PÂQUE
par Léon CAHUN
Extrait de La vie juive, préface de Zadoc Kahn, illustrations d'Alphonse Lévy ; Monnier, De Brunhoffet Cie Editeurs, Paris, 1886.


Le Goinfre de Wissembourg n’est pas beau. Quel est son vrai nom ? Personne ne l’a jamais su, et lui-même l’a peut-être oublié. On l’appelle le Goinfre, il est de Wissembourg, et il exerce la profession de parasite. Il n’a point la grâce de son rival, Petit Renard de Marmoutier, qui justifie son industrie de pique-assiette par ses talents de farceur patenté, acclamé. Point de noce, point de fête sans ce coquin de Petit Renard. On l’invite dans la meilleure société pour divertir la compagnie. Mais il n’est pas de maison si modeste où l’on ne puisse s’attendre à voir apparaître, à l’heure des repas, l’énorme, l’épais Goinfre de Wissembourg, avec sa grande barbe, sa bouche lippue et baveuse, ses yeux chassieux, et l’entendre dire d’une voix caverneuse et d’une prononciation empâtée, son sempiternel refrain "Moi, j’aime tout, excepté les tripes."

Parmi ses coreligionnaires, il n’en est pas de plus populaire que le Goinfre de Wissembourg, sauf, peut-être, Losung le Toqué. Parmi les chrétiens, il n’en est que trois qui puissent prétendre à un pareil renom Jean du Trou des Cousins, Antoine aux Escargots, et la vieille folle Geneviève, qui sait si bien confectionner des poupées avec des chiffons, et les distribue, en chantant des complaintes, à tous les enfants du pays. Peut-être, encore aujourd’hui, connaît-on là-bas les "poupées à la Geneviève".

Alphonse Lévy : Sheela (question) ;
le rabbin examine l'oie pour voir
si elle est cachère
Le juif a l'oie

C’est justement l’époque où Losung le toqué redouble d’ardeur poétique, et où le Goinfre de Wissembourg, tourmenté par une pieuse fringale, s’en va, de village en village, à la recherche de bons dîners.

Le ciel d’Alsace, le brave ciel bleu-myosotis, n’a pas un nuage aujourd’hui. Il fait mine gracieuse à la Pâque des Juifs. Sur le Pachte Berg, les sapins reverdissent. C’est un vrai « temps de bonne journée (1)". Depuis huit jours, les dernières oies grasses de la saison - pauvres bêtes ! -ont été sacrifiées. Blanches et dodues, qu’elles étaient belles, lorsque, toutes plumées, on les a étalées, triomphalement, sur la table de la salle à manger ! Depuis huit jours ce n‘étaient qu’allées et venues, le soir; chacun rendait visite à ses voisins, pour admirer leurs oies de Pâque, le volume de leur foie, l’ampleur de leur graisse, la finesse de leur peau, la délicatesse de leurs abatis. Une bonne odeur de graisse d’oie fondue remplit les maisons juives de Hochfelden, et maint voisin et voisine chrétiens sont accourus, en cuisine judaïque, et ont constaté que les deux oies de Mme Anselme étaient les plus grosses, les plus élégantes, les plus galamment troussées, de tout Hochfelden. Il faut dire que Selmel a dirigé leur éducation et leur gavage depuis de longues semaines, hélas! séparée de l’artilleur cousin du lancier parent du cuirassier ami du dragon lié avec le hussard qui ont successivement tenu garnison dans son cœur, elle a concentré ses affections sur l’éducation de ses oies et du jeune David.

Les oies ont vécu ! Hier soir, le sacrificateur-circonciseur-sous-chantre et sacristain de la Synagogue de Hochfelden leur a coupé la gorge dans les règles. Quant au jeune polisson David, dans la semaine des oeufs de Pâques, et à l’approche des hannetons, il n’est plus à tenir : Selmel n’a plus d’autre distraction que d’épancher sa bile théologique de huguenote sur la servante de M. le curé, en attendant l’heure fortunée où un congé de semestre lui ramènera son pays, le brigadier de chasseurs à cheval, le frère du spahi dont la soeur est la promise du gendarme dont le beau-frère est garde municipal à Paris.

Alphonse Lévy : Cuisson des matzoth
Cuisson des Matzoth
Les maisons juives de Hochfelden voient un beau remue-ménage ! De la cave au grenier, tout est en mouvement, pour faire les apprêts de la Pâque. C’est une grosse affaire. Il s’agit de sortir de l’armoire la vaisselle spéciale dans laquelle on fera la cuisine et le service pendant la semaine pascale, de la fourbir, de l’astiquer : l’étain reluira comme de l’argent ; la faïence à grosses fleurs, la faïence de Sarreguemines et de Strasbourg, deviendra plus belle que la plus fine porcelaine de Sèvres. Il ne faudra pas oublier d’acheter des pots neufs, de beaux pots de grès, pour y confire deux oies, deux langues de boeuf, dix bonnes livres de poitrine de boeuf salée, tout cela pour la semaine de Pâque. Il faudra nettoyer à fond la vaisselle et la batterie de cuisine de l’année courante, les empaqueter et les tenir enfermées pendant huit jours, car rien de ce qui a contenu pain avec du levain ne devra être touché, jusqu’à ce que la Pâque soit finie. Pendant la semaine sainte, tout paraîtra battant neuf. Déjà on passe, le soir, au fournil de Chôlem le boulanger, et on s’éjouit à flairer la bonne odeur de la pâte sans levain, et des Matse (pains azymes) que Chôlem et ses deux garçons enfournent avec entrain. Les plus gourmands goûtent aux Matsé tout chauds, et les enfants en ont leur part. Les vieux sans dents redoutent bien ce biscuit, et font des facéties sur les « morceaux d’assiettes cassées"qui leur serviront de pain à Pâque. Mayerle Hodel ne manque pas cette occasion de rééditer, pour la centième fois, sa proposition de servir, à table, de la ouate pascale, destinée à éponger les sauces, que le dur et sec Maitsé ne saurait absorber. Mais on se console, en réfléchissant au goût succulent que ces pieux tessons prennent dans le café au lait, sucré à la cassonnade, et aux exquises boulettes qu’on confectionne avec leurs débris moulus, et leurs éclats macérés dans l‘eau, bien pétris avec du jaune d’œuf, et frits dans la graisse d’oie.

Il s’agit bien de Pharaon, vraiment, et de la sortie d’Egypte En ce moment, la grande préoccupation des enfants est d’assembler des pelures d’oignons, et de s’approvisionner de poudre de grès, chose nécessaire, comme chacun sait, à la confection des oeufs de Pâques. Dans l’eau bouillie avec de la pelure d’oignon, les oeufs prendront une belle teinte de jaune-safran ; on y pourra tracer, en frottant avec la poudre de grès, toutes sortes de dessins et d’initiales. Déjà on rêve aux parties qu’on fera, quand on se provoquera au combat des œufs : en les heurtant l’un contre l’autre par le gros bout, on tâchera de fêler l’œuf de son adversaire. L’enjeu du vaincu est bien sûr d’être mangé.

Enfin, la bienheureuse veille de Pâque est arrivée, et les marmots ne se tiennent plus de joie. Songez donc au désordre qu’a produit ce déménagement, à l’exode de la vaisselle profane, à l’installation de la vaisselle neuve, à l’empilement des Matsé dans l’armoire réservée spécialement pour la Pâque ! Déjà, le bonhomme Anselme a distribué à ses enfants leurs Haggadas, leurs petits livres contenant l’office de Pâque, qu’on chantera les deux premiers soirs de la fête, avant le repas, et après le dessert. Ce soir, on a soupé à la cuisine, et demain on y déjeunera, pour ne pas laisser tomber de miettes de pain levé dans la salle à manger, où le Séder est déjà dressé.. Aucune pompe officielle, aucune cérémonie d’église, aucun dais, aucun catafalque ne seront jamais si beaux que ce Séder, ce sofa improvisé avec un banc, deux chaises et deux coussins, couvert d’une courte-pointe coquettement drapée, où le père et son fils aîné s’accouderont à l’antique, pendant le repas de demain soir. C’est là, véritablement, que le père apparaîtra devant ses enfants dans toute sa dignité de Baal-bath (Palpöss, comme on prononce en Alsace), "Seigneur de la maison».

C’est lui qui sera, ces deux soirs-là, le prêtre et le roi, comme ses ancêtres l’étaient sous la tente ou dans la ferme fortifiée des montagnes de Judée, ou dans le castel des ravins de l’Idumée, quand chaque famille avait son autel, quand le père était un chef de guerre et un maître. Dans ce temps-là, trois conquêtes et autant de guerres d’extermination soutenues avec fureur pour l’indépendance nationale, n’avaient pas encore fait plier les nuques raides» des hommes libres d’Israël. Les gens d’épée de Juda, les archers et les hardis frondeurs de Benjamin connaissaient, tout juste, un peu d’agriculture, qu’ils faisaient d’ailleurs pratiquer par le serf Cananéen. Le marchand, chez eux, était un Goï, un barbare étranger, qui n’était pas admis au temple de la Cité, à l’autel et au sacrifice de la famille. On eût bien étonné un de ces rudes montagnards, si on lui eût annoncé qu’un jour ses descendants ne manieraient plus la lance et l’épée , mais vivraient tremblants, isolés, traqués, comme le trafiquant païen de Phénicie ou d’Egypte, comme le maquignon de Hamalek, réduits à l’humble négoce, a l’humiliation de la banque et du bureau, eux, les descendants des hommes qui s’étaient donné le nom de "Guerriers de Dieu (c’est le sens littéral du mot Israël) !

Alphonse Lévy : la table du Séder
la table du Seder
Mais un jour, en un lointain pays dont les ancêtres n’avaient jamais entendu parler, loin, bien loin à l’Ouest, dans le pays des Celtes, l’oppression et la honte dix-huit fois séculaires ont cessé. Les Celtes, - oh! les braves cœurs- ont tendu la main à ces malheureux survivants d’une race jadis noble et fière. Ils leur ont fait place dans leurs armées, leur ont appris, encore, à manier ce bout de fer sans lequel les hommes perdent leur dignité. Pour la seconde fois, par la grâce de la Révolution française, les Juifs sont sortis d’Egypte; pour la seconde fois aussi, les uns ont regretté les oignons et les grosses marmites du Pharaon, et ont adoré le Veau d’or ; mais les autres, comme les hardis compagnons qui avaient tant couru la guérilla dans la montagne et le désert, se sont moqués du veau et des oignons, et des marmites; ils sont bravement devenus soldats et savants, artistes et poètes, ingénieurs, ouvriers ; ils se sont épris d’un fort et fidèle amour pour ce beau et brave pays, pour cette glorieuse race qui bataillait contre le Romain, jadis, à l’époque ou, eux aussi, se préparaient à la lutte suprême contre l’Empire de proie ; ils ont aimé la patrie française, comme, soixante-dix ans après Vercingétorix, au temps de Jean de Giscala et de Simon de Massada, leurs pères aimaient la patrie Juive; et, ma foi, pour être si bons Français, les gaillards ne sont pas de pires Israélites, n’en déplaise à leurs coreligionnaires d’Allemagne, et autres Polaks !

L’excellent Anselme pense à tout cela, car il n’est pas sorti d’une boutique, mais d’une Université; son père et son grand-père étudiaient et prêchaient, et lui tient école. Son rêve est même de tenir école non confessionnelle, et d’enseigner les mystères de l’orthographe, les beautés de l’histoire et les splendeurs de l’algèbre élémentaire à des bambins juifs et chrétiens assis, côte à côte, sur les bancs d’une même école communale. Il est un peu rêveur, le bonhomme, et pense volontiers, en ce village du Nord, au milieu de ses très prosaïques coreligionnaires, et de Goïm parfois très intolérants, au temps des ancêtres guerriers, aux chœurs de bienvenue chantés sous les palmiers et les oliviers, par des troupes de jeunes filles aux longs voiles blancs, quand les alertes compagnons revenaient de la chasse au lion, ou de la razzia sur le Philistin, pour célébrer la Pâque en famille, le bouclier au dos, la lance au poing et l’épée au côté. Mais de ces rêveries, le bonhomme Anselme n’en dit rien, si ce n’est à son fils, son espoir et son orgueil, et à ses amis le capitaine Thouret et le bon curé, gens capables de comprendre la philosophie de l’histoire.

Hélas! je puis assurer que ce soir-là, ce polisson de David ne pense ni à l’histoire, ni à sa philosophie, bien qu’il raconte, fort coquettement, la bataille de son homonyme contre le farouche Goliath, et que l’oncle Théodore, le Parisien, lui ait appris à chanter « le Trompette de Marengo » comme mademoiselle Déjazet le chante à Paris. Ce n’est pas qu’il ne soit fier : il a refusé noblement deux sous, que le gros Hertz lui offrait pour lui faire chanter cette oeuvre d’art; ce n’est pas qu’il ne soit patriote il avale avec conviction les bons morceaux que son père place sur son assiette en lui disant « Tout pour le peuple français ! » et en lui pinçant la joue. Mais il est beaucoup trop occupé à parcourir la maison, une chandelle à la main, et à rechercher, dans tous les coins, si on a balayé, bien exactement, jusqu’au dernier reste de Khomets (pain levé). Il a manqué deux fois mettre le feu aux rideaux, il a fait une tache de suif à sa culotte, il a reçu stoïquement une calotte maternelle, d’ailleurs très méritée; mais il triomphe, il exulte malgré la tache et la calotte, car il a trouvé onze miettes de pain diverses qu’il a été déposer dans le chiffon où sa mère les collectionne. Avouons d’ailleurs la vérité, toute la vérité sur ces onze miettes, il en a tiré dix de sa poche, où ils les avait fourrées d’avance.

La sœur aînée suit la perquisition processionnelle avec plus de calme. Je ne jurerais pas qu’elle soit entièrement recueillie, et qu’elle ne pense pas, un peu, à un certain Strasbourgeois du nom de Calmann, qui fait son droit à Paris. C’est une bien jolie fille, l’aînée, avec des yeux noirs longs comme ça, des cheveux qui lui descendent aux jarrets, une taille de guêpe; et sage, et instruite ! Et quelle voix ! vous l’entendrez chanter les cantiques, demain soir, au dessert ! Même les voisins chrétiens se mettent aux fenêtres pour l’écouter. Seulement, elle n’a rien. Sans dot, Monsieur, sans dot ! Certes, sa famille vaut mieux que les meilleures. C’est une famille d’honneur; mais, combien de fois le père l’a-t-il raconté? Quand le grand-père, le pieux, l’honnête, le noble Reb Mortché revenait, fier et heureux, d’une de ses tournées de prédication ou de charité, et qu’il disait à la grand’mère : "Ah ! ma femme, que j’ai eu d’honneur !" la bonne femme, en le débarrassant de sa houppelande, de sa canne et de son grand tricorne, lui montrait le poêle sans feu et la huche vide, et lui répondait

"Ah! mon mari, fais-moi donc cuire un chapeau plein d’honneur!"Le grand-père a eu beau, du temps du Sanhédrin, être délégué par ses coreligionnaires pour haranguer Cambacérès et l’Empereur, les parents du riche Calmann ne choisiront pas pour leur fils la petite fille d’un si pauvre homme. Voilà ce qui rend pensive la fille aînée du bon Anselme. Frale, la cadette, est toute confite en dévotion; elle est recueillie, absorbée par la cérémonie. Quant à la plus jeune, la bonne ménagère, elle manie déjà, d’une main sûre, torchon et balai, et ne pense qu’à bien assister sa mère, et à ne pas casser la vaisselle.

Le Khomets est définitivement noué dans son linge. La maison est purifiée. Le remue-ménage cesse au grand déplaisir du garçon qui va être forcé de restituer sa chandelle et d’aller se coucher. Toutefois, il s’agit de brûler le Khomets. Il est certain qu’autrefois, au lieu de le brûler, on pouvait le jeter à la mer. Poniatero, le père de Mayerle Hodel, a rapporté de ses campagnes un office de Pâque en espagnol, dans lequel on peut lire :
"Es, escombrar el leudo, arderlo en el fuego, esparzilo al viento o echarlo a’ la mar."(Tiré de l’Orden de la Agada de Pesahen Hebraico y Espanol, traducido del Hebraico y Caldeo por Senor Jacob Meldula,de Amsterdam.)

Seulement, comme la mer ne passe pas à Hochfelden, Anselme hausse les épaules aux conseils de Poniatero, et se contente de lui répondre : «Rêveries! blagues de la faculté de Bayonne ! les oies vont nu-pieds !" Poniatero est d’ailleurs habitué à s’entendre traiter de blagueur de Bayonne. Il a beau raconter ses campagnes en Andalousie et ses victoires à Madrid, et jurer et sacrer en espagnol « Caraco et Ponieta » , - d’où lui est venu, d’ailleurs, son surnom de Poniatero - , chacun sait que ses exploits se sont bornés à servir, à l’hôpital de Bayonne, dans le modeste corps des artilleurs de la pièce humide, et que, s’il a vu l’ennemi, ce n’était pas en face. x

Le bon Anselme ne jettera donc pas son levain à la mer, mais se contentera de le brûler sur une vulgaire pelle de cuisine, on prononçant les paroles sacramentelles : "Que tout le levain que j’ai en ma maison, celui que je n’ai pas vu, et celui qui est caché, soit brûlé et compté comme poussière de la terre ». Après cette purification, il serait peut-être bon de prendre une chope; pendant huit longues journées, chose terrible pour un gosier alsacien, on va se priver de bière, qui est Khomets au premier chef ! Quelle tentation, et comme il ferait bon d’aller à la brasserie, chez Meydinger ! Déjà les amis s’y rendent, après avoir brûlé leurs Khomets. Kussel et Guetch y vont bras dessus, bras dessous, et dans la nuit, on devine, derrière eux, le triomphant Mayerle Hodel, aux accents de son trombone; il fait alterner les notes d’une polka profane et des variations sur les hymnes et cantiques sacrés de Pâque. Non, Anselme n’ira pas à la brasserie.

Selmel rapportera un moss de bière dans la dernière cruche à Khomets laissée dehors, et le brave homme la boira en famille, on fumant sa pipe, avec l’ami Thouret et le bon vieux rabbin Eser. Pour la veille de la solennité, on permettra aux enfants de rester levés une heure plus tard ; Reb Eser leur racontera l’histoire des Trois Calenders ; sa femme leur dira l’heur et malheur du prince Galant, qui avait des griffes comme un ours, et le brave homme Anselme les édifiera en leur contant la légende du petit tailleur de Prague, connue seulement de sa famille et des amis de sa famille, et que je me permets, en mémoire de mon père, de raconter ici au public.

(1) Iom-tov - "Jour bon, c’est-à-dire jour de fête". Retour au texte


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