" - et de satisfactions : on s’y habillait avec le "Schawess Gleid", "le vêtement de Shabath" dans lequel on était "endimanché" - si l’on peut se permettre ce terme en l’occurrence -, et après les mets traditionnels, on finissait le repas avec les "Schawess Obst", les "fruits" rares que l’on ne pouvait se permettre de partager que dans les grandes occasions festives - les oranges, par exemple.
Le plus
beau souhait que l’on pouvait formuler consistait à espérer
retrouver, les semaines suivantes, le même agrément à célébrer
le Shabath, avec les petites satisfactions qu’il apportait :
"SO VOHR SOLL ICH ALLE FREITIGSNACHT MEÏ FESCH HANN"
- "Puissé-je avoir mon poisson tous les vendredis soirs".
Le Schawess se distinguait des autres jours de la semaine, non seulement par
l’abstention de tout travail mais par un luxe relatif dans les vêtements
(voir "schawess-klad") et par l’excellence
de la cuisine traditionnelle. Chacun considérait comme un devoir de se
procurer un plat de poisson pour le repas de vendredi soir ("Freidigsnacht").
(H.M., p. 175).
En un mot, quand tout était beau, calme et harmonieux, on pouvait dire : "ES SEHT SCHAWWESSTIG AUS" , "On sent l’ambiance de Shabath, cela a un bon air shabatique".
Honel Meiss (pp. 175-176) rapporte la longue description que Henri Heine, le grand sceptique (sic), esquisse du "Freidigsnacht").
L’ambiance du Shabath, avec sa poésie, constituait un remède
efficace contre bien des tribulations de l’existence. (H.M., p. 125).
(Par opposition à la lampe joyeuse du vendredi soir, la
"éicha lämple", on connaît
le triste lumignon qui éclaire faiblement la synagogue le soir du 9 Av,
pendant la lecture rituelle des Lamentations de Jérémie,
Megillat Eicha . (H.M, p. 127).
Cette expression découle probablement du récit biblique (I Rois 17:14) dans lequel la présence du prophète Elie permit à une pauvre femme qui ne disposait pratiquement d’aucune réserve, de cuisiner "sans que la cruche de farine ne se vide ni la bouteille d'huile ne perde de son contenu". (Hoenel Meiss, p. 70).
Au patron qui abuse de ses employés en leur imposant une somme de travail exagérée, on dit : "L'enfer lui-même accorde un jour de répit par semaine à ses habitants" (Hoenel Meiss, p. 75).
" Quand le Shabath Na’hamou tombera un mercredi".
Plusieurs Shabath de l'année sont désignés
en accolant à la mention du Shabath un mot qui exprime une particularité
liturgique liée notamment au calendrier ( exemples : Schawwess
Beréichiss, Schawwess ‘hannye ( =
Shabath ‘hanoukka ), Schawwess ha-godowl, schawwess
hazown ou shwartz Schawwess, Schawwess
choufe, Schawwess rosh ‘hodésh, Schawwess
‘hol ha-moéd (Ernest Weill, p.59). Ainsi, le "Shabath na’hamou"
est-il le Shabath qui suit le jeûne du 9 Av ; on y lit, en guise de haftara
, un passage du prophète Isaïe (XL) qui commence par le mot "na’hamou"
& qui évoque la consolation annoncée après la Destruction
du Temple.
Il va de soi que tous les Shabath tombent toujours ... un samedi.
Lorsqu’on veut refuser à un enfant - ou à un adulte - ce
qu'il vous demande, on lui répond qu’on lui donnera satisfaction
quand "le Shabath Na’hamou tombera un mercredi".
Cette expression évoque "la semaine des quatre jeudis" que
l'on invoquait, jadis, quand les écoliers français chômaient
le jeudi !
Parmi les Shabath particuliers, Shabath ha-gadol, celui qui précède la fête de Pessah (peu importe ici l’étymologie de cette appellation dans laquelle apparaît l’adjectif gadol = grand) a donné lieu à un proverbe intéressant :
"Quand arrive la saison de Shabath ha-gadol, le tailleur prend sa longue
aiguille".
Ceux qui en avaient les moyens, possédaient dans leur
garde-robe, à part le "Woche-Klad",
le costume pour les jours ouvrables, un "Schawess-Klad",
"Lekofed Schawess",
un costume pour Shabath, en l’honneur du Shabath, et un "Yontef-Klad",
"Lekofed Yontef", un
costume en l’honneur des yemim towim, des jours de fête,
Yom tov.
C’est au printemps, avant Pessah, que l’on faisait faire ce costume
destiné aux jours de fête, de sorte que le tailleur était
obligé de préparer une "grande aiguille" pour satisfaire
les demandes de tous ses clients. (H.M., p. 8)
Ajoutons, pour caractériser la vie agitée de Paris, la locution :
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