la synagogue de Dambach |
On connaît l'existence de la communauté de Dambach au 17ème siécle, après la
guerre de trente ans. C'est de cette époque que date sa
premiére synagogue, qui, vers 1850, était dans un état de
délabrement tel qu'elle fut remplacée en 1866 par le
bâtiment actuel. Celui-ci, par suite de la disparition de la
communauté, a été cédé à la commune de Dambach en 1947. De
cette importante communauté il ne reste aujourd'hui que
l'imposant bâtiment de la synagogue, aménagé depuis en salle
paroissiale et salle de gymnastique.
Dambach a été siège d'un rabbinat qui fut, en 1910,
transféré à Barr.
A proximité des anciens remparts de la cité médiévale de Dambach-la-Ville, se dresse, depuis 1867, la dernière synagogue d'une communauté juive jadis florissante. Imaginée et construite, à l'époque, par l'architecte Antoine Ringeisen, la synagogue fait, actuellement, l'objet d'une rénovation complète destinée à la transformer en salle de spectacle.
L'extérieur a été magnifiquement restauré grâce au mécénat de la famille Meyer, héritière de la famille Bader de Dambach-la-Ville.
Le volume intérieur, totalement vidé de son contenu, est entièrement occupé par un gigantesque échafaudage qui en couvre toute la surface et se dresse sur toute la hauteur.
C'est au cours de ces travaux, à la fin du mois d'octobre 2012, que les services techniques municipaux qui procèdent, alors, dans le comble supérieur jusque là inaccessible, à l'installation d'un système de climatisation, mettent à jour un enchevêtrement d'objets constitué de pièces en tissus, de papiers et de parchemins qu'ils s'apprêtent à évacuer vers la déchetterie locale.
Ces objets, entassés dans un véhicule de chantier, présentent des caractères hébreux qui attirent, heureusement, la curiosité d'une passante, puis de l'historienne locale, madame Yvette Beck-Hardweg. Cette dernière entre en contact avec la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine (SHIAL).
la guenizah
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Mise en place du chantier
Le temps nous est compté ! Il n'est pas possible de retarder le planning serré des travaux qui occupent diverses entreprises. L'échafaudage est mis à notre disposition pour quelques jours seulement. Malgré ces contraintes bien compréhensibles, une extraction scientifique de la découverte, inspirée des méthodes archéologiques est décidée afin de mieux comprendre le processus de formation de la génizah.
La mission se dote dès le départ, d'une directrice technique et scientifique : madame Claire Decomps, conservateur en chef du patrimoine à la Région Lorraine, Service de l'Inventaire du Patrimoine. L'espace de travail est très réduit. Sous la direction de Claire Decomps, quatre personnes vont œuvrer sur ce projet : Françoise Weill-Kuflik, Marc Friedmann, Jean-Pierre Lambert et Jean-Camille Bloch. Madame Yvette Beck-Hardweg nous apporte son aide ponctuelle et, avec le soutien logistique de la municipalité de Dambach-la-Ville, le concours de la DRAC Alsace, d'archéologues et d'un photographe professionnel, les travaux débutent dans des conditions de travail difficiles et parfois dangereuses.
Il faut imaginer un échafaudage plus ou moins stable de près de 10 mètres de hauteur, un plancher sous toit en partie vermoulu, dont chaque planche, clouée entre les solives de la charpente, doit être retirée en veillant à ne pas traverser le mince faux plafond, au risque de chuter dans le vide ! Il est impossible de se tenir debout. Il est nécessaire de travailler pratiquement couché sur les solives, directement sous les tuiles et la poutre faitière. L'hiver qui arrive souffle, dans cet espace restreint, une bise glacée, l'air saturé de poussières nous oblige à porter des masques.
Pour tout éclairage, nous disposons, au sommet du dispositif, d'une longue guirlande d'ampoules multicolores. En fin de journée de travail, la descente par les échelles de l'échafaudage, dans l'obscurité presque totale, requiert la plus grande prudence.
Les objets sont entreposés entre les solives sur une couche variant de 10 à 20 cm d'épaisseur, entassés dans la poussière de décomposition, entre le vieux plancher et le faux plafond, sur une surface de 80m2 environ. Une fois extrait, chaque objet est soigneusement conditionné dans une enveloppe spéciale, immatriculé et portant ses coordonnées de position dans le dépôt. Les enveloppes sont elles-mêmes disposées dans des cartons.
Plus tard, une fois l'extraction terminée, la municipalité met à notre disposition un ancien bâtiment inoccupé "la Maison des Sœurs" qui était, dans le passé, le lieu d'habitation d'une congrégation de religieuses.
Nous débutons notre tri minutieux dans l'ancienne cuisine de la Maison qui, très vite, s'avère trop exigüe. Avec le matériel ramené de nos domiciles respectifs (éclairage, aspirateur, tréteaux, matériel photographique, etc…), nous transformons quatre "cellules" de religieuses en ateliers de travail, pour le stockage, le dépoussiérage, le tri, le déchiffrage et la photographie systématique de près de 900 objets. De vieilles portes dénichées dans le grenier de la Maison des Sœurs font office de plans de travail. Les services techniques de la ville nous ont sécurisé tous les accès.
Ce travail se prolonge plus de six mois. A l'issue de deux tris successifs, ce sont environ 2m3 d'objets qui sont conservés, tandis qu'un volume de 8m3 de poussières et d'objets en totale décomposition, ou sans intérêt, sont stockés provisoirement et par manque de place, dans les ateliers municipaux. Quelques semaines plus tard, ils seront enfouis au cimetière de Sélestat, dans une genizah créée à cet effet.
Certains ont pu s'étonner de la discrétion avec laquelle ces travaux ont été menés. En concertation avec les différents acteurs du projet et notamment avec la municipalité de Dambach-la-Ville, propriétaire de la découverte, nous avons en effet décidé de ne pas communiquer avant que la totalité du fond ne soit en sécurité dans un musée.
Nous avions à l'esprit l'expérience malheureuse d'autres découvertes de genizoth alsaciennes, qui ont été pillées et dispersées dès leur découverte. Il existe un marché international pour ces objets rituels, une belle mapah ancienne peut se négocier plusieurs centaines de dollars. Il n'était pas question de voir se renouveler les déconvenues précédentes.
Le contenu de la genizah
Les objets sont disposés dans le désordre le plus complet, toutes époques confondues, de la fin du 16ème siècle jusqu'à l'an 1894. Il semble toutefois probable que l'ensemble ait été déposé en une seule fois à partir d'un lieu de stockage précédent. Il est également possible que le dépôt tenait lieu d'isolateur thermique. Si la plupart des objets ont visiblement été jetés en vrac, certains ont fait l'objet d'un conditionnement particulier, dans de petits sacs en tissus ou dans un papier roulé ou noué.
Les objets découverts peuvent se répartir globalement en trois catégories : "les textiles", "les écrits" sur papier ou parchemin, les "divers".
Les textiles
Les écrits
La genizah comporte une quantité impressionnante de livres, papiers divers et parchemins. Nous n'avons sélectionné que les éléments dont l'état de conservation permet une identification. Beaucoup de livres n'ont plus de couverture. Pour des identifications particulièrement délicates, monsieur Henri Schumann de Metz nous apporte son expertise.
Les divers
Ce sont des objets qui proviennent de la synagogue elle-même, ou de maisons particulières.
Conclusions
Du fait de la disparition massive du patrimoine juif à la suite des exactions nazies, par son volume et son contenu, la genizah de Dambach-la-Ville constitue une découverte unique et essentielle en Alsace. Elle permet de mieux appréhender la vie matérielle et culturelle d'une communauté juive rurale. Elle confirme également que, plusieurs dizaines d'années avant le traité de Westphalie (1648) qui fut le point de départ de l'essor des communautés juives alsaciennes rurales, il existait à Dambach-la-Ville une communauté juive déjà structurée.
Les objets retrouvés sont très variés et dépassent le domaine prescrit par la loi juive. Beaucoup sont modestes, quelques-uns sont très rares. L'ensemble de mapoth est unique tant par sa taille que par son ancienneté. Les mapoth antérieures à 1700 sont rarissimes. Avant cette découverte, le Musée alsacien de Strasbourg n'en possédait qu'une seule datée de 1681. Les mapoth de Dambach-la-ville constituent un corpus homogène et documenté ce qui est très rarement le cas, l'origine des mapoth présentées dans les musées étant le plus souvent inconnue. La diversité des décors brodés et l'état de conservation sont exceptionnels. Une comparaison avec les découvertes analogues à l'étranger, en particulier en Allemagne et en Bohême-Moravie, révèle qu'il s'agit d'une des genizot les plus complètes, très peu d'entre-elles ayant été retrouvées intactes.
L'équipe de bénévoles de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine, pilotée par Claire Decomps, n'a pas ménagé ses efforts pour mener cette mission à son terme dans un délai raisonnable, la totalité de la collection a été remise à la fin du mois de juin 2013, au Musée alsacien de Strasbourg.
La municipalité de Dambach-la-Ville, sous l'impulsion de son maire, monsieur Gérard Zippert, qui tout au long de notre mission n'a eu de cesse de nous accueillir avec sympathie et intérêt, a décidé de faire don de la totalité de la découverte aux musées de Strasbourg. Ainsi, progressivement et après restauration et élimination des moisissures et autres microorganismes, les différents objets pourront être exposés aux visiteurs et mis à la disposition des chercheurs souhaitant poursuivre les investigations. Des publications détaillées sont à l'étude.
Jean-Camille Bloch, |
Notes :
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