Hommage de Jacquot Grunewald à Josy Eisenberg
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
- Quand avez-vous rencontré le Rabbin Josy Eisenberg pour la première fois ?
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- Rabbin Jacquot Grunewald : Nous étions tous les deux à Limoges pendant la guerre. C’est là que nous avons fait connaissance. Puis lui comme moi avons fui vers la Suisse, mais séparément. Il se trouve que lorsque Limoges a été libérée, les enfants qui étaient réfugiés en Suisse y sont retournés. Nous nous sommes alors retrouvés. Limoges est le lieu où notre amitié d’enfance a commencé et s’est développée. Nous avions des jeux d’enfants dans les rues de la ville, à la synagogue, nous nous amusions à attraper les tsitsith des hommes appelés à monter à la Torah ! Puis Josy est reparti à Strasbourg et je suis resté à Limoges. Ce n’est que quelques années plus tard, que nos chemins se sont de nouveau croisés, au séminaire rabbinique.
de g. à d. : Emmanuel Lévinas, Josy Eisenberg, Jacquot Grunewald, pendant le discours de Jacques Chirac, maire de Paris, qui leur remet la Médaille de vermeil de la ville de Paris en décembre 1988.
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Vous attendiez-vous à le retrouver à cet endroit ?
- Je ne pense pas avoir été surpris de le voir au séminaire. Il était un élève brillant. Nous avons formé un groupe avec Jérôme Cahen et Chaoul Naouri, liés par une amitié qui ne s'est jamais démentie.
- Le Rabbin Josy Eisenberg peut-il être défini comme un produit du judaïsme alsacien?
- Le judaïsme alsacien était conçu de deux manières. Il comptait des gens attachés à la tradition mais qui, contrairement aux pays de l’Europe de l’Est, n’étaient pas instruits. Les gens venaient à la synagogue mais n’avaient pas une connaissance approfondie des textes.
Puis il y a l’après-guerre, lorsque Strasbourg est devenue une communauté pilote, grâce à des personnalités très dominantes avec André Neher en figure de proue. Josy faisait partie de ce groupe pilote mais n’avait pas le besoin de s’identifier au judaïsme alsacien.
- Comment avez-vous perçu son initiative de réaliser des émissions religieuses pour la télévision ?
- Je me souviens très bien aue dans nos jeux à Limoges, Josy me parlait déjà de la télévision alors que je n’avais même pas idée de ce que c’était. C’est un outil qui l’a marqué très tôt. Lorsqu’il était secrétaire du grand rabbin Kaplan, au début des années 60, il lui a fait comprendre l’importance de cet outil. A cette époque, je dirigeais le Bulletin de nos communautés d’Alsace et de Lorraine (devenu Tribune Juive) et nous avons été le premier support papier à annoncer qu’il y avait une émission juive à la télévision.
- Qu’est-ce qui faisait du Rabbin Josy Eisenberg un homme si particulier?
- Il avait un don de la répartie immédiate, très souvent teintée d’humour. Il a toujours étudié en profondeur chaque sujet. Il allait à Jérusalem étudier la mystique juive mais il ne s’est jamais laissé entrainer par la mystique, ce sont les textes qui l’intéressaient. Il a transmis une image intelligente du judaïsme. Il donnait la parole à des gens qui incarnaient des courants différents du judaïsme et qui portaient une vision qu’il ne pouvait pourtant pas partager.
- Son œuvre pourra-t-elle être poursuivie?
- Il sera difficile de trouver une personne possédant autant de connaissances. Josy a commencé jeune son émission et avait déjà un niveau important dans beaucoup de domaines. Mais, même s’il est impossible de trouver un identique, j’espère qu’un remplaçant lui sera trouvé.