Nathan NETTER
Grand Rabbin de Metz et de la Moselle
Niedernai , 5 janvier 1866 - Metz , 15 décembre 1959


Nathan Netter est un rabbin alsacien typique et pourtant c'est à Metz que s'est déroulée la plus grande partie de sa carrière : il en a été le grand rabbin pendant 54 ans !

Il naît à Niedernai d'un père marchand de bétail. Il étudie à l'école rabbinique préparatoire de Colmar sous la férule du grand rabbin Isidore Weil. En 1891 il reçoit l'ordination rabbinique à Strasbourg, où il soutient parallèlement une thèse de doctorat sur une étude critique du Midrash Rabah (Die Geschichte Noahs und der Sündflut, eine Uebersetzung und kritische Behandlung des Midrasch Rabbah).

Le 30 août 1891 il est nommé au poste de rabbin de Bouxwiller, et en 1896, il assure l'intérim du rabbinat de Saverne à la suite du décès de son titulaire, Heymann Loeb Dreyfus.

Puis c'est le passage en Lorraine : en 1898 il est nommé rabbin à Sarreguemines, où il n'exercera que pendant deux ans. Le dimanche 8 juillet 1900, il est installé à Metz comme grand rabbin du consistoire de Lorraine. Dès lors il s'intéresse à l'histoire de la communauté messine qu'il étudiera avec passion ; ses travaux restent référence pour les historiens.

Nathan Netter n'a que quatre ans lorsque l'Alsace et la Lorraine sont annexées par l'Allemagne. Son éducation se fait donc en langue allemande et il écrit et prêche dans cette langue aussi bien qu'en français. Tout en conservant son attachement à son ancienne patrie, il fait preuve de loyauté, dans sa carrière rabbinique, envers les nouveaux dirigeants. En 1910, il est décoré de l'ordre de l'Aigle rouge de 4ème classe. Lors de la déclaration de la guerre, en 1914, il prononce un sermon franchement pro-allemand et soutient l'effort de guerre germanique. En novembre 1915, sur proposition de l'administration, il devient président du consistoire de Basse-Alsace en remplacement du président Hannaux jugé trop pro-français. En 1916, il remplace Adolphe Ury au Landtag d'Alsace-Lorraine comme député des trois grands rabbinats du Land ; il use de son influence pour tenter de faire admettre des professeurs juifs à l'université de Strasbourg.

Cependant, durant toute la guerre, de 14-18, son attitude est nettement francophile. Il s'efforce d'apporter aux prisonniers français, aux Français des pays envahis, aux Lorrains exilés ou évacués des régions du front l'aide et les secours qui leur sont nécessaires. Par exemple, il organise quêtes dans le but de procurer un supplément de nourriture aux soldats détenus dans les camps de prisonniers.
Il intervient avec succès à la tribune de la première Chambre d'Alsace-Lorraine en faveur des Alsaciens exilés loin de leur pays pour avoir affiché des sentiments français. Il prend enfin l'initiative d'une protestation des députés de Lorraine contre les procédés indignes dont l'autorité allemande use à l'égard des populations lorraines évacuées.




Le 18 novembre 1918, le grand rabbin de Metz reçoit le Maréchal Pétain, héros de Verdun par ces mots : "Jamais le judaïsme français n'a marchandé son dévouement et le jour où la Patrie a dû faire appel à ses enfants, lui aussi a connu cette extase patriotique. Il a montré lui aussi qu'il aimait la patrie, qu'il l'aimait jusqu'à la mort".

En 1919, il reçoit une délégation du Consistoire central. Il est maintenu à son poste par le Gouvernement français, et ses sermons sont alors l'expression de son patriotisme. En 1922, il reçoit la médaille d'or du Souvenir français.

Après, la guerre Il se dépense à Metz en faveur de l'hospice avec l'aide de son épouse, qui s'occupe aussi de la Société des Dames de Metz, dévouée à la constitution de dots pour les jeunes filles pauvres. Il dirige la section messine du Mouvement Chema Israël, la première association de jeunesse juive française créée à Paris par le grand rabbin Maurice Liber en 1919 et qui a pour vocation "l'éducation et la propagande religieuse", au sein de laquelle il donne de nombreuses conférences à Metz et à Paris. Il est élu au Conseil de l'Association des rabbins français en 1929. Il préside également à Metz un comité d'assistance aux immigrants : la population juive de la ville a plus que doublé entre 1910 à et 1931, suite à l'afflux de familles venues de Pologne et de Russie, jetées sur les routes par la crise économique et par les persécutions

En 1928, il reçoit la médaille de bronze de l'Assistance publique, en 1930 le prix Michel et Fanny Weill, en 1932 la médaille de l'administration pénitentiaire en reconnaissance de ses trente-deux ans de services comme aumônier des prisons ; en 1931 Il est fait chevalier de la Légion d'honneur, et en 1934, officier de l'Instruction publique. Il est aussi titulaire de la médaille d'argent de la Prévoyance sociale. Son ouvrage La patrie absente et la patrie retrouvée, publié en 1929, est distingué par un prix de l'Académie française.

A la suite de l'évacuation de Metz en 1939, il est replié à Sanary-sur-Mer. Puis il réside à Roanne en 1942-1944, avant de se réfugier à Saint-Firmin, dans les Hautes-Alpes.

Nathan Netter reprend son poste après la Libération, dans une communauté bien diminuée : 1500 juifs messins (un tiers de ses membres de la communauté), n'est pas revenue des camps d'extermination ou a périt fusillée pour des actes de résistance
Avant la guerre, le grand rabbin avait fait preuve de mesure, voire même de tièdeur vis-à-vis du sionisme. Mais le 14 juillet 1946 il adresse une lettre à Churchill pour solliciter une aide aux Juifs de Palestine, dans laquelle il écrit : "... La terre, qui pendant des siècles est restée en friche, sans l'activité laborieuse et intelligente des pionniers de Sion, n'est-elle pas redevenue, le pays où coule le lait et le miel. Nous mettons notre confiance en vous, nous sommes sûrs que vous prêterez l'oreille à la voix de l'Histoire pour solutionner la crise palestinienne dans le sens de la justice et de l'équité".

En 1946 il est promu officier de la Légion d'honneur et, le 11 novembre, il reçoit la Croix de guerre avec palmes. En 1947, son ouvrage La Patrie égarée et la patrie renaissante lui vaut le prix Montyon de l'Académie française. Son ouvrage Souvenirs et impressions de voyage, réimpression d'anciens articles, sera couronné lui aussi par l'Académie française.

Couvert d'honneurs et âgé de 88 ans, il demande sa mise à la retraite et préside l'office à la synagogue pour la dernière fois le 27 septembre 1954.

Nathan Netter est décédé 15 décembre 1959, dans sa 94ème année. La Communauté Israélite de Metz a organisé pour lui des obsèques solennelles, en présence de toutes les personnalités religieuses et laïque du département de la Moselle. Jacob Kaplan, grand rabbin de France, s'est exprimé par ces mots : "Je viens apporter à la mémoire vénérée de Nathan Netter l'hommage du Rabbinat, du Consistoire Central et du Judaïsme français tout entier. Le défunt était le doyen de notre Rabbinat et toute sa vie de serviteur de Dieu a été une application de cette parole : Vous qui invoquez sans cesse le nom de l'Eternel, ne vous donnez aucun répit."

De son épouse, France Weill, née le 13 mars 1872 à Saint-Imier (Suisse), fille d'Alphonse Ephraïm Weill, fabricant, et de Fanny Traugott, il eut un fils, pharmacien à Paris, administrateur de la synagogue orthodoxe Ohel Abraham de la rue de Montevideo. Sa femme décéda en 1935. Tous deux sont inhumés au cimetière juif de Metz-Chambière.

Bibliographie résumée
(nous ne citons ici que les ouvrages complets, auxquels il faudrait ajouter ses nombreux sermons, articles et introductions, en allemand et en français)

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