Le judaïsme rural dans le Bruch de l'Andlau : l'exemple de Fegersheim Bertrand Rietsch
Publication de la Société d'Histoire
des Quatre Cantons (Benfeld, Erstein, Geispolsheim, Illkirch-Graffenstaden) - 2003 |
VII. VIE DE LA COMMUNAUTÉ
1. Origines géographiques des mariés
Les cartes schématiques ci-dessous permettent de se faire une idée de l'origine des juifs au fil du temps. Ne sont représentées que les localités situées dans le Bas-Rhin. La taille des ronds indique la valeur relative du nombre de jeunes issus des villages considérés, garçons et filles confondus.
La première carte est la synthèse des origines citées dans les contrats de mariages dépouillés par A. A. Fraenckel.
Les relations privilégiées se font avec les villages de Krautergersheim
et d'Uttenheim, communes situées
dans un cercle de 15 km de rayon environ.
En dehors de ces deux villages, on remarquera que les mariages se font de
façon diffuse à l'intérieur du cercle indiqué,
et dans une deuxième mesure dans une large bande allant de Romanswiller-Saverne vers Riedseltz. Par ailleurs, la carte représente la situation avant
la Révolution ; Strasbourg est encore ville interdite et totalement
occultée en tant que lieu d'origine des époux juifs.
Ne sont pas représentées les provenances du Haut-Rhin (9), de la Lorraine (1) et de l'Allemagne (5). Par ailleurs, il y a 10 unions dont les époux sont tous deux originaires de Fegersheim.
La deuxième carte correspond aux lieux d'origine des juifs depuis la Révolution jusqu'à la seconde guerre mondiale, lieux relevés dans les actes de mariage de l'Etat civil.
Les lieux d'origine cités sur la carte précédente se trouvent en général renforcés. Le cercle de 15 km de rayon autour de Fegersheim est toujours d'actualité avec les villages de Krautergersheim et d'Uttenheim cités ci-dessus, augmentés de Valff et de Westhouse. Il faut se rappeler que les commerçants juifs arpentaient la région à pied. Un cercle de 15 à 20 km de rayon correspond à trois ou quatre heures de marche par sens, soit entre 6 et 8 heures au total. C'est donc dans le cadre des villages accessibles en une journée de marche aller-retour que se situent la majorité des unions.
Mais la grande nouveauté réside dans l'apparition de plusieurs
unions ayant des Strasbourgeois comme mariés. Bien que cette carte
représente la synthèse de 150 années de mariage, c'est
une indication concernant la migration de la communauté juive
de la ruralité vers la vie citadine.
Sur cette carte ne sont pas repris les provenances du Haut-Rhin (37), de Lorraine
(6), d'Allemagne (11), de Pologne (4) et de Suisse (2). Il y a eu dans ce
laps de temps 71 unions dont les époux étaient tous deux natifs
de Fegersheim.
La grande bande évoquée précédemment entre Saverne et Riedseltz est toujours visible, mais le centre de gravité des lieux autres que ceux tournants autour de Fegersheim s'est déplacé dans un triangle Brumath-Minversheim-Hochfelden.
2. Les patronymes juifs de Fegersheim
On se rappelle que c'est sous Napoléon, en 1808, que les juifs ont eu à choisir un patronyme.
Christian Wolff (33), nous donne quelques indications :
"Auparavant les porteurs d'un même prénom se distinguaient l'un de l'autre par des appellatifs divers, qui souvent furent adoptés tels quels comme noms de famille fixes en 1808 et qui pouvaient se rapporter au lieu d'origine (... Schwob = Souabe, Schlessinger = Silésien, etc.) ; à la fonction religieuse (Kahn = prêtre de la lignée d'Aaron, Lévy = lévite, etc.) ; à une particularité physique (Klein = petit, Schwartz = noiraud), ou encore être un patronyme traditionnel d'étymologie encore controversée (Bloch, Dreyfuss, Weil, Blum, Picard, etc.)...
Un nommé Nephtali ... était connu comme Hirsch ou Hirtz... (un cervidé étant traditionnellement l'emblème de Nephtali, cf. Genèse 49:21)..."
Quelques autres explications : "... Meyer (déformation du prénom talmudique Méïr), Loew (lion - emblème de Juda, cf. Genèse 49: 9), Wolf (loup - emblème de Benjamin, ibid., 27), Fohlen (dérivé dialectal de Raphaël), Reisel (Rose), Breinel (Bavette)... "
De ces différents noms, seuls trois sont répertoriés à Fegersheim avant la Révolution de 1784, à savoir Bloch, Wertheimer et Hemmerdinger.
Par la suite, les Bloch, Dreyfuss, Weil, Blum, Picard cités par Christian Wolff se retrouvent à Fegersheim, ainsi que les Kahn, Lévy et Klein, dont les significations sont données ci-dessus.
D'autres patronymes sont encore cités dans le village :
On notera que deux noms cités le sont par référence au métier exercé et que les huit derniers sont des toponymes, c'est-à-dire des noms choisis en fonction des origines géographiques des familles. Il ne nous a pas été possible de déterminer les dates d'arrivée à Fegersheim des juifs ayant un nom toponymique, mais il est visible que dans des temps reculés, vraisemblablement au début du18ème siècle, plusieurs familles juives venant d'Allemagne ou de Pologne se sont établies à Fegersheim.
A titre d'anecdote et de clin d'oeil, le hasard des dépouillements généalogiques a permis de découvrir un mariage, en 1807, de Isaac Gross avec Jeannette Klein.
De la même façon, en 1865 et 1866 sont nés Joseph puis Isaac, fils de Marc Hirsch et de Mina Cerf. Ce phénomène n'est bien entendu pas propre au monde juif, les mêmes événements se produisant dans toutes les communautés ayant choisi des patronymes dans la vie de tous les jours.
Au-delà des noms, la mémoire a retenu les surnoms donnés à certains juifs de Fegersheim, sans que nous ayons pu localiser toutes les personnes affublées de ces surnoms ; il faut se garder de penser que ces surnoms étaient réservés aux seuls juifs, la tradition voulait que les gens ou les maisons soient "rebaptisés" en fonction de telle ou telle caractéristique locale. Fegersheim a connu toute une série de Hoffname (attachés à la ferme) ou de surnoms qui mériteraient d'être étudiés à part. Ci-dessous une liste bien entendu non exhaustive de surnoms juifs tirés de différents documents :
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