Je me souviens encore de cette veille de Soukoth, il y a tout juste treize ans. Tu venais de naître, et je montais la souka dans notre jardin, tandis que le téléphone ne cessait de sonner, et que nos voisins du dessus se plaignaient à haute voix de ces religieux qui venaient de s'installer dans la maison et qui faisaient un potin du diable. Je m'étais empressé de leur rédiger en hébreu avec l'aide de Joël, une lettre leur annonçant la venue prochaine dans la maison d'un quatrième larron qui participerait au chalut général avec ses trois frères, tout en les invitant au brith.
Tu es donc né en cette veille de soukoth, et bien entendu nous avions envisagé de célébrer ta bar mitswa le premier jour de cette fête, comme l'aurait souhaité ton grand père Edgar qui désapprouvait totalement les modifications de dates pour raison de convenance. C'est pour cela que tu es allé demander au Rav Beni Lau s'il accepterait que ta bar mitzwa se déroule yom rishon shel soukot, le premier jour de Soukoth. Il t'a répondu en riant qu'il s'agissait de savoir si l'on pouvait leharbev simha be simha, ajouter une réjouissance à une autre réjouissance, et qu'en fait c'était possible. La drasha de Marcel Lazowski, la veille de la fête, t'a donné toutes les réponses.
Ceux qui ont assisté aux trois bar-mitswoth précédentes ont pu constater que les faire parts avaient rendu hommage aux lithographies d'Alphonse Lévy, le célèbre dessinateur de Marmoutier. Si vous craigniez qu'il ne m'en reste plus pour Eliel, vous voilà rassurés.
Comme vous le savez tous, je suis intimement lié au site internet du judaïsme alsacien et de Lorraine qui fête cette année ses dix ans d'existence. C'est donc naturellement le commentaire d'un rabbin alsacien qui m'a inspiré aujourd'hui. Certes, il est originaire d'Allemagne, mais il a dirigé pendant près de vingt ans l'école rabbinique préparatoire de Colmar, avant de devenir rabbin de Bischheim. En effet, lorsque l'Alsace est devenue allemande après 1870, les autorités n'autorisèrent que la nomination de rabbins formés dans les écoles d'Allemagne pour exercer dans la région. Les consistoires avaient donc décidé de créer cette école rabbinique préparatoire qui n'aura duré que vingt ans. Trois directeurs se sont succédés, le troisième étant le Rabbin Zaccharie Wolf. A la fermeture de l'école préparatoire rabbinique en 1898, ce rabbin fut nommé successivement à Schirrhoffen, puis à Bischheim en 1900. Il est décédé vers 1915, sans descendance. Près de 40 ans plus tard, un jeune rabbin occupait son premier poste à Bischheim : le grand père d'Eliel que vous avez tous connu. Et c'est justement dans le Sefer Tora du Rabbin Zaccharie Wolf, racheté par Armele Ach, et qui l'avait offert à mon beau-père lors de sa nomination comme rabbin à Strasbourg, qu'Eliel faisait régulièrement ses répétitions.
Voici donc le commentaire du Rabbin Zaccharie Wolf sur la fête de Soukoth :
Cependant le loulav ne doit pas être uniquement l'expression de notre gratitude pour l'octroi des fruits des champs, mais être, pour ainsi dire, aussi l'accompagnement et le symbole de nos prières à l'adresse de Dieu afin d'obtenir sa bénédiction paternelle pour la fertilité du sol et la croissance des fruits de la nouvelle année. C'est pourquoi nous prenons également le loulav en main lors de la prière « O seigneur, viens-nous en aide ! » et lors des Hoshanoth que nous prononçons après Moussaf, prières dans lesquelles nous demandons la fertilité du sol. Dans toutes ces prières, c'est particulièrement celle dédiée à la pluie, condition première et indispensable à la croissance des plantes, qui doit s'exprimer. Et ainsi, à n'en pas douter, c'est en prenant le loulav en main et en l'agitant que nos supplications pour obtenir un temps favorable s'exprimeront de façon symbolique (agiter le loulav vers les côtés suggèrera la prière pour l'obtention de vents favorables, vers le haut et le bas celle pour la pluie et la rosée). Au temps où le Temple existait, le sacrifice quotidien de Soukoth s'accompagnait de la libation d'eau (à côté de l'habituelle libation du vin). C'était également l'expression de la prière pour la pluie.
C'est aussi cette signification qui s'exprime au cours de la cérémonie du septième jour de Soukoth, à Hoshana Rabba, lorsque nous prenons en main un bouquet de saule, en disant la prière pour la pluie. C'est l'allusion au fait que Dieu ne se borne pas à accorder la bénédiction de l'eau venant d'en haut, la pluie, mais aussi de ce bienfait qu'est l'ouverture des sources.
La saison des pluies débute en Terre sainte à peu près au terme des fêtes d'automne, et c'est pour cette raison que nous commençons les prières pour la pluie par le Hochano rabbo et ajoutons, dès le lendemain régulièrement jusqu'à Pessa'h, la bénédiction "machiv haroua'h".
D'autre part, nos sages ont trouvé pour le loulav de nombreuses autres significations et symboles que le Midrach mentionne. Parmi les nombreuses considérations sur le loulav nous rappellerons la suivante : les quatre variétés de plantes, arba minim, que nous prenons à Soukoth, se rapportent à quatre classes de personnes : a) l'éthrog (le cédrat) exhale un parfum et il est comestible : ceci désigne les hommes qui possèdent des connaissances dans la loi de Dieu, la Torah, et qui accomplissent de bonnes actions ; b) le loulav, palme du dattier : ses fruits sont comestibles, mais le parfum leur fait défaut ; ce sont les hommes qui se signalent par de bonnes actions, mais à qui manque la connaissance de la Torah ; c) le hadas, le myrte, se distingue par son parfum, mais n'est pas comestible ; ce sont les hommes qui ont des connaissances, mais ne font pas de bonnes actions ; d) l'arava, le saule de rivière, n'a pas de parfum et ne porte pas de fruits : ce sont les hommes chez qui on ne peut trouver ni connaissances ni bonnes actions. « Que puis-je, dit Dieu, faire de ces derniers ? Qu'ils se lient aux autres et par ce lien je donnerai à tous mon pardon et leur serai bienveillant ».
D'après un autre midrash, ces variétés de plantes font allusion aux membres les plus nobles de l'homme : la palme, c'est la colonne vertébrale, le myrte l'œil, le saule la bouche, le cédrat le cœur. De même que nous glorifions Dieu à l'aide de ces quatre variétés de plantes, de même tous nos membres doivent louer Dieu, d'après la phrase : « Tous mes membres disent : « Qui est semblable à Toi, seigneur ! »
Bien sûr, Eliel, je te souhaite d'être toute ta vie comme l'éthrog, comme le cédrat, à la fois un puits de science et un cœur d'or, et que tu répandras sur ta famille une pluie de bénédictions. Mais j'espère aussi que tu sauras manifester la noblesse du palmier, le charme du myrte, et le pouvoir apaisant du saule. En fait je n'en doute pas, quand je revois ta conduite pendant les treize premières années de ton existence.
Le seul problème, Eliel c'est de savoir ce qui te passionne le plus : ta "Parscha" ou "Barssa" (Barcelona).
Bar Mitsvoth |