Joseph Simon le jour de son mariage (25-26 ans) © Muryel Simon |
Originaire de Muttersholtz (Bas-Rhin), il fut formé au rabbinat à l’école rabbinique de Metz où il fut le condisciple de Zadoc Kahn et son ami. La communauté israélite de Nîmes qui comptait 415 personnes vers 1840 et encore 380 vers 1872 l’appela pour diriger à partir de 1858 son école de garçons, laquelle comprenait vint cinq élèves environ. Cette école devint "école communale pour les enfants israélites" puis école communale tout court ; Bernard Lazare y fit ses classes primaires. Joseph Simon fut d’ailleurs son premier instituteur. La renommée de Joseph Simon attira les élèves catholiques et protestants notamment dans les dernières années. Il enseigna aussi l’allemand au cours complémentaire supérieur.
Son travail d’historien sur l’Histoire des Juifs de Nîmes au Moyen Age (1886) fait encore référence. D’autres publications se rapportent à l’enseignement aux enfants chez les anciens hébreux et chez les juifs du Moyen Age.
Il s’engage dans le combat républicain lors de la période
troublée qui précéda l’avènement de la III°
République. Président d’un cercle de la Ligue de l'enseignement
dès 1870, il anime les cours populaires du soir (1879) et repense la
formation professionnelle des ouvriers et artisans de la ville de Nîmes
(1881) avec la préoccupation de mettre les savoirs à la portée
de tous.
Sa retraite d’instituteur acquise en 1896, il est aussitôt nommé
conservateur de la bibliothèque de Nîmes où il catalogua
les manuscrits hébraïques.
En prenant ses sources dans la bible, en se référant aux idées
d’équité, aux paroles des prophètes, Joseph Simon
transpose ces valeurs en combat politique. Il prend vigoureusement la défense
de la République, de la justice et de la non - discrimination sociale.
Il conduit une lutte durant toute son existence pour transmettre les connaissances
au plus grand nombre.
Ce travail ne se veut pas hagiographique mais permet de jeter un regard sur les Israélites du 19ème siècle. Cheminer avec Joseph Simon nous permet d’appréhender selon la méthode de la micro-histoire les parcours multiples des israélites. Les modèles de l’israélite peuvent se découvrir ainsi par des itinéraires singuliers qui appréhendent l’histoire des individus au quotidien au plus près de leurs réflexions et de leur destinée.
Ce travail veut cerner le passé d’une figure de l’israélite au regard des enjeux du présent et souligner l’absence de séparation rigide entre l’espace privé et l’espace public mais plutôt l’ interaction entre ces deux pôles. Nous sommes en effet en présence d’un modèle d’israélite à la fois pratiquant et militant pour la liberté et l’égalité universelle tout comme pour la liberté et l’égalité des juifs, réunissant donc les deux catégories de "militants" et de "pratiquants" définies par Dominique Schnapper.(3)
La figure de Joseph Simon (1836-1906), fin hébraïsant est moins renommée que celle d’Adolphe Crémieux (1796-1880), ou de Bernard Lazare (1865-1903), tous les trois ayant vécu à Nîmes. Si Joseph Simon est connu localement dans un cercle d’érudits, il est reconnu par quelques spécialistes du judaïsme médiéval, comme le professeur Joseph Shatzmiller(4) ou l’historien Georges Weill(5). C’est un homme à la fois pieux, soutenu par les textes bibliques, par ses principes moraux et sa vocation de pédagogue : "un homme rigoureux, très droit, enseignant de grande valeur et par ailleurs un homme au cœur blessé par de nombreux deuils familiaux", selon l’un de ses descendants, le docteur Lucien Simon(6).
En 1858, Joseph Simon est appelé par la communauté israélite de Nîmes à diriger la petite "école communale pour les enfants israélites". Jusqu’ en 1842, " les enfants du culte israélite se rendaient indistinctement dans les différentes écoles de la ville. "A cette date, la communauté fonde une école pour les garçons, une autre pour les filles dirigée par mademoiselle Brunschwig, toutes deux agréées par le conseil municipal".
A l’arrivée de Joseph Simon, chacune compte vingt cinq à trente élèves. Les conditions de travail sont difficiles, l’instituteur n’a pas encore acquis la respectabilité qui l’honorera plus tard. Pour les siens, - il eut huit enfants- comme pour les autres, il était d'une grande rigueur, voire même austère. A propos des jeunes femmes, il disait : "les femmes qui se fardent, ou portent des voilettes ont quelque chose à cacher".
Cette école se trouve dans deux salles à l’intérieur de la synagogue, rue Roussy et y reste jusqu’en 1873. Le rapport présenté en 1873 (10) au Conseil municipal en vue de l’aménagement d’un nouveau bâtiment souligne "les mauvaises conditions d’hygiène, la mauvaise aération, le mauvais éclairage des classes et l’exiguïté du logement de l’instituteur". L’école israélite est transférée la même année dans un bâtiment rénové et plus aéré, quai Roussy, non loin de là. En 1881, lors de la laïcisation des écoles, l’"école communale pour les enfants israélites" devient "école communale" tout court. Il est habituel que les rabbins issus de l’école rabbinique soient aussi des enseignants, les deux fonctions étant souvent liées (11). D’ailleurs, l’enseignement de l’école rabbinique de Metz comprend outre l’étude des textes sacrés, l’hébreu et souvent l’araméen, l’histoire du peuple juif ancien et moderne, des études profanes, langue allemande, physique, chimie, arithmétique algèbre et chant. Les jeunes rabbins sont chargés de porter " a prédication et l’instruction morale et religieuse dans la population israélite " (art. 68 section IV, projet d’ordonnance 1839) (12).
Ce fut le cas pour son prédécesseur. Joseph Simon remplace Bernard Halbronn qui est aussi aumônier de la Maison centrale de détention et fait fonction de rabbin jusqu’à la venue du rabbin Séligmann en 1854 ; tous les deux sont issus d’Alsace comme le sera une grande partie des rabbins au 19ème siècle(13). Les conditions de travail ne sont pas très bonnes dans nombre d’écoles primaires religieuses, à cette époque. Le précédent instituteur Bernard Halbronn, alsacien, vient de quitter Nîmes pour Marseille et c’est un instituteur chrétien qui a assuré la vacance. Joseph Simon n’a donc pas la tâche facile.
La ville est très agitée politiquement et religieusement. L’historien
Raymond Huard a parlé à propos de la division confessionnelle
dans cette région de "situation volcanique", une ville de France "qui
renferme en son sein deux populations ennemies que la moindre commotion met
politiquement aussitôt en présence" (14).
Malgré cette situation, l’instituteur de l’école
israélite est reconnu pour ses hautes qualités morales, son
amour de l’enseignement.
Les écoles restent payantes (21). Dans le Gard, en 1866, seules les villes comme Nîmes, Uzés, Alès ont obtenu la gratuité de leurs écoles publiques. Il y a dans le département seulement 108 écoles gratuites sur 933. Mais nous ignorons si cette école l’avait obtenu pour ses élèves (22). Nous savons que 47,5 des garçons sont scolarisés et seulement 41% de filles et que la gratuité est plus facilement accordée aux garçons (23). Elle est gratuite pour les indigents.
La méthode et les principes d’enseignement de Joseph Simon sont énoncés dans trois de ses ouvrages : L’éducation et l’Instruction des enfants chez les Anciens juifs, (1879, 2°éd.), L’éducation chez les Juifs et particulièrement chez les Juifs de France du Moyen Age, (1893), Du sentiment de la nature chez les Anciens Hébreux (1893).
Nous sommes au cœur du débat de l’enseignement public et de l’organisation de l’enseignement des écoles primaires durant la période de la mise en place la loi de l’école laïque et obligatoire de Jules Ferry. Les publications de Simon conduisent un véritable combat pour transformer l’éducation domestique en éducation publique, et mettent l’accent sur le rôle majeur des enseignants et les méthodes à adopter. Joseph Simon puise cependant ses principes dans des sources bibliques alors que Jules Ferry souhaite réserver l’instruction religieuse aux familles et à l’Eglise et la remplacer par l’enseignement moral et civique qui appartient à l’école "en vue de progrès moral et social" (24). Mais Simon préconise des préceptes à valeur universelle qui ne mettent pas en cause ni la neutralité religieuse, ni l’engagement républicain, principes tous deux chers à Jules Ferry (25).
Son étude sur l’instruction des enfants dans les textes bibliques doit selon lui, servir de cadre de réflexion afin dégager les grands principes de l’enseignement de son époque. Il ne s’en cache pas. Il introduit son ouvrage ainsi :
"Ce sont des questions [l’éducation des enfants et l’organisation des écoles primaires] auxquelles s’attache aujourd’hui en France le plus vif intérêt. Hommes politiques et penseurs les étudient avec soin. Il ne sera peut-être pas sans utilité de connaître la profondeur de vues, les méthodes, les vrais principes pédagogiques avec lesquels les Rabbins les ont traitées . (26)"Et à sa manière, il va donc apporter ses écrits et réflexions au débat de son époque :
L’éducation ne se fait pas uniquement pour elle-même, elle
vise à l’apprentissage d’un métier :
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