Moïse Nordmann, né le 20 septembre 1809 à Hégenheim, fils d'Emanuel Nordmann marchand de bétail, et de Madeleine Didisheim, était un homme fin, talentueux et possédait une grande instruction. Rabbin, écrivain, ayant fait des études à Nancy, Wurzburg et Heidelberg, il n'avait néanmoins jamais oublié ses racines campagnardes, car en 1836, il fonda une société pour le développement et l'encouragement de l'agriculture juive. Nordmann était à la fois un rabbin social et d'une tendance libérale, et de ce fait, souvent en opposition avec le grand rabbin Salomon Wolf Klein de Colmar (autrefois rabbin de Durmenach) représentant d'un judaïsme traditionnel dans toute sa sévérité .
Il avait des buts élevés et accomplissait son devoir avec une grande clarté et beaucoup de prévoyance. Sa vie privée en tant qu'époux et père de famille, ainsi que sa vie religieuse furent jalonnées de satisfactions.
Avant sa nomination en tant que rabbin, il fut précepteur en pays de Bade, précisément à Kirchen. C'est probablement dans cette contrée qu'il fit la connaissance de sa future femme, Gütelé Bloch, originaire d'Efringen, qu'il épousa le 27.8.1835. De cette heureuse union naquirent neuf enfants, échelonnés entre 1836 et 1857, comme suit : Joseph, Madeleine, Minette, Babette, Aron, Léon, Hélène, Jacques et Julie.
Des retombées économiques.
Il exerçait ses fonctions rabbiniques non seulement à Hégenheim et sa région, mais également à Bâle, Berne, La Chaux-de-Fonds et à Avenches .
Il résulte de ces relations entre nos communes et la Suisse, des retombées économiques, bénéfiques pour notre région. A savoir, avant la première guerre mondiale, la manufacture de montres de poche Lévy "Roskopf", en provenance de La Chaux-de -Fonds. Une centaine d 'ouvriers a œuvré et trouvé son gagne-pain dans cette société. Malheureusement, l'entreprise en question se vit contrainte à se réfugier en Suisse, où elle recréa une affaire à Moutier. Après la guerre, elle renonça définitivement à revenir s'installer à Hégenheim, et d'autres manufactures de montres, telle la société Didisheim lui succédèrent.
A noter également , l'Hôtel de la Poste, avec son architecture fin de siècle. Cet hôtel fut notamment construit dans le but d'héberger les horlogers de la région de La Chaux-de-Fonds. Ces derniers ne rentraient chez eux qu'en fin de semaine.
Confrontation à l'antisémitisme.
Le fait d'être appelé à la tâche de guide spirituel d'une communauté en 1834, au milieu du 19ème siècle, ne représentait guère un devoir facile.
Les relations entre les autorités et la communauté étaient souvent perturbées.
Il a fallu au rabbin Nordmann beaucoup d'énergie et de volonté afin d'affronter un antisémitisme tantôt latent, tantôt explosif.
Durant les insurrections de 1848 dans notre région, (Judenrumpel particulièrement féroce à Durmenach) la communauté de Hégenheim, qui comptait à cette époque 850 habitants de religion juive, organisa une milice bourgeoise afin de se protéger contre les insurgeants.
Cependant, bien des personnes furent obligées de prendre la fuite vers la Suisse et beaucoup de maisons à Hégenheim, Hagenthal et dans des communes voisines furent pillées et saccagées.
Par la suite, le rabbin Nordmann se plaint auprès des autorités compétentes de la partialité de certains offices publics, ce qui lui vaut bien des difficultés. Il a même failli en perdre sa fonction. D'autre part, sa probité incontestable et son courage ont largement contribué à amplifier l'estime que lui portait sa communauté.
Inauguration de la première synagogue de Bâle.
La fête fut encadrée par la chorale israélite de Hégenheim. Cette chorale, qui jouissait d'une certaine notoriété , savait charmer le public. A l'écoute de ces anciennes mélodies hébraïques, s’éveillèrent parfois des sentiments nostalgiques. Selon le reportage de la Basler-Zeitung, le discours d'inauguration prononcé par le rabbin Nordmann, fut très apprécié.
Il a su capter l'intérêt de tous les participants, juifs et non-juifs. Il a évoqué la valeur et l'importance d'Israël pour la diaspora en 1850, ainsi que l'émancipation juive. Par des paroles sages, il a su combattre les préjugés portés contre le culte de son peuple.
Émancipation juive.
Il s'est également engagé dans la lutte en faveur de l'émancipation juive en Suisse. Par des mesures directes et indirectes, il a influencé la classe politique en France, en vue d'améliorer la situation des siens en Suisse. Les archives du Ministère des Affaires Etrangères, ainsi que celles de la presse bâloise, témoignent largement de son engagement politique.
Il convient aussi de souligner, l'engagement sans limites, le soutien et l'aide de M. le Ministre Baroche, M. le Consul Marquis Turgot, et du côté de la Suisse, des conseillers fédéraux Welti et Dubs, ainsi que du délégué américain en Suisse, M. Théo Fay. Ce dernier visita en compagnie du rabbin Nordmann, l'Alsace juive pour s'assurer que toutes les accusations et préjugés portés contre ce peuple, ne correspondaient pas à la réalité.
Plus de trois décennies ont duré les négociations entre la France et la Suisse pour atteindre le but de l’émancipation des adhérents du culte mosaïque ; c'est-à-dire, afin que les juifs de la Suisse puissent jouir pleinement des mêmes droits et de la même liberté .
La France a largement contribué à ce que cette législation suisse, honteuse, intolérable, qui blessait les principes de la civilisation, soit abolie.
Le peuple juif garde pour la France, ainsi que pour le vénéré rabbin Nordmann, une profonde reconnaissance.
Inauguration de la deuxième synagogue de Bâle.
L'architecte de Heilbronn dénommé Rudolf Gauss, fut à l'origine de cette construction. Malheureusement, il décéda avant l'inauguration, à l'âge de 33 ans.
A cette fête assista aussi le rabbin Dr Kayserling d'Endingen, du canton d'Argovie en Suisse. (Lengnau et Endingen étaient les deux communes en Suisse où les Juifs jouissaient du droit d’établissement depuis le 17ème siècle. C'est-à-dire à Lengnau depuis 1633, et à Endingen depuis 1678.) Le 'hazan ou chantre fut M. Salomon Blum, originaire de Bollwiller près de Mulhouse. Il occupait également les fonctions d'instituteur et de sho'heth (boucher rituel) depuis 1844.
Le canton de Bâle ayant refusé toute subvention, la somme élevée à l'époque de CHF 125000 pour la construction et le terrain, resta entièrement à la charge de la communauté.
Depuis lors, la synagogue de Bâle a été agrandie en 1892, et plusieurs fois rénovée. Elle possède à ce jour une deuxième coupole et comprend environ 700 places. Les deux dernières rénovations ont eu lieu en 1947 par l'architecte Marcus Diener, et en 1987 par la Sté Diener & Diener et l'architecte Jonas Hechel de Bâle. La rénovation des fresques et les travaux de peinture ont été exécutés par l'entreprise Marcel Fischer de Bâle.
Rabbin durant cinq décennies.
Durant quatorze ans, le rabbinat de Hégenheim resta sans guide spirituel, et c'est seulement en 1898, que le Dr Salomon Schuler, originaire de Bollwiller, prit la relève.
Cinq rabbins auront marqué de leurs empreintes le rabbinat de Hégenheim :
En 1907, le rabbinat de Hégenheim est dissous et transféré à St.-Louis, où le Dr Schuler continuera ses activités jusqu'en 1938.
Et puis, une nouvelle époque pointe déjà à l'horizon, une époque qui va semer la terreur.
L'étoile de David, humiliée, bafouée, mais jamais anéantie, deviendra des années durant, pour des millions d'êtres humains, le passeport de la déportation, de la persécution et de la mort.
Au cimetière israélite de Hégenheim, témoin muet de ce passé douloureux, une stèle modeste maintient le souvenir du rabbin Nordmann et veille sur le repos éternel d'un zaddik .
Honoré soit-il !