La supputation de l'Omer (1), qui est
l'expression de notre ardent attachement à la Torah, vers la possession
de laquelle notre cœur doit aspirer sans cesse, et à laquelle
tous nos jours doivent être consacrés, "comptés"
parce qu'elle est le bien suprême devant lequel tous les biens de la
terre pâlissent, cette belle mizwah me rappelle tous les ans un bon
mot que m'a dit un jour un pieux rabbin, d'après les enseignements
du Zohar. Les premiers nombres en hébreu commandent le pluriel
שני ימים עשרה ימים (2), les nombres supérieurs commandent
le singulier עשרים יום אחד עשר יום (3), "cela prouve
bien qu'en Israël, plus on est grand, plus on est humble ; plus on s'élève,
plus on est modeste, plus on se fait petit".
Or, rien n'est plus juste ni plus conforme à l'enseignement juif que la leçon renfermée dans ce mot. Toutes les fois, disent nos rabbins, que nos livres saints proclament la redoutable grandeur et la majestueuse puissance de Dieu, ils aiment à ajouter que ce Dieu, si infiniment grand, se plaît à s'abaisser jusqu'aux plus petits pour écouter leurs plaintes, exaucer leurs prières et satisfaire à leurs besoins !
Notre Maître Moïse; "l'homme de Dieu", l'homme à jamais incomparable, distingué par toutes les grandes qualités qui peuvent orner le cœur d'un homme, est particulièrement vanté pour sa modestie, pour son humilité. – Le premier de nos patriarches, en disant dans son admirable prière pour les pécheurs de Sodome : ואנוכי עפר ואפר (4) montre bien qu'il connaissant et pratiquait aussi cette grande vertu d'humilité. On a même fait la remarque que si, pour toutes les qualités morales, nos rabbins aiment à recommander un certain juste milieu, se gardant de tous les extrêmes (ni trop avares, ni trop prodigues, mais sagement généreux, etc.), pour la modestie, ils ont enseigné qu'on ne peut aller trop loin, car le moindre vestige d'orgueil et de présomption leur était odieux מאד מאד הוי שפל רוח (5).
Ils savaient trop bien que, d'après nos rabbins, Deborah a été punie, a perdu la נבואה (8), le רוח הקודש (8), pour avoir tenu un langage si immodeste, si contraire à ce qu'exige l'austère morale israélite. Elle a été obligé de s'infliger ce désaveu de son élan d'orgueil : עורי עורי דבורה (9).
Puissent ces exemples et ces leçons de nos anciens encore prévaloir de nos jours ? A lire certains entrefilets de journaux allemands (Correspondances du 1er juin 1883), d'autres moeurs menaceraient de s'implanter chez nous, et la prophétie d'Isaïe ירהבו הנער בזקן (10) serait sur le point de se réaliser. Puissent la modestie et l'humilité recouvrer leurs droits imprescriptibles parmi nous !
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