Claude-Annie GUGENHEIM
23 août 1928, Paris – 20 juin 2014, Jérusalem
par Félix Perez
Cet article a été rédigé spécialement pour notre site




Ernest et Claude-Annie Gugenheim

Claude-Annie Gugenheim, née Claude-Annie Dalsace , a été une pédagogue juive orthodoxe française qui a attaché une place essentielle à la sa famille, à la communauté, au rôle de la femme et à l'accueil des convertis. Elle a notamment dirigé l'école Ariel et été pendant plus de 50 ans la rédactrice en chef de Hamoré, revue trimestrielle de liaison des enseignants d'écoles juives en France. Elle a été l'épouse du grand rabbin Ernest Gugenheim, professeur de Talmud et Droit Rabbinique au Séminaire Israélite de France (formant les rabbins du pays) et vice-président du Beth-Dîn de Paris, prématurément décédé en 1977.

La nouvelle de son décès, connue quelques heures avant un Shabath, s'est répandue dans tout Jérusalem et a fait l'objet de bien des conversations affligées. Malgré les timings, son enterrement a été miraculeusement réalisé avant ledit Shabath et a réuni plus de 250 personnes ayant néanmoins tenu à lui rendre un dernier hommage.

Orientation dans les rails du judaïsme

"Pourquoi son entourage et elle avaient-ils eu la chance de survivre à la Shoah ?". Claude-Annie Dalsace est tentée par une réponse métaphysique à cette question. Issue d'une famille très francisée et absolument pas religieuse, elle croit ainsi, dans la nuit de l'après-guerre, et après la quasi disparition de la religion, en la possibilité de sa renaissance. Pour démarrer, elle ne dispose que d'un texte de Kadich extrait d'un calendrier 1939-40, d'un dictionnaire, d'une "histoire sainte" du rabbin Isaac Lévy, d'un livre de prières traduit et d'un livre de commentaires de péricopes hebdomadaires datant de 1846.

Ayant vite fait le tour de ces maigres outils de base, elle contacte le grand rabbin Jaïs et suit durant deux ans ses cours d'hébreu et de pensée juive. Elle n'hésite pas à aller étudier quatre mois au Séminaire féminin orthodoxe de Gateshead, notamment avec le Rav Dessler. Elle a aussi recours aux enseignements des prestigieux grands rabbins Schilli, Kaplan, Bauer et aux cours de Michna du Rav Gugenheim qui devient son époux. Sur notre "site du judaïsme alsacien", elle décrit ainsi sa rencontre avec son futur mari : "J'ai fait sa connaissance en octobre 1947, lorsque j'ai été acceptée à l'Ecole de Liturgie et Pédagogie qui venait de s'ouvrir pour cinq élèves, et ne devait durer que deux ans ! Je suivais deux fois par semaine son cours de Mishna. Cette expérience s'est terminée un an et demi plus tard par le romantique mariage du professeur et de son élève… Désormais j'ai partagé sa vie, témoin et confidente de ses réussites et de ses difficultés professionnelles, associée souvent à ses travaux littéraires et, évidemment, collaborant avec lui à l'éducation de nos enfants". Son époux décède tragiquement d'une tumeur, après moins de trente ans de mariage.

Un engagement familial et communautaire

Claude-Annie Gugenheim est au cœur de l'extraordinaire renouveau du judaïsme des années 1970-2010. Selon notamment le rabbin Grunewald, elle a été "parmi les meilleur(e)s guides et maîtres du judaïsme en France". Il fait référence à ses rôles d'enseignante patiente et obstinée, puis, de rédactrice en chef de Hamoré et d'auteur de nombreux livres cités ci-dessous.

Mais il convient de souligner l'importance qu'elle attache à son rôle dans la famille. Son fils Michel témoigne dans Actualité Juive : "elle n'a vécu que pour mon père. Elle l'aidait et le poussait en chaque chose en mettant la dernière main sur ses textes, jusqu'à un simple accord… Elle tenait de ses parents des qualités de rigueur que n'avait pas vraiment mon père, plus dans l'affect".

Signe de son attention constante à son rôle de mère, elle raconte dans son autobiographie La passion de transmettre, comment elle a pris grand soin d'acquérir au départ, une machine à écrire sans le "cling" de fin de ligne, afin d'éviter de réveiller ses alors jeunes enfants…
La lecture de l'ouvrage illustre son beau parcours familial, communautaire et professionnel. Ce livre et les témoignages de ceux et celles qui l'ont connue soulignent l'absence absolue de signe ou de volonté de pouvoir de sa part, son apparence toujours didactique, sans jamais de signe d'énervement, en permanence souhaitant convaincre plutôt qu'imposer.
Ils révèlent également, outre ses immenses connaissances juives, sa grande érudition et son amour de l'Histoire, de la France et de la littérature.

Ses responsabilités professionnelles et son éthique

Après des années d'enseignement à l'école Yabné, Claude-Annie dirige l'école Ariel jusqu'à l'annonce de la maladie de son mari en 1976. Elle est ensuite en charge de très nombreuses activités dont la préparation des époux au mariage, la préparation aux conversions, l'écriture d'ouvrages, la tenue de conférences… Elle dirige également pendant douze ans l'enseignement juif dans ce qui va devenir le Centre de formation André Neher.

Elle n'a pas attendu les récentes revendications relatives au rôle des femmes dans le judaïsme. C'est sur le terrain qu'elle s'est engagée concrètement, sans faire de bruit, sans s'opposer à quiconque, en travaillant avec tous les mouvements, mais en restant elle-même sur le terrain de l'orthodoxie. On ne compte pas le nombre de femmes de tous milieux qui auront été directement ou indirectement sous son influence, ni l'impact qu'elle aura eu pour faire évoluer bien des lignes de lecture relative à la place de la femme dans le judaïsme.

Son mariage et son parcours l'ont conduite à centrer sa vie sur le précepte de "Thora im derekh eretz", "la Loi orthodoxe associée à une vie pleinement dans la Cité", selon notamment les Pirké Avoth 2:2. En effet, cette devise a été celle de son mari, de son beau-père le Rav Max Gugenheim (1), disciples spirituels du Rav Samson Raphaël Hirsch, ainsi que de celle d'une génération de rabbins alsaciens dont ils descendent.

Elle a reçu les prestigieux Prix de Jérusalem en 1987 pour Hamoré et Edmond Tenoudji en 1992 pour sa contribution essentielle à l'éducation juive.

Ses deux amours : Jérusalem et Paris

C'est au Séminaire de la rue Vauquelin qu'elle-même a vécu, au cœur du quartier Mouffetard et près du Jardin du Luxembourg qu'elle a tant aimés (les descriptions qu'elle en fait dans son autobiographie sont savoureuses).

Son premier voyage en Israël date de l'été 1951. Le suivant a lieu seize ans plus tard en 1967 quand elle accompagne son fils Michel pour le début de ses études à la Yeshiva de Beer Yaakov. Avec son époux, ils sont reçus à Bné Brak par le prestigieux ‘Hazon Ich. Mais depuis cette date, elle y retourne chaque année durant deux mois. Elle a ensuite fait son alya en 2005 dans son appartement de Guilo/Jérusalem dont elle a toujours chéri l'imprenable vue, "une jouissance extraordinaire" rappelle-t-elle en citant également le Psaume 48. Elle continue néanmoins à diriger Hamoré depuis Israël pendant six longues années.
Elle a toujours évoqué ses deux amours : Israël/Jérusalem et la France/Paris.

Sa famille autour d'elle

Claude-Annie Gugenheim a six enfants : un fils Michel, actuel grand rabbin de Paris (qui avoue après son décès "avoir perdu son plus fidèle conseiller"), Elie (installé au Mexique), et les quatre autres vivant tous en Israël : Jean-Jacques, Daniel, Martine (ép. Bendavid) et Anne (ép. Bolack). La plupart de ses nombreux petits-enfants et arrières-petits-enfants vivent en Israël.
Son décès paisible en présence de tous ses enfants et de plusieurs petits-enfants, est le signe d'une vie placée sous le signe des mitsvoth et de l'éthique.

Ses ouvrages

Elle est tout le temps restée très active, notamment sur le plan de l'écriture. Citons parmi d'autres :

Note :


Rabbins Judaisme alsacien Histoire
© A . S . I. J . A .