BIESHEIM
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Vers 1720, les Juifs de Biesheim construisirent,
sans autorisation, une synagogue pour remplacer le lieu de culte situé
dans une maison particulière. Le Conseil Souverain d'Alsace ordonna
sa destruction en 1726. Ce n'est que vers 1830 qu'une synagogue sera érigéee,
remplacée par un bâtiment nouveau en 1867. Pendant la dernière
guerre, elle fut utiliséee comme dépôt de matériaux.
Elle fut détruite en février 1945 par un bombardement. Les
ruines et l'emplacement ont été vendus à la commune.
Biesheim était siège d'un rabbinat jusqu'en 1910. |
Notes relatives à la Communauté juive
de Biesheim
Louis SCHLAEFLI
Extrait de l'Annuaire de la Société
d'Histoire de la Hardt et du Ried -1997
L'importance de la communauté juive de Biesheim est
connue de vieIlle date tant par les dictionnaires topographiques de l'Alsace
que par l'ouvrage de base d'Elie
Scheid, Histoire des juifs d'Alsace (1). A vrai
dire, la vie de cette communauté nous échappait totalement et
nous ignorons toujours les destinées de ses membres. Lorsque dans les
années 80, à l'occasion de convois humanitaires en Pologne, nous
emmenions des groupes de participants au camp d'Auschwitz-Birkenau, Il nous
est arrivé de nous demander, en parcourant les allées de ce sinistre
camp, si des compatriotes de Biesheim n'avaient pas fini ici leurs vies comme
victimes de l'holocauste. Nous ne le savons toujours pas. Si tel fut le cas,
leur mémoire mériterait elle aussi d'être évoquée
en ces pages.
Au cours de nos diverses recherches sur les localités de la Hardt, Il
nous est arrivé incidemment de prendre des notes, relatives à
cette communauté, que nous voudrions transcrire ici, sans autre prétention
que de compléter le panorama que la Société d'Histoire
de la Hardt et du Ried nous a révélé dans ses deux derniers
annuaires par le biais de deux articles de choix, celui de Jacques Greilsamer,
L'histoire des Greilsamer de Biesheim, 1994, (pp.53-58) et Astrid
Kuhn-Schubnel, La communauté juive de Biesheim. Un cas de judaïsme
rural en Alsace ; Mythes et réalité, 1995 (pp.49-70).
Rue Lucien Weil, L'ancienne rue des Juifs à Biesheim - Photo Studio A
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LES DÉNOMBREMENTS DES JUIFS
Sans doute n'est-il pas inintéressant de donner à nos lecteurs
une idée de l'importance de cette communauté par le biais des
dénombrements déjà publiés ou connus :
1689 : |
0 - (De Neyremand, Dénombrement des familles israélites
en Alsace, Revue d'Alsace X (1859), p. 566.
La récente étude de Mme Astrid Kuhn Schubnel permet de mettre
en doute ce chiffre, puisqu'au moins deux familles juives, celles de David
Wolf et de Jacob Samuel, étaient alors établies à
Biesheim. |
1716 : |
2 familles - (ibid. p. 566) ou 23 familles -
(ibid. p. 567). Nous opterions plutôt pour le second chiffre. |
1720 : |
23 familles - (Kuhn-Schubnel, p. 50). |
1723 : |
25 familles - (Horrer, Dictionnaire... p. 314). |
1784 : |
53 familles, 256 individus - (E. Scheid, op. cit. p. 248). |
1804 : |
334 individus - (Arch. Evêché, Enquête de
l'An XII). |
1808 : |
92 familles, 401 personnes - (25 % de la population de
Biesheim ; Kuhn-Schubnel, p. 50). |
1824 : |
481 - (Jean-Frédéric Aufschlager, Nouvelle
description historique et topographique des deux départements du
Rhin, Strasbourg, 1826, I, p. 118). |
1844 : |
500 - (Arch. Evêché, Il semble qu'il s'agisse là
d'un chiffre arrondi). |
1851 : |
480 - (Baquol, Dict..., 1851). |
1870 : |
environ 300 personnes - (Kuhn Schubnel, p. 50). |
1873 : |
342 - (Statistische MittheIlungen. I, p. 56). |
1875 : |
358 - (189 hommes, 169 femmes) (Ibid., VII, p. 56). |
1883 : |
375 - (Arch. Evêché, Reg. 193, 33) |
1890 : |
330 - (164 hommes, 166 femmes) (Statist. Mitth., XXIV, 58). |
1893 : |
380 - (Arch. Ev., Visitationsbericht de 1893). |
1895 : |
332 - d'après le recensement (Handbuch für Elsass-Lothr.,
1901, 259). |
1905 : |
260 - d'après le recensement (Bevülkerung von
Elsass-Lothr.). |
Les données fournies par le Frevelregister de Nambsheim
Il y a bien longtemps, nous avons exploité le
Registre des délits
de Nambsheim qui, pour une raison inconnue, avait transité par le
casier Nambsheim des archives de l'Evêché de Strasbourg. Nous en
avons fait faire une photocopie pour les Archives Départementales de
Colmar. Il semble bien que, depuis lors, l'original y ait également été
déposé.
Le lecteur se demandera quel pourrait être le rapport entre ce registre
et les membres de la communauté juive de Biesheim. C'est que beaucoup
d'entre eux ont eu à se plaindre d'habitants de Nambsheim qui se montraient
plus que négligents, comme on pourra le voir, à régler
leurs dettes envers eux. Nous nous contentons d'évoquer ces doléances
dans l'ordre chronologique. Le lecteur s'apercevra que le commerce, notamment
des bestiaux, était pour une bonne part entretenu par des familles juives
de Biesheim. Les deux communes sont distantes de 12 kIlomètres.
- 10.02.1707 : Plainte de Jacob Salomon, "der Judt, wohnhafft zu
Büessen", contre Jean-Jacques Kônig, pour dettes (34).
- 29.11.1715: Plainte de Judtel Bloch "der Judt von Büessen",
contre Michael Brendtle, qui lui doit 156 #, un quartaut (Viertel) de blé
et deux setiers (Sester) d'orge selon une obligation du 21.4.1712. Le plaignant
affirme avoir remboursé 12 Thaler et les céréales et
ne plus devoir que 40 Thaler. Il doit payer le reliquat, ainsi que 15 sous
de frais, avant le Nouvel An (81).
- 29.11.1715: Plainte d'Isaac Bloch contre le même pour paiement d'un
cheval et de boeufs selon obligation du 26.8.1712. Il affirme avoir déjà
payé 5 Thaler; Il devra le reste, ainsi que 15 sols de frais, avant
Carnaval (81).
- 29.11.1715 : Plainte du même contre Jacob Brechert (?) qui lui doit
306 livres tournois selon obligation du 31.5.1713. Il devra également
régler le tout avant Carnaval (82).
- - 29.11.1715 : Plainte du même contre Joseph Hoffmann qui lui doit
23 Thaler, pour un cheval, selon obligation du 13.7.1713. L'accusé
dit avoir cédé au juif "ein klein ross" et avoir payé
les intérêts. Il devra verser les 23 Thaler restants dans le
délai d'un mois (82).
- - 29.11.1715 : Plainte de Joseph Levy contre le même qui lui doit
24 Thaler et trois setiers d'avoine pour un achat de bestiaux, selon obligation
du 24.12.1714. L'accusé se déclare dans l'incapacité
de payer. Il est néanmoins condamné à tout régler,
y compris 15 sous de frais, avant Carnaval (82).
- 17.09.1716 : Isaac Bloch contre Hans Bidtermann pour plusieurs dettes :
- 150 livres, un quartaut d'orge et un quartaut de seigle selon obligation
du 5.5.1710;
- 165 livres tournois et deux quartauts de seigle (oblig. du 18.05.1714) ;
- 120 livres tournois et un quartaut de seigle (oblig. du 1.07.1714) (84).
- 6.09.1717 : Vente des biens de Hans Bidtermann à la requête
de Jacob Salomon et d'Isaac Bloch : ce dernier percevra 171# et Salomon 90#
(oblig. du 23.05.1710) (92).
- 7.09.1717 : Vente des biens de Jean-Michel Bertsch pour pouvoir payer ses
dettes; le produit ne suffit toutefois pas à régler les 99#
dues à Elias Bloch, selon obligation du 28.05.1713 (96).
- 17.11.1717 Plainte de Salomon Kuntzburger (= Gintzburger ?) contre Hans
Jacob Hilbrecht (?) pour dette de 13 Thaler : à payer dans le mois
(98).
- 17.11.1717: Plainte d'Isaac Bloch contre Nicolas Brendtle pour dette de
40 + 13 Thaler, ainsi que de 9#, d'un quartaut de blé et de trois setiers
de seigle (103).
- - 17.1.1717 : Plainte d'Isaac Scheule contre Elias Daub (er), de Nambsheim,
pour dettes de 22 et 26 Thaler, ainsi que d'un quartaut de blé (105).
- - 14.11.1719 : Jacob Salomon contre Madeleine Kênig, épouse
de Jacob Wolff (?) pour une dette de 360 livres tournois et de 4 quartauts
de blé, selon obligation de 1708 (109).
- - 28.01.1722 : Isaac Bloch contre Jean-Léonard Salomon pour dette
de 189#, selon obligation du 6.09.1717 (119).
- - 28.01.1722 : Judtel Bloch contre Jean Wendtel (?) pour une dette de 40
Thaler; selon obligation du 13.02.1715, et une autre dette remontant au 20.03.1718
(120).
- - 28.01.1722 : Joseph Levy contre Jacob Brechherdt pour dette de 76# 13
s. 4 d. en date du 30.03.1710 (122).
- - 28.01.1722 : Isaac Bloch contre le même : dette de 15# et un quartaut
de seigle;
- Judtel Bloch contre le même : dette de 30# selon obligation du 12.03.1720
(122).
- 29.11.1724 : Isaac Bloch
- contre Marx Cronenberger pour dette de 700# due par feu son père;
- contre Marx Grosman pour dette de 9 Thaler;
- contre Elias Dauber: dette de 67 Thaler; d'un quartaut de seigle et d'un
quartaut d'orge, remontant au 22.01.1724;
- contre Jacob Willaume (?) : 20 Gulden (florins) (134).
- 29.11.1724 : Isaac Levy contre Nicolas Brendle : 30# tournois pour un cheval
(134).
- 29.11.1724 : Moyses Marx et Aaron Bloch contre Diebold Hoffmann : dette
de 47# (134).
- 29.11.1724 : Judel Bloch
- contre Nicolas Brendlin : 9# selon obligation du 21.01.1723;
- contre le même pour 26 Thaler 13 Groschen (134).
- 28.11.1726 : Judtel Bloch
- contre Elias Daub (er) : pour 76 Thaler, un quartaut de seigle et un d'orge,
selon obligation du 29.11.1724;
- contre Mac Cronenberger pour un cens de 5 Thaler (oblig. du 6.02.1724) (158).
- 1.12.1712 : Judtel Block
- contre Jacob Betsch : dette de 3 Gulden;
- Hans Brendtel : 188 Thaler (169).
- 22.03.1729 : Léopold Salomon prête serment, relativement à
une affaire de dette, entre les mains de Lazare Lévy rabin demeurant
audit Piesse (= Biesheim) (171).
- 15.12.1730 : Joseph Lévy
- contre Johannes Betscher : dette de 9# (oblig. du 29.10.1726) ;
- contre Nicolas Brendlin 5 Thaler; 1 frtl Weitzen, 1 frtl Gerst und ein
wâgelin mit Heu wegen einem verkaufften Ross (billet du 23.08.1725)
;
-contre Jacob Wendel : 20 Thaler; 1 frtl weitzen (billet du 26.02.1730)
(173) ;
- contre Catherine, veuve Sitterlin : 240# (oblig. du 18.05.1719) (178).
- 15.12.1730 : Jüdel Bloch
- contre Nicolas Brendlin : 49 Thaler; 5 Sester Weitzen, 3 Sester Gerst
(billet du 25.08.1728) (177) ;
- contre Rudolf Brecht : 21 Thaler (billet du 1.12.1728) (180) ;
- contre Johannes Kugler : 7 Thaler (billet du 22.02.1730 (180).
- 6.02.1732 : Wolf (?) Bloch, au nom de Findel Bloch, contre Jacob Bechert
: dette de 150# selon obligation de 1725 (192).
- 6.02.1732 : Joseph Levy contre Matthias Sitterle : billet du 15.12.1730
concernant 18# in Gült et 1 frtl Weitzen (193).
- 4.01.1734: Leib Salomon contre Jean Léonard Salomon : billet de 35#
du 23.09.1731 (206).
- 31.12.1736 : Judel Bloch, en qualité d'héritier de David
Bloch, son père, contre Mathias Sitterlin, prévôt de Nambsheim,
concernant une obligation du 15.08.1707, signée par Joseph Grodwohl
et Marie Renaud, dont Sitterlin est l'un des héritiers, pour qu'il
paie les 200# qui constituent sa part (229).
- 31.12.1736: Joseph Lévy contre Jacques Renaud : 24 écus pour
un cheval (235).
Un spécialiste de l'économie rurale du 18ème siècle
saurait mieux que nous tirer des conclusions de cette liste. Nul doute que nous
rencontrerions des tableaux similaires dans les autres vIllages, si nous disposions
d'actes aussi précis que le Frevelregister de Nambsheim. La situation
à Nambsheim ne constitue sans doute pas un cas particulier, mais une
illustration tout à fait probante de l'endettement de certains paysans
de la Hardt dans les premières décennies du 18ème siècle;
comme on a pu le constater, cet endettement pouvait aller jusqu'à la
vente de leurs biens.
On ne peut pas dire que les juifs de Biesheim aient montré des prétentions
exorbitantes, lorsqu'on voit un Judel Bloch réclamer en 1736 une dette
remontant à 1707. En outre, Il ne s'agissait pas toujours de petites
sommes puisqu'il se trouve, dans le lot, une dette de 700 livres : le prêteur
devait disposer de capitaux importants, à moins qu'il ne s'agisse d'une
accumulation de dettes successives. Il n'est pas moins étonnant de voir
des créanciers devoir réclamer le paiement de bestiaux achetés
trois ans auparavant.
Il faut noter également que, dans ce registre, ne semblent évoquées
que les affaires qui n'ont pu être réglées à l'amiable,
qui traînent depuis trop longtemps, enfin qui concernent des débiteurs
largement endettés, parfois auprès de plusieurs juifs.
Les ruines de la synagogue de Biesheim
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A PROPOS DE LA SYNAGOGUE DE BIESHEIM
Apparemment les familles juives de Biesheim avaient construit
une synagogue sans autorisation (2). L'ordre fut donné,
en 1726, de la démolir tout comme celles de Wintzenheim
et de Hagenthal. Leur construction
avait été jugée comme un attentat également scandaleux
et téméraire qui choque le droit, la justice et la religion (3).
Il semble toutefois que d'autres considérations soient entrées
en cause :
il y a du particulier que je crois que vous n'ignorez
pas. M. Le Procureur général est débiteur d'une somme de
57 ou 52.000 livres envers le Juif Meyer Weil, qui a commencé contre
lui des poursuites que M. de Harlay a arrêtées d'autorité.
Le créancier sollicite actuellement la levée des défenses
qui lui ont été faites de demander justice. Le débiteur
en est informé et Il semble qu'on ne puisse douter qu'il n'entre dans
le parti qu'il a pris contre les juifs de Biesheim et de Hagenthal quelques
ressentiments des poursuites de créancier. On le croit, parce que sa
requête n'est que du 11 septembre, tandis qu'il est averti depuis le 22
mai : Il a donc laissé les Juifs bâtir; sans mot dire (4).
Une autre fut construite ultérieurement, puisqu'en 1799 Il est précisé
que la synagogue des juifs [...] peut être aliénée au profit
de la République (5). Si l'on peut se fier à
Brockhoff, une nouvelle synagogue (Bethauss und Schule) aurait été
érigée en bois, en lieu et place où en 1833, aurait été
construite une autre en dur (56). En 1866, elle sera remplacée par une
nouvelle construction dont la communauté put prendre possession l'année
suivante (6).
LES RABBINS
Quelques-uns d'entre eux peuvent être cités de manière
certaine :
- ...1729...: Lazare Lévy (voir ci-dessus)
- 1808-1819 : Rachmiel Kalmann (Encycl. d'Ais., 6222).
- 1839-1841 : Klein Salomon Wolf (Ibid.).
- 1842-1844 : Jacob Wolff (Ibid.)
- 1845-1879: Cerf Aron (Ibid.)
- 1880-1883 : Samuel Haymann Schiller
Selon le Reichsland (91), un rabbinat n'aurait été
créé à Biesheim qu'en 1831.
En 1835,
Hirtz Loeb, instituteur juif, placé sous la surveillance
du Comité Supérieur de l'Instruction Primaire de Colmar, enseigne
à 47 élèves dans la commune de Biesheim
(7).
LE CIMETIERE JUIF
Il semble qu'à l'origine les membres de la communauté juive
de Biesheim aient été enterrés à
Mackenheim.
En 1775 le
Judenschultheiss et Alexandre Weil,
Schürmverwandter
Jude in Grossenbiessen, achètent à la commune de Mackenheim
un terrain destiné à agrandir leur cimetière qui existait
déjà en 1608
(8). L'actuel cimetière
juif de Biesheim ne remonterait qu'à 1803
(8).
Monument aux Morts du cimetière juif de Biesheim - Photo : P. Biellmann
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UNE TRADITION JUIVE
Nous empruntons à
M. Freddy Raphaël la relation ci-après. Lorsqu'un généreux
donateur dotait la synagogue d'un nouveau Sefer (Rouleau de la Loi),
ce dernier était exposé quelques jours dans sa maison avant d'être
transporté au temple aux environs de Shavouoth
: D. Stauben décrit cette
cérémonie, telle qu'elle se pratiquait à Biesheim dans
la seconde moitié du 19ème siècle :
Un des voisins de Hirsch, le gros Hertz, gratifiait
aujourd'hui même le temple d'une thora, en l'honneur de la convalescence
d'un de ses fils qu'il avait failli perdre. Le village était en émoi.
Le cortège partit dès huit heures de la maison d'Hertz. Sous un
dais sacré le rabbin portait le Sefer. A ses côtés
marchaient le donateur et le chantre. Derrière, s'avançaient en
grande tenue, hommes et femmes de toute la communauté, marquant le pas
au son d'une musique gravement joyeuse et qui précédait le cortège.
Nous arrivâmes lentement au temple..., orné partout de festons
magnifiques. Le tabernacle, ainsi que l'estrade sacrée, étaient
entourés de mousse et de fleurs. Après la prière
d'usage, le chantre plaça le nouveau Sefer sur l'estrade, le
déroula et y lut, comme pour l'étrenner, les chapitres d'usage.
On roula ensuite sur lui-même le Sefer déroulé,
on le recouvrit d'un précieux manteau de soie, dû encore à
la générosité du donateur; puis on le replaça dans
l'arche sainte où se trouvaient les anciens rouleaux de la loi que le
chantre baisa respectueusement en les priant, au nom de tous, d'accepter au
milieu d'eux et sans jalousie l'hôte nouveau, l'hôte sacré
qu'on venait de leur adjoindre : naïve et touchante délicatesse
qui mérite d'être signalée (9).
LE DROIT DE DÉBIT DE VIANDE
En 1725, le baillif de Biessen (!), sur la requête du Procureur-fiscal,
fait défense à la communauté des Juifs, composée
de 25 familles, de tuer ni débiter aucune viande grosse ou petite. Les
juifs font appel de cette décision. Le magistrat de Brisach,
seigneur du lieu, intervient et prend le fait et cause du Procureur-fiscal,
Le 13 mai 1723, le Conseil Souverain d'Alsace
reçoit l'intervention et donne acte de la prise de fait et cause et,
après la déclaration faite par le Magistrat qu'il consent que
les Juifs amènent leurs bêtes en la boucherie commune, pour y être
tuées par eux-mêmes telle quantité qui leur sera nécessaire
pour leur subsistance seulement et en laissant les quartiers de viande qu'il
ne leur est pas permis par leur Loy de consommer, aux bouchers Chrétiens
à 4 deniers meilleur marché par livre que le prix de la taxe ordinaire,
a mis et met sur l'appel les parties hors de cour.
Le 5 juillet 1737, les juifs déposent une requête
à ce qu'il soit dit que l'Arrêt du 13
may dernier sera exécuté selon sa forme et teneur, ce faisant
le Magistrat de Brisack condamne de les laisser tuer dans la boucherie commune
de Biessen toutes bêtes dont ils auront besoin pour leur subsistance et
celle de leurs familles, sans leur apporter aucun empêchement, sous telles
peines que de droit. Condamné en outre de leur payer comptant le prix
de la viande qu'ils doivent laisser aux bouchers Chrétiens et de prendre
les bêtes entières lorsqu'elles ne seront pas Kauscher; c'est à
dire telles qu'elles doivent être suivant leur Loy en les payant pareillement
comptant. Leur payer 7 livres pour le prix du mouton tué le 28 juin dernier,
défenses d'exiger d'eux les 4 livres par cent livres de viande qu'ils
livrent aux dits bouchers et aux dépens.
Finalement, le 28 août 1723, le Conseil, après la déclaration
faite par le Magistrat qu'il ne prétend point prendre les 4 livres par
cent des petites bêtes, mais seulement des boeufs et vaches, a débouté
les Juifs de leur requête et les a condamné aux dépens (
Notes
d'arrêts notables du Conseil Souverain d'Alsace, Colmar, Decker, 1742,
351-352).
NOTES ÉPARSES
- Le 19.12.1701, Joseph Kreyllsammer, juif de Biesheim, porte plainte contre
un particulier de Breisach, relativement à une dette (G. Hazelier,
op. cit. II, 2).
- Les héritiers de David Bloch intentent une action en appel contre
Jean Rueff, d'Urschenheim, relative à la main-levée d'une saisie
(ABR 2 B 51/14).
- Le 28.09.1769, un juif de Biesheim est accusé
d'avoir engagé à émigrer vers le Banat plusieurs particuliers
d'Algolsheim; Il est condamné à être sévèrement
réprimandé et à payer 100 livres d'amende (10).
- Le 28.07.1777, David Katz, juif de Biesheim, est l'un des trois adjudicataires
de la ferme seigneuriale de Weckolsheim, vendue par les héritiers de
Castillon ; Il revendra sa part à l'entrepreneur de Breck, qui en deviendra
l'unique propriétaire (11).
- Hirsch Kahn assiste, le 19.05.1789, à l'assemblée des juifs
pour la rédaction du Cahier de doléances (12).
- Scheyen Isaac, acquéreur d'un bien provenant de la commune de Blodelsheim,
forme opposition (1816-1818) à l'exécution de la contrainte
pour le paiement du terme échu du prix de son adjudication (AHR 2 Q
25, Ensisheim 6).
- Vers 1880, les juifs de Biesheim amorcèrent un mouvement d'émigration
vers les villes. De ce fait, un grand nombre d'habitants du village qui étaient
à leur service se trouvèrent sans travail. L'agriculture ne
pouvait résorber cet excédent de main-d'oeuvre. Les habitants
prirent alors l'habitude d'aller travailler à Colmar.
Les jeunes se placèrent d'abord comme domestiques, puis se firent ouvrières
dans les usines textiles, vendeuses ou employées de bureau. Les hommes
s'engagèrent comme maçons ou comme ouvriers d'usine. Beaucoup
allèrent travailler à l'endiguement de l'Ill (13).
DE QUELQUES ALLIANCES MATRIMONIALES
Outre celles que nous avons déjà citées, deux études
font mention de mariages de juifs de Biesheim :
- Dans le Bulletin du Cercle Généalogique d'Alsace
(37 (1977/1), 4) sont évoqués des contrats de mariage. Nous
translatons ces actes dans leur teneur :
- 18.02.1733: C.m. (Contrat de mariage entre) Bloch Jacob ben Elias Ben
Jacob et Bliemele fille d'Elhana ben Jehuda Kann, de Hattstat.
- 20.08.1733 : Samuel Scheyele ben Isaac ben Jeschaya et Güttel,
fille de Seligman ben Scheyele, de Ribeauvillé.
- 28.11.1737 : Raffel Hirzel ben Mosche ben Abraham et Zeïle, fille
de Scheyele ben Isaac.
- 17.10.1738 : Scheye ben Isaac ben Scheye et Güttel, fille de Marem
ben Schemmel Weyl.
- 30.06.1740 : Abraham Marx ben Mordechai, veuf, et Sorel (Sara), fille
de Menahem Mendele Bloch, de Soultz.
- 21.01.1745 : Marc ben Moyse et Keïle, fille de David ben Israël
Ulman, de Herrlisheim.
- Dans l'ouvrage de J. Bloch-Salomon Picard, Grussenheim..., figurent
des mariages de juifs de Grussenheim
avec des personnes de Biesheim, le premier daté de 1768, les autres
sans date :
- Salomon Geismar, de Biesheim Benlen Netter, fille de Getschel.
- Meyer Heimendinger, de Grussenheim.
- Esther Lévy, de Biesheim. Le couple a fait souche à Biesheim
(14) (fin 18e s ou début 19e s).
- Libmann Bloch, de Grussenheim - Rosalie Greilsamer (19e s.)
- Abraham Bicard, de Biesheim - Marie Dreyfuss (fin 19e s.)
- Joseph Lévy, de Biesheim - Feyele (Fanny) Geismar (19e s.) ;
descendance en Suisse, à Colmar
et à Mulhouse.
- Léon Lévy, de Biesheim - Aline Geismar (19e s)
- Léopold Heimendinger, de Grussenheim - Dina Lévy (19e
s.)
- Baruch Wormser, de Grussenheim - Rosine Weil (19e s.)
- Vögele Sulzer, de Grussenheim - Jüdel Lévy (19e s.)
- Heymann Geismar, de Grussenheim - Esther Isaac (19e s.)
Puissent ces quelques notes servir à la mémoire d'un passé
presque totalement disparu de la commune de Biesheim et de ses environs, tant
en raison de la vague d'émigration vers les villes dans la seconde moitié
du 19ème siècle, que de la barbarie nazie du 20ème siècle.
NOTES:
- Paris, Durlacher, 1887, ouvrage réédité
en 1975 par Willy Fischer à Strasbourg. Retour
au texte.
- G. HAZELIER, Geschichte der Stadt Breisach,
II, p. 71. Retour au texte.
- Saisons d'Alsace, 66, p. 108. Retour
au texte.
- Ch. HOFFMANN, L'Alsace au XVIII° s., IV,
p. 454 note 1. Retour au texte.
- Rev Cath. d'Ais., 32 (1913), p. 282 Retour
au texte.
- Franz BROCKKHOFF Geschichte der Stadt u. Festung
Neubreisach, Neubreisach, 1903, p. 56. Retour
au texte.
- Joseph BLOCH - Salomon PICARD, Grussenheim,
communauté juive disparue, S.I., 1960, p. 18. Retour
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- Franz BROCKKHOFF, op. cit., 1903, p. 55 Retour
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- Freddy RAPHAEL, "Chavou'ot — la Pentecôte",
Aux Carrefours de l'Alsace- Paroisses Vivantes, juin 1981,6. Retour
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- N. DELSOR, L'émigration alsacienne en Autriche
au XVIII° s., Rev Cath. d'Ais., 1885, p 501 Retour
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- Maurice BOESCH, Weckolsheim, son histoire, ses habitants (1986)
p. 170 Retour au texte.
- R. WEYL - J. DALTROFF, Les cahiers de doléances des juifs d'Alsace.
In : Revue d'Alsace 109 (1983), p. 67. Retour
au texte.
- M. DECOVILLE-FALLER, La Hardt Haut-Rhinoise,
p. 80. Retour au texte.
- Voir notamment la biographie de Benjamin Hemmendinger,
dit Benjamin Scherwiller, rabbin des terres de la Noblesse de Basse-Alsace,
né à Biesheim vers 1734, par Robert Weyl (N.D.B.A., 1990 (16),
p. 1513). Retour au texte.