BARR
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La communauté actuelle de Barr ne date que de la
seconde moitié du 19ème siècle.
Après avoir aménagé un oratoire en 1868, les Juifs
de Barr construisirent une synagogue en 1878. Au cours du 19ème siècle,
on ajouta une salle de réunion-oratoire et un bain rituel.
Lors de l'Occupation, la synagogue fut dévastée. Réaménagé
après la guerre, le bâtiment fut rasé en 1982, à
la suite de l'effondrement d'un pilier d'angle. les vitraux de la synagogue
ont été insérés dans l'oratoire de la Meinau
et certaines pierres, dont les tables de la Loi, sont conservées
dans le parc de la Fondation
Elisa à Strasbourg. Entre 1910 et 1944, Barr était devenu
le siège du rabbinat à la place de Dambach-la-Ville. |
La communauté juive de Barr
Extrait de l'intervention de J-C. Bloch, (né
en 1946 à Barr),
à l'occasion de l'Assemblée générale du Souvenir
Français.
Le pays de Barr :
Façade de la synagogue de Barr détruite en 1982
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Jusqu'à la révolution
française, les juifs étaient interdits dans les communes dépendantes
de l'Evêché de Strasbourg : Barr, Bernardvillé, Blienschwiller,
Goxwiller, Heiligenstein, Le Hohwald, Mittelbergheim, Nothalten, Reichsfeld, Saint-Pierre.
Même après la révolution, les juifs ne s'installeront jamais
dans ces communes hostiles, sauf à Barr et une famille à Saint-Pierre.
Ils étaient tolérés, à condition de payer des taxes
spécifiques dans les possessions des seigneurs d'Andlau (sauf à
Andlau) et de Landsberg, à :
Dambach-la-Ville,
Epfig,
Itterswiller,
Ottrott,
Stotzheim,
Valff et
Zellwiller.
En 1784, on trouvait près de 800 juifs dans ces sept communes :
29 à Stotzheim -
68 à Epfig - 94 à Valff
- 108 à Itterswiller
- 129 à Dambach - 157 à
Zellwiller- 185 à
Ottrott.
En 1808, leur nombre était de 930 et en 1851 de 1200, mais aucun ne vivait
à Barr.
Beaucoup quittèrent l'Alsace en 1870 pour rester français. Parmi
eux quelques descendants firent une belle carrière à Paris :
- L’écrivain André Maurois, descendant d’une vieille
famille de Zellwiller, de sa vraie identité Samuel Herzog.
- La famille Wertheimer d’Ottrott et Bader de Dambach, créèrent
les Galeries Lafayette, les marques Chanel et Lanvin.
En 1920, il ne restait plus que 385 juifs dans le pays de Barr et du Bernstein,
dont 125 à Barr, c'est-à-dire le tiers.
La communauté avait pris naissance vers 1850.
La communauté de Strasbourg était passée de 68 personnes
juives en 1784 à 8000 personnes en 1851, les villages s'étant
vidés au profit de Strasbourg.
La communauté juive de Barr :
La communauté juive de Barr, était la plus récente de la
région.
Elle a été fondée par des familles juives venues de Zellwiller
qui en 1850 comptait 250 citoyens juifs pour 2 raisons :
- Il y avait une école juive à Zellwiller, mais la municipalité
et le rectorat ne voulaient plus en assumer son fonctionnement et le salaire
de l'instituteur hébraïque, contrairement à ce qui se faisait
pour les écoles privées chrétiennes. Petit à petit
les enfants juifs de Zellwiller sont venus étudier à Barr et
les familles ont suivi.
Ma mère qui a 92 ans, se souvient qu'elle faisait avec d'autres enfants
le chemin à pied, deux fois par semaine et dormait à Barr chez
l'habitant.
Des amitiés s'étaient nouées entre la communauté
protestante de Barr et la communauté juive. Les enfants juifs allaient
à l'école protestante puis ensuite au collège. Les éclaireurs
protestants et juifs organisaient des activités et des voyages en commun.
- Barr était déjà un bourg important, chef lieu de canton,
où les possibilités de développement d'une activité
étaient plus importantes, qu'à Zellwiller.
Vers 1860, une salle de prière fut ouverte rue de la Kirneck. Devant
l'augmentation continue de la population juive, une synagogue fut
érigée en 1878.
En 1910, le rabbinat régional de Dambach-la-ville, dont la population
juive déclinait, fut transféré à Barr et confié
au grand rabbin Joseph
Bloch, qui y demeura jusqu'en 1939.
Dans les registres d'état civil de la commune de Barr, on relève
depuis 1850 :
72 mariages juifs - 159 naissances - 151 décès.
Les juifs de Barr sont presque tous inhumés au cimetière
de Rosenwiller que je me permets de vous conseiller de visiter, c'est un
des plus anciens cimetières juifs d'Alsace qui n'ait pas été
détruit ou vandalisé. Il est ouvert en permanence et entretenu
par la commune de Rosenwiller.
Le 13 août 1878, Isidore Cahn, prit pour épouse à la mairie
de Barr, Henriette Wolff d'Epfig. Ces noms a priori, ne vous disent
rien, en fait ce sont les grands-parents maternels du Président du Conseil
Pierre Mendès-France, qui dans sa jeunesse, est venu plusieurs fois à
Barr, à Epfig et à Strasbourg où ses grands-parents s'étaient
installés.
La communauté juive de Barr était à son apogée
entre 1870 et 1909, entre les guerres de 1870 et de 1914, mais elle ne dépassa
jamais 200 personnes.
A la veille de la guerre de 1939, il y avait encore 41 familles juives à
Barr, soit 111 personnes :
47 de sexe masculin, 64 de sexe féminin, dont 14 enfants de moins de
16 ans et 15 personnes de plus de 70 ans.
17 personnes étaient natives de Barr - 13 de Zellwiller - 8 de Valff
- 6 d'Itterswiller - 3 de Stotzheim - 2 d'Epfig - 4 d'Obernai
- 3 de Niedernai - 6 de
Strasbourg - et
49 du reste de l'Alsace.
Fronton de la synagogue
Professions des Juifs de Barr :
Intérieur de la synagogue
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On trouvait 36 commerçants ou employés de commerce - 1 pharmacien
- 1 médecin - 1 industriel - et le rabbin.
-
Place de la mairie :
- - Achille Abraham et sa sœur Judith tenaient un commerce de tissus.
- Camille Lehmann et ses fils avaient une entreprise de vente d'aciers.
Son fils André était Président du club de football.
-
Rue Taufflieb :
- - Alfred Bloch, restaurateur,
- Alfred Kahn, commerçant,
- Les deux frères Weill, antiquaires,
- Paul Wolff, commerçant.
- Rue Neuve :
- - Roger Blum, commerce de confection.
- Rue des Boulangers :
- - Alexandre Hirtz, négociant,
- Sylvain Lévy, représentant,
- Marcel Weill, boucher.
- Grand'Rue :
- - Armand Hirsch, pharmacien,
- Emile Isaac, commerçant,
- Kurt Jontesohn, allemand réfugié, était médecin,
- Yvonne Jontesohn tenait une droguerie,
- Marcel Meyer, boucher,
- Léon Wolff, commerçant.
- Rue Saint Marc :
- - Samuel Blum, représentant,
- Paul Dreyfuss, chemisier,
- Samuel Klein, antiquaire, commerce repris après guerre, par son
fils Lucien.
- Rue Reiber :
- - Fernand Baer, marchand de bestiaux,
- Salomon Lévy, marchand de bestiaux.
- Avenue de la Gare :
- - Gabriel Acker exploitait l'usine de produits chimiques Mosses,
- Arthur Lévy était négociant en vins, son fils Albert
représentant,
- Emile Lieber, Président de la communauté, était négociant
en grains,
- Jacques Weill, marchand de bestiaux.
- Rue de l'Hôpital :
- - Sylvain Bloch, marchand de chevaux.
- Rue du Collège :
- - Fanny Lévy vendait des tissus,
- Simon Strauss était récupérateur de chiffons-ferrailles.
- Rue du Général Vandenberg :
- - Henri Weill, marchand de bestiaux,
- C'est là aussi qu'habitait le rabbin.
- Au Rotland :
- - Moïse Weill, marchand de bestiaux.
- D'autres étaient ouvriers ou employés.
Fin de la communauté :
Douze familles environ sont revenues à Barr après guerre, beaucoup
d'entre elles avaient été décimées par les nazis.
25 juifs natifs ou demeurant de longue date à Barr ont été
victimes des nazis. Avec leurs familles, cela fait une cinquantaine de personnes.
Je vais vous
donner la liste et les circonstances de
leur disparition.
Le
rabbin Bloch qui s'était dans le Puy-de-Dôme, fut épargné
ainsi que ses deux filles jumelles nées à Barr, mais son fils
Elie,
rabbin à Metz, grand résistant dans la région de Poitiers
a été déporté avec sa femme et sa fille.
Ayant quitté Barr, il ne font donc pas partie de cette liste.
Monsieur le Maire, Messieurs les élus, Monsieur le Conseiller Général,
je terminerai mon intervention par quelques regrets :
- Je regrette que la synagogue de Barr ait été détruite
en 1982. Il est vrai qu'il n'y avait plus assez de juifs à Barr et
dans les environs pour tenir un office. Mais c'était un bâtiment
magnifique faisant partie du patrimoine commun. Beaucoup de Barrois non juifs
ont manifesté leur désapprobation. Il fallait un peu d'argent
en 1982, en fait assez peu pour la réparer. Le parking qui l'a remplacée
a certainement coûté bien plus cher au contribuable que ne l'aurait
fait les réparations de la synagogue. D'autres communes ont fait l'effort
de transformer leur synagogue en lieu culturel.
- Je regrette que le tout petit cimetière juif de Barr qui jouxtait
le cimetière protestant ait récemment disparu.
Je ne pense sincèrement pas que ce soit une volonté manifeste,
mais tout se passe comme si Barr voulait effacer son passé juif.
N'oublions pas que ces commerçants ont participé activement à
l'essor économique de Barr et de son canton, n'oublions pas qu'une petite
Barroise de trois ans qui habitait 10 avenue de la gare, est morte à
Auschwitz avec ses parents, au printemps 1944 simplement parce qu'elle était
juive.
Merci au Comité du Souvenir Français de m'avoir invité
pour évoquer la mémoire de la Communauté Juive de Barr,
aujourd'hui disparue, je devais bien cela à mes grands-parents
que je n'ai pas eu le bonheur de connaître.
Vestiges de la synagogue de Barr, conservés dans le parc de la Fondation
Elisa à Strasbourg
Cette intervention suscita une vive émotion, parmi la population.
Le Pasteur de Barr, convia monsieur Bloch à une nouvelle conférence
et proposa une exposition permanente des photographies de la communauté
juive de Barr et de ses victimes, dans les locaux du temple protestant.
Le maire de Barr assura que tous les documents réunis par Jean Bloch,
ainsi que le texte de son intervention, figureraient en bonne place dans les
archives de la commune, ce qui fut fait.
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