Marie Bloch en 1965 © Archives Observatoire de Lyon |
Le 19 août 1919, M. Bloch répondit à une première offre de son professeur : il s'agissait de reproduire son cours de mathématiques par polycopie.
M. Bloch sollicita ensuite d'être admise en stage à l'observatoire. Sans surprises, cette demande fut acceptée, et le 1er septembre 1920 Marie intégrait le personnel auxiliaire ; notons au passage que statutairement les stagiaires n'étaient pas rémunérés et que la durée du stage était de deux ans à l'issue desquels aucune garantie d'emploi n'était acquise, même si c'était dans les faits la filière "normale" pour devenir assistant d'observatoire.
La jeune Marie commença son apprentissage d'observatrice sur l'équatorial de 16 cm dit "équatorial Brunneré ; cet instrument était utilisé de nuit pour l'observation des étoiles, mais aussi dans la journée pour la surveillance de l'activité solaire. Elle se forma aussi à l'utilisation de la TSF, une nouveauté apportée par la guerre. Marie fut aussi chargée de dépouiller les observations météorologiques reçues des correspondants de la Loire. Elle apprit tous azimuts, tout en préparant ses deux baccalauréats qu'elle allait obtenir en 1921 et 1922.
Marie Bloch observant le soleil (1923). © Archives Observatoire de Lyon |
En 1924, envisageant de la titulariser, le directeur de l'observatoire, Mascart, chercha à se renseigner sur la moralité de sa jeune recrue, une démarche classique à l'époque. Bien que profondément athée, il sollicita à cette fin les responsables de la synagogue lyonnaise, et reçut cette réponse de l'épouse du rabbin : "Évidemment, Marie manque un peu de distinction et de vernis, mais ne demande qu'à s'élever intellectuellement et s'observe quand elle se trouve dans un milieu différent du sien. Elle aime la lecture… Pour ce qui est de la situation matérielle de Madame Bloch, elle est, bien entendu, assez précaire depuis la mort du père et ce sont les enfants qui devront subvenir aux besoins de leur mère. Marie, quoique assez froide en apparence, aime beaucoup sa mère et voudrait qu'il lui fut possible, à elle aussi, de l'aider un peu".
Marie commença à travailler sur le grand équatorial
coudé, l'instrument de prestige de l'observatoire, et dès 1925
en fut une utilisatrice attitrée. En 1926, après un stage interminable
de six ans, elle fut enfin recrutée : nommée assistante le 16
octobre, avec un salaire annuel de 8000F, elle devenait la responsable en
titre de l'équatorial Brunner, et le resta jusqu'à la seconde
guerre mondiale.
Elle travaillait sur des sujets très variés, comme les éclipses
de Soleil.
Le 13 septembre 1934, elle accéda au grade d'aide-astronome et put
faire de belles découvertes sur les propriétés des étoiles
Le 18 octobre 1940, le ciel tomba sur la tête de M. Bloch : la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs était publiée au Journal officiel, et Marie apprenait qu'elle n'était plus une citoyenne française comme les autres, mais appartenait désormais à une soi-disant "race" définie par les nazis : avoir trois grands-parents ayant fréquenté les synagogues plutôt que les églises suffisait pour cela. Une seconde loi du 2 juin 1941 allait abaisser le seuil à deux grands-parents ; elle n'avait plus le droit d'exercer un métier qu'elle avait deux mois pour partir et "faire valoir ses droits à la retraite". Dès le 21 octobre, le recteur, que Vichy avait maintenu à son poste, demanda au directeur de l'observatoire de faire le nécessaire pour expulser ceux de ses collaborateurs qui étaient concernés.
La loi de 1940 prévoyait dans son article 8 la possibilité d'exemption pour des personnes particulièrement méritantes - ce point étant évidemment in fine laissé à l'appréciation d'autorités supérieures nommées par Vichy - et dès novembre le directeur de l'observatoire transmit un dossier au recteur ; on y lisait par exemple : "Astronome fort expérimentée, observatrice infatigable, bien douée pour la recherche scientifique, Mlle Bloch a déjà publié une soixantaine de notes ou mémoires […], mais c'est surtout en spectroscopie que les services scientifiques rendus par Mlle Bloch peuvent être considérés comme exceptionnels […] Ces recherches sur les spectres des novæ devaient conduire Mlle Bloch à une thèse de doctorat fort brillante et cette thèse serait dès maintenant achevée, si l'activité de Mlle Bloch ne s'était orientée dans une autre direction, depuis la mobilisation. Requise civile par le Centre de Recherche Scientifique Appliquée, Mlle Bloch a, dès lors, consacré tout son temps aux recherches intéressant la Défense Nationale […] elle l'a fait avec un entier dévouement et un ardent patriotisme. […] Le départ de Mlle Bloch priverait l'observatoire de l'un de ses meilleurs chercheurs…”
Le 4 novembre 1940, Marie essaya de changer de cadre, de quitter l'Éducation
Nationale dont on la chassait (elle n'enseignait nullement d'ailleurs, mais
les astronomes, même purement chercheurs, pouvaient appartenir à
cette institution ; c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui) pour obtenir
une bourse de chargée de Recherche au CNRS.
Le 8 décembre 1940, le directeur de l'observatoire qui voyait à
quel point il allait être difficile de s'opposer au départ de
M. Bloch la proposa même pour une promotion au choix de la 5e à
la 4e classe des Aides Astronomes, et termina ainsi une argumentation élogieuse
: "Toutefois, la présente proposition ne pourra
être prise en considération que si Mlle Bloch, fonctionnaire
de race israélite, peut être maintenue en fonction par application
de l'article 8 de la loi du 18 octobre 1940". Cet article prévoyait
la possibilité d'une “suspension de déchéance”…
Rien n'y fit. Les oripeaux de la légalité étaient là,
mais ils ne dissimulaient pas l'idéologie qui était à
l'œuvre : le 19 décembre 1940, M. Bloch toucha son dernier salaire
d'aide-astronome…
Un an plus tard, elle fit une dernière tentative : obtenir une révision de son dossier en arguant du fait qu'elle n'exerçait pas de fonctions d'enseignement, et n'avait aucun contact avec le public : l'observatoire est un laboratoire de recherche et, de plus, isolé de la Faculté. Elle tentait ainsi - le croyait-elle vraiment ? - de convaincre la police française qu'elle ne risquait pas de propager des idées séditieuses ! Mais malheureusement pour elle, derrière la façade légale, il y avait bien autre chose, une chose effroyable que son esprit refusait certainement de toutes ses forces. Cette lettre du 29 novembre 1941, adressée au secrétaire d'état à l'Éducation Nationale et à la Jeunesse, à Vichy, était signée Marie Bloch, ex-aide-astronome à l'observatoire de Lyon, place Maréchal Pétain, St-Genis-Laval… Elle était accompagnée d'un certificat de moralité signé du maire de Saint-Genis, attestant que… Mlle Marie Bloch […] résidant dans ma commune depuis l'année 1920, n'a jamais eu aucune espèce d'activité politique…
M. Bloch allait toutefois réussir à passer la guerre entre
St-Genis-Laval et Lyon dans une entreprise d'achat et de répartition
du charbon pour les usines à gaz ; elle y travailla du 20/12/1940 au
30/9/1944.
Comme on s'en doute, si elle eut la chance inouïe d'échapper à
la déportation, la vie ne fut pas sans dangers pour Marie.
Marie fit pendant des années des missions dans l'observatoire de Haute-Provence à Manosque. Elle était une astronome observatrice, c'est-à-dire qu'elle étudiait la lumière que nous envoient les astres pour identifier les processus physiques à l'œuvre, charge ensuite aux astronomes théoriciens d'édifier la théorie capable de modéliser les observations
Marie Bloch était une personne de qualité, on l'aura compris, et ceci se traduisit de bien des façons : représentante du personnel au Conseil des Observatoires de 1954 à 1965, plus de deux cents publications, présence active aux réunions et colloques de l'Union Astronomique Internationale, Prix Lalande de l'Académie des Sciences en 1960…, commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques en 1971.
Marie Bloch, une généalogie (3) qui reflète l’histoire de la communauté juive de Hégenheim
1. | Bloch Marie, née à Lyon en 1902 et décédée à Meyzieu en 1979. |
1.1 | Bloch Salomon né à Avenches en 1855
et décédé à Lyon en 1923. Plusieurs membres de la famille Bloch sont partis à Avenches dont une tante de Meinrad, Judith Bloch suite à son mariage avec Abraham Picard. Salomon Bloch a fait son service militaire en France. Il a tiré au sort à Pontarlier en 1875 et a fait cinq ans de service militaire. Il fait l’école d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds. Comme horloger, il n’a jamais fait de bonnes affaires, il ne se faisait jamais payer ou du moins ne relançait pas les clients défaillants. Il s’est établi à Lyon entre 1887 et 1889, vraisemblablement parce que son cousin Jacques Bloch s'y trouvait. Après sa carrière d’horloger, il devint gardien de la synagogue depuis 1898 au moins jusqu’à sa mort en 1923 (4). Marié à : |
1.2 | Trier Sarah née à Paris en 1858 et décédée à Lyon en 1933. Horlogère. |
1.1.1 | Bloch Meinrad né à Hégenheim
en 1820 et décédé à Lyon en 1891. Marchand de chevaux à Avenches. A opté pour la France le 22 mai 1872 pour lui et ses deux fils. Marié à : |
1.1.2.a | Bernard Adèle, née à Wettolsheim en 1824 et décédée à Avenches en 1858. |
1.1.2.b | Rosine Segal, née à Dornach en 1827. Son père Joseph Segal est cordonnier, comme son frère Isaac qui fera le même métier à Hégenheim (5). |
1.2.1 | Trier Joseph né à Spire (Palatinat) en 1811. Il était entrepreneur de peinture et peintre en bâtiment (6). Décédé à Paris en 1864. Marié trois fois à : |
1.2.2.a | Bloch Rose née à Sarrelouis vers 1809 et décédée à Paris en 1849. |
1.2.2.b | Zebora Goldmann née vers 1804 à Westhoffen et décédée en 1856 à Paris |
1.2.2.c | Borach Rosalie née à Colmar en 1823 et décédée à Paris en 1891. A opté (7) pour la France en 1872. |
1.1.1.1 | Bloch Salomon né en 1785 à Avenches et décédé en 1836 à Hégenheim. Marié à : |
1.1.1.2 | Nordmann Gertrude née en 1808 à Hagenthal-le-Haut et décédée à Hégenheim en 1854. |
1.1.2.1 | Bernard Clément né en 1790 à Wettolsheim et décédé à Wintzenheim. Il fut boucher à Wettolsheim de 1823 à 1929 puis fripier dans la même commune de 1832 à 1834. Il alternat ces deux métiers par la suite avant de s’installer à Wintzenheim (8). Marié à : |
1.1.2.2.a | Bloch Thérèse née à Hégenheim
en 1795 et décédée à Wintzenheim en 1838. Neuf enfants sont nés de cette union. |
Sara Meyer née à Wettolsheim en 1805. | |
1.2.1.1 | Trier Abraham , soldat du Premier empire, médaille de Sainte-Hélène (9). Marié à : |
1.2.1.2 | Bing Sarah |
1.2.2.1 | Borach Jacques (10), né à Biesheim en 17 935 et décédé à Colmar, négociant. | 1.2.2.2 | Braunschweig Seraphine ou Sara née à Hégenheim en 1797 et décédée à Colmar en 1855. |
Sources :