Madeleine MOCH
1921 - 2014
par Henri et Inès Nejman-Moch
Madeleine MOCH est née le 5 septembre 1921 à Haguenau (Bas-Rhin) dans une famille qui a toujours eu comme préoccupation première : la vie juive de la Communauté de Haguenau.
Vers 1930, ses parents, Alice et Edmond LOEB z''l voyant qu'il n'y avait aucune instruction religieuse pour leurs enfants, ont organisé des cours et ont fait venir de Strasbourg un jeune homme dénommé Paul Klein qui s'appellera par la suite Moché Catane.
De 1933 à 1939, le Rabbin Jaïs, tout jeune émoulu du Séminaire, a organisé à la fois les offices et l'enseignement religieux à Haguenau ; il a exercé une très grande influence sur la jeunesse et en particulier sur Madeleine.
Pendant la guerre, à la suite de nombreuses péripéties, elle s'est retrouvée à Périgueux en Dordogne. C'est là-bas qu'elle a commencé à enseigner les matières religieuses sous la direction du Rabbin Cyper (pris dans une rafle par les Allemands à deux pas de la synagogue puis déporté).
Après le retour de toute la famille en Alsace, Madeleine part à Paris où elle assurera le secrétariat du mouvement Yechouroun et fera la connaissance de Mireille Warschawski et de sa famille.
Edmond Loeb (1885-1967), père de Madeleine Moch. Il fut président intérimaire de la Communauté israélite de Haguenau avant la seconde guerre mondiale
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En 1946, elle épouse le fils du
'hazan de Wissembourg, Gilbert MOCH avec qui elle vivra plus de 66 ans. Ils ont eu une fille, quatre petits-enfants et dix arrières petits-enfants.
Vers 1953, Madeleine MOCH fait chaque jeudi la route en train vers Strasbourg pour enseigner au Talmud-Torah. Ses anciens élèves se souviendront du silence qui régnait dans ses classes et du sérieux de son enseignement.
Dès l'arrivée à Haguenau du Grand Rabbin Joseph Bloch après la guerre, elle va "lernen" (étudier) chez lui comme bien des membres de la communauté. Il lui a donné le goût de l'étude et de l'enseignement et c'est ce qui l'a incité à rédiger sa biographie.
Pour donner ses cours, elle utilise principalement la Tefila Bloch.
En 1964, le couple s'installe à Strasbourg, où ils dirigent pendant deux ans le Home Laure Weil sous la houlette de Fanny Schwab.
De 1966 jusqu'à sa retraite, Madeleine Moch enseignera dans les écoles primaires, elle préparera de nombreux garçons pour leur examen et discours de bar-mitzwa, collaborera à la préparation de plusieurs promotions de bath-mitswa et conseillera quelques femmes qui désirent se convertir au judaïsme. Elle enseignera aussi dans les lycées et collèges de Strasbourg et de la périphérie.
Avec le Rabbin Abergel, elle assurera tous les dimanches matin le Talmud-Torah de la Meinau. Elle aura travaillé sous l'aimable houlette des grands rabbins Abraham Deutsch, Max Warschawski, Joseph Sitruk et Alain Weil.
Le 23 janvier 1993, elle reçoit à Paris le prix Samuel Sirat pour l'éducation juive en France en reconnaissance pour ses nombreuses années d'enseignement.
A la fin de sa vie elle coule à Bruxelles des jours heureux entourée de sa nombreuse famille qui suit sa voie et ses conseils avisés.
Elle s'est éteinte le 15 août 2014 (19 av 5774).
HOMMAGE
A la mémoire de Madeleine Moch
par le Grand Rabbin Alain Weil
Extrait de ECHOS UNIR n° 282 - novembre 2014
La Michna dans Avoth nous enseigne que le monde repose sur trois bases : la Torah, la Avoda (prière) et la propagation du bien autour de soi. Chacune de ces bases correspond à un des trois Patriarches. Yacov, assis dans les tentes de Chem et Ever représente l'étude de la Torah. Its'haq, prêt à sacrifier sa vie au Mont Moria, est l'expression de la soumission totale du évèd, du serviteur entièrement dévoué à son maître ; il représente le pilier de la Avoda (prière). Abraham et Sara, enfin, ont dédié leur existence à la propagation du bien autour d'eux.
Le Talmud Torah de Strasbourg que nous avons eu l'honneur de diriger à la suite du
Grand Rabbin Warschawski et du Grand Rabbin Sitruk pendant 28 ans reposait sur une équipe de professeurs dévoués dans laquelle figuraient trois piliers. Madeleine Moch, qui vient de nous quitter à l'âge de 93 ans à Bruxelles, était la spécialiste de l'enseignement de la
Tefila. Je ne parle pas de la liturgie réservée à notre valeureux '
hazan René Jasner, mais de l'explication des prières et de leur approfondissement.
Nous avons dit que la
Avoda-Tefila est représentée par Its'haq symbole du
Dîn,de la Rigueur. Madeleine incarnait cette rigueur. Elle dirigeait sa classe avec une autorité que personne ne lui contestait. Mais elle possédait aussi une rigueur d'esprit, une profondeur d'analyse, un désir d'amener les élèves à tirer du texte si ancien de nos prières leur substantifique moëlle. Cet amour pour la
Tefila, elle l'avait puisé auprès du
Grand Rabbin Bloch, éditeur de la
Tefila Bloch récemment réadapté par notre ami le Rabbin Heymann. Madeleine avait débuté sa carrière d'enseignante dans la florissante communauté de
Haguenau.
Dévouement
Mais le nom de Madeleine Moch reste aussi rattaché à l'épopée des promotions de
Bnoth-mitzva ; elle forma durant de longues années un tandem complémentaire avec
Mireille Warschawski, puis avec Nicole Franck, tandem qui fit le succès de ces promotions et qui a laissé un souvenir si vivace dans l'esprit de nombreuses jeunes filles, tant au niveau de l'enseignement qu'au niveau du vécu. Madeleine assuma aussi la direction du
Talmud Torah de la Meinau jusqu'à la nomination du Rabbin Abergel ; elle continua ensuite à y enseigner les dimanches matins sous sa tutelle et la mienne.
Madeleine a également enseigné pendant des décennies dans les différentes écoles de la ville de
Strasbourg aussi bien dans celles du centre-ville que dans celles de la périphérie éloignée, se rendant dans les quartiers de Neudorf, Cronenbourg, de la Meinau et jusqu'à Illkirch. Elle y a dispensé la fameuse heure de religion prévue par la loi concordataire. Pour mieux mesurer l'ampleur du dévouement qu'impliquaient de tels déplacements, nous rappellerons qu'elle les effectuait en bus avec une ponctualité remarquable. Madeleine était donc au service de sa communauté tous les jours de la semaine y compris le dimanche matin et en fin d'après-midi le dimanche fut longtemps réservé aux
Bnoth-mitzva.
Fallait-il préparer un concours avec des questions pour un champion d'âge varié dans le cadre d'une activité exceptionnelle du genre
Yom Yerouchalaïm ou de donner un cours de recyclage pour les professeurs de
Talmud-Torah de l'Est, Madeleine répondait toujours présente à ces sollicitations supplémentaires. Heureusement qu'il y avait le
Shabath pour mettre une limite à cette activité débordante.
Amour de la Torah
Madeleine aimait beaucoup étudier la Torah et avait une prédilection pour le Midrach. De temps à autre elle nous a fait bénéficier de ses trouvailles à travers un article pour la page de garde du
Chabbat Chalom.
Le Talmud nous apprend que celui qui aime la Torah et ceux qui sont chargés de la diffuser verra de tels représentants parmi ses propres descendants.
Madeleine et son mari Gilbert n'ont eu qu'une seule fille Inès qui a grandi à Haguenau puis s'est mariée avec Henri Nejman dont elle aura quatre enfants, tous mariés. Un petit-fils de Madeleine est Rabbin à Liège et l'un de ses arrières petits-fils étudie à la
Yechiva de Mir à Jérusalem.
Quand Madeleine prit une retraite bien méritée à l'âge de plus de 70 ans, elle-même et Gilbert ont rejoint leurs enfants et petits-enfants à Bruxelles. Ils y ont vécu de nombreuses années entourés de l'affection attentionnée des différentes générations. Gilbert les a quittés dans sa 100e année. Quant à Madeleine, elle est partie une veille de Shabath
Equev après une vie bien remplie de jours à laquelle on peut appliquer ce verset du
Psaume 128 : "Le produit de ton travail tu le mangeras, tu seras heureux et le bien sera ton partage". Ce que nos Sages commentent ainsi : "Tu seras heureux dans ce monde-ci, le bien sera ton partage : dans le monde à venir."