Je suis née à Strasbourg, le 2 Mars, 1928.
C'est le grand rabbin Deutsch qui a éveillé et attisé ma ferveur religieuse en m'inspirant de la foi sans utiliser de moyens de contrôle. C'est par le sentiment dêtre juive plutot que par ma connaissance de la religion que j'ai apprécié cette découverte. Dans ma famille, c'étaient mon grand-père et moi qui étions les plus frohm - on m'appelait de Reveh (le rabbin)...
Suite aux lois du Concordat, j"ai suivi des cours de religion au lycée Pontonniers comme toutes mes camarades la leur. Le rabbin Deutsch ainsi qu'un abbé et un prêtre y enseignaient à l'heure réservée pour le programe. Jy trouvai une inspiration salutaire, sans toutefois associer au sentiment de fierté pour mon héritage religieux idiosyncratique, un sens humaniste communautaire...Je suivais aussi des cours au Talmud Torah, mais je ne garde aucun souvenir précis de cette expérience, cas typique où "je poursuivai mes études sans toute fois jamais les atteindre..."
Par contre , la JJST (Jeunesse Juive de Strasbourg), fondée par le rabbin Deutsch était l'endroit oü je passais les plus beaux moments de ma semaine. Ma cheftaine, Erika Katz, apportait ses dons pédagogiques remarquables à sa tâche. J'ecrivais l'hébreu, je chantais, je dansais avec un plaisir incomparable au reste de mon train de vie.
C'était surtout à Diemeringen, chez mes grands parents que je sentait un lien religieux de famille. J'allais souvent à la Schul avecgrand-père, main dans la main. J'avais le droit d'être assise "en bas", et j"étais fière d'entendre la belle voix de ténor de mon grand-père résonner dans ce lieu sacré. J'appréciais également Alfred Siesel qui remuait ses oreilles pour mon immense plaisir ; le pauvre Alfred qui est mort fusille à le Vigeant... Le jour où notre Hassan, Henri Siesel, a interrompu le service d'une grande fete religieuse pour demander à "ces dames, en haut" de cesser de parler durant la cérémonie, je fus également fière de ne pas être incluse dans ce groupe qui discutait les nouvelles toilettes de madame...
Je suis restée religieuse de coeur et d'actions jusqu'au jour de l'armistice, en juin 40. Pendant que Pétain annonçait la triste nouvelle, j'ai mangé, les larmes coulant de mes yeux, ma premiere viande taref (non-cashere). Ma mère, typique jewish mother, me demanda "est ce que ce n"est pas bon ?" ; moi , bouleversée mais honnête de repondre à regret : "si..."
Limoges, lieu de rapatriement des Alsaciens. Nombreux déménagements et divorce de mes parents. Marseille jusqu'en fin 1942, ou ma soeur et moi assumons le nom de Lefevre et retrouvons ma mère et mes grands-parents à Monaco où mon beau-père, Paul Paray, avait trouvé un poste de chef d'orchestre à Monte Carlo.
Dans le contexte juif et historique, il faut que je signale la vigilance de ma mère avant et durant la guerre. Contrairement aux nombreuses personnes qui affirment ne pas avoir realisé la menace hitlérienne, ma mère, vivant à Strasbourg où elle aidait de nombreux réfugiés qui voulaient un visa, un permis de travail ou d'hébergement., a senti la menace qui pesait sur nous. En 1938, notre famille était peut être la seule qui a pris un train pour la Bretagne afin d'éviter d'etre envahis au cas ou la ligne Maginot ne tiendrait pas...
C'est en 1946 que j'ai quitté la France "pour une année scolaire..."
Liste alphabétique de l'école de Strasbourg, annexe Sévigné (J = "juive") : | |
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