C'est en 1861 que quelques hommes charitables, mus par le désir de combler une lacune qui existait dans le département du Haut-Rhin, se sont réunis et ont jeté les bases d'un établissement destiné aux Israélites pauvres.
Une liste de souscription fut mise immédiatement en circulation et rencontra, tant à Mulhouse que dans les environs, le plus sympathique accueil.
Les souscripteurs se réunirent peu de temps après et nommèrent une commission de construction et d'organisation.
Dans cette première réunion la question dut être examinée, pour savoir si l'établissement serait créé pour la ville de Mulhouse seule, pour l'arrondissement ou pour le département.
Après mûre délibération, comme l'arrondissement de Colmar renfermait beaucoup d'Israélites, que Colmar même, chef-lieu de département et siège du Consistoire, était au centre de communautés puissantes, on voulut lui laisser le soin d'ériger un établissement semblable, de sorte qu'on décida que celui de Mulhouse serait destiné aux deux arrondissements de .Mulhouse et de Belfort.
On résolut de l'appeler Hospice-Hôpital, parce que son but serait d'offrir un asile aux vieillards infirmes et que les salles du rez-de-chaussée seraient destinées aux malades. Le terrain fut donné gratuitement par un des souscripteurs, il était assez vaste et situé rue Koechlin.
La construction s'éleva rapidement, et au printemps de 1863, elle était achevée.
Pendant ce temps les Dames patronnesses, rivalisant d'ardeur, s'étaient mises à l'œuvre, les unes organisant une société de couture pour la confection de la literie, lingerie etc., les autres s'occupant de l'ameublement, de l'appropriation intérieure et grâce à tous les efforts réunis, au printemps de 1863 on était arrivé à pouvoir inaugurer l'établissement.
Une seconde souscription fut ouverte et rapporta quelques dons assez importants pour payer les frais de construction.
Une loterie organisée par des Dames charitables produisit une somme de dix mille francs qui furent consacrés à l'ameublement et à l'appropriation de l'établissement.
Alors se présenta la question la plus grave, celles des ressources annuelles, pour subvenir aux dépenses courantes.
Mû par le désir de faire contribuer à cette œuvre si éminemment charitable, toutes les personnes, sans distinction de fortune, le comité organisa, pour les deux arrondissements de Belfort et de Mulhouse, une confrérie, comprenant tous les Israélites de 21 ans et au-dessus, avec une cotisation de cinq à dix centimes par semaine.
Cette confrérie devait produire environ quatre mille francs par an. En y ajoutant les pensions, les intérêts des legs et donations, les dons qui furent régulièrement faits dans les synagogues, une souscription faite provisoirement parmi les membres du comité seulement, une subvention de la ville etc. etc., on espéra arriver facilement au double but, de faire face aux dépenses courantes avec les recettes ordinaires et de créer en même temps un capital inaliénable, qui devait donner par la suite plus à l'appropriation de l'établissement.
Suivant le compte-rendu, publié en 1865 et auquel nous avons emprunté les renseignements précédents, les recettes totales jusqu'au 24 novembre 1864 s'étaient élevées à environ 82.000 francs et les dépenses de toute nature à 48 000 francs. Il restait donc la somme de 34 000 francs dont 24 000 francs placés en rentes françaises et italiennes et obligations de chemins de fer, produisant annuellement 1270 francs, et le reste de 10 000 francs placés à intérêts chez le trésorier, en attendant que le comité ait à solder le compte de construction et d'ameublement non encore intégralement payé.
Le même compte-rendu ajoute encore les mots suivants : "Parmi les dons qui nous ont été faits, nous n'en citerons qu'un seul : c'est celui de la famille de feu M. Joseph KoechlinSchlumberger, notre ancien maire. Que ces généreux bienfaiteurs reçoivent l'expression de notre reconnaissance et que la mémoire de ce digne et regretté magistrat, si sympathique à toute œuvre de bien, soit bénie et vénérée."
Après l'installation, l'Hospice-Hôpital fut visité par le sous-préfet, par Jean Dollfus, maire de Mulhouse, par les adjoints, le grand rabbin de France etc. etc. Tous ces visiteurs promirent au comité leur concours et leur appui. L'administration municipale vota une subvention annuelle de cinq mille francs.
Le personnel servant de l'établissement était composé de quatre personnes, l'infirmier, sa femme, sa mère, comme cuisinière, et une femme de charge.
Un service d'inspection, composé d'hommes et de dames, fonctionna avec la plus louable régularité, et pas un jour ne se passa, sans que l'un ou plusieurs membres de ce comité ne visitassent l'établissement, s'informant de tout et contrôlant tout.
Le service médical fut assuré par les docteurs Hauser et Sée.
Le rabbin Samuel Dreyfus prodiguait les consolations de la religion aux malades et aux mourants.
Le conseil administratif était composé de MM. Lazare Lantz, président ; Bernheim-Dreyfus, vice-président ; Henri Schmoll, secrétaire ; J. Wahl-Sée, trésorier ; Dreyfus, rabbin ; Hauser et Sée, docteurs ; Corneille Bernheim, Samson Bernheim, Joseph Bloch, Raphaël Dreyfus, Paul Dreyfus, Isaac Lantz, David Lang, Léopold Ruef.
Ce conseil adopta, dans sa séance du 8 septembre 1862, les statuts suivants:
En 1869, le Comité s'adressa au Consistoire départemental, afin d'obtenir la reconnaissance légale de l'établissement. Le Consistoire transmit la demande au Préfet, qui fit parvenir la lettre suivante, datée du 4 décembre 1869, au Président du Consistoire, Léon Werth :
Le Comité déféra à cette demande ; les statuts furent modifiés, et, le 18 janvier 1870, le Président du Consistoire avisa le Préfet de l'envoi des 150 exemplaires modifiés conformément aux instructions du Ministre de l'Intérieur avec la prière de bien vouloir les transmettre à S. E. le Ministre, afin que cet utile établissement soit bientôt reconnu comme établissement d'utilité publique.
Ce qui fut fait ; et, le 28 août 1870, le Préfet fut avisé par le Ministre de l'envoi du décret impérial en date du 17 août qui reconnaissait comme établissement d'utilité publique l'Hospice-Hôpital Israélite de Mulhouse.
Ce décret est conçu en ces termes :
Il serait trop long d'énumérer tous les services rendus par l'hospice-hôpital israélite Mulhouse pendant les soixante-dix ans de son existence. Je me contenterai donc d'indiquer quelques détails que j'emprunte aux comptes-rendus publiés par la Commission administrative de l'établissement.
En 1892, la maison renfermait vingt-six pensionnaires infirmes, dont neuf hommes et dix-sept femmes. La moyenne de leur âge était de 75 ans. .
Onze malades avaient été soignés pendant la même année, cinq hommes et six femmes, ils sont tous sortis guéris.
Sept pensionnaires, trois hommes et quatre femmes, étaient morts dans le courant de l'année.
Voici les noms des pensionnaires au 31 décembre 1892 :
Nordmann David, 90 ans, Héguenheim ; | Geismar Félix, 78 ans, Grussenheim ; | Brunschwig Corneille, 83 ans, Habsheim ; |
Ebstein Abraham, 81 ans, Zillisheim; | Bloch-Mayer, 55 ans, Wintzenheim ; | Bloch Nathan, 77 ans, Porrentruy; |
Weill Elie, 63 ans, Biesheim ; | Haguenauer Jacques, 50 ans, Bergheim ; | Schwob Isaïe, 67 ans, Pfastatt ; |
Rhein Caroline, 72 ans, Sierentz ; | Heinrick Sara, 78 ans, Pfastatt ; | Cerf Pauline, 77 ans, Matzenheim ; |
Ullmann Caroline, 55 ans, Seppois-le-Bas ; | Dreyfus Caroline, 45 ans, Orbey ; | Bloch Henriette, 70 ans, Cernay ; |
Schwob Rébecca, 69 ans, Berne ; | Bloch Rébecca, 65 ans, Hattstadt ; | Bernheim Rébecca, 69 ans, Lörrach ; |
Ullmann Jeannette, 67 ans, Zillisheim ; | Ruef Henriette, 79 ans, Froeningen ; | Ginsburger Esther, 67 ans, Héguenheim ; |
Dreyfus Madeleine, 83 ans, Thann ; | Lévy Henriette, 60 ans, Habsheim ; | Bloch Sara, 57 ans, Durmenach ; |
Marx Henriette, 78 ans, Uffholtz ; | Schoppig Sara, 72 ans, Mulhouse. |
Dans le compte-rendu de 1901, on lit ce qui suit :
En 1930, l'Hôpital Israélite est transferé à Pfastatt dans une grande villa, au milieu d'un parc magnifique, dans la banlieue de Mulhouse. Le Président de la maison de Pfastatt , jusqu'en 1940, est Emmanuel Schwab, originaire de Wintzenheim, fondateur des grands magasins Schwab de la rue du Sauvage, et président de la Communauté Israélite de Mulhouse avant guerre.
En 1940, les pensionnaires de l'hospice, sont expulsés d'Alsace et trouvent refuge à l'hospice de vieillards de Lons-le-Saulnier (Jura) pendant toute la durée de la guerre. Les dirigeants de la maison - Achille et Juliette Weill - s'occupèrent de leurs pensionnaires pendant toutes ces années sombres.
Lors
de la Libération, la maison de Pfastatt n'est plus en mesure d'accueillir
ses pensionnaires ce qui fait que bon nombre restent encore à Lons-le-Saulnier
ou sont installés à l'hospice public de la rue Schlumberger. Pfastatt
ne rouvrira ses portes qu'au début des années 1950, après avoir
été entièrement remis en état et remeublé.
L'hospice prend alors le nom de Résidence René Hirschler,
en hommage à celui
qui commença sa carrière rabbinique à Mulhouse et
périt en déportation avec son épouse. Il est encore dirigé
par les époux Weill.
En 1963, le bâtiment d'origine est complété par une première aile, et par une seconde en 1980 avec la création d'une section de cure médicale. Les installations de l'aile centrale d'origine sont transformées en modernisées, offrant un confort accru aux résidents.
Depuis le 1er janvier 2005, la Résidence René Hirschler est devenue un Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD), et accueille aujourd'hui les seniors de la région, quelle que soit leur confession, tout en permettant le maintien d'une vie juive par la célébration des offices dans la synagogue de l'établissement.
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