On assiste à une dégradation progressive de l'image
de la Synagogue du début à la fin du Moyen Âge.
9e et 10e siècles
Ivoires messins.
Les premières représentations de l'Église et la Synagogue
sous la forme de deux personnages féminins allégoriques figurent,
sur des crucifixions taillées dans des plaques d'ivoire à
Metz, durant l'époque carolingienne. Sur ces ivoires, la Synagogue,
vêtue comme l'Église et sans aucun signe d'infériorité,
s'éloigne du Christ avec dignité, tenant droit son drapeau
et relevant la tête.
On ne décèle aucune marque d'hostilité. La signification
est claire : le Christ est victorieux ; la mission de la Synagogue s'achève
; elle doit céder sa place à l'Église.
1185-1195
Hortus deliciarum
Aux 12e et 13e siècles, siècles des croisades, la prédication
exalte les sentiments religieux. Elle met l'accent sur la Passion du Christ
dont la responsabilité est imputée aux Juifs. Ils subissent persécutions
et massacres. Dans les œuvres d'art, la défaite de la Synagogue
devient un thème récurrent.
Sur une miniature de l'Hortus deliciarum, ouvrage composé
à la fin du 12e siècle par Herrade de Landsberg, l'Église
couronnée, regardant le Christ, serrant d'une main le calice et
de l'autre la hampe crucifère de son étendard, est montée
sur un animal fabuleux, le tétramorphe, synthèse des quatre êtres
évangéliques. En face d'elle, la Synagogue, assise sur un
âne rétif, incline sa tête et la détourne ; elle est
aveuglée par sa coiffe abaissée, elle tient dans ses mains un
bouquetin et un couteau (symbole des anciens sacrifices ? ou de la circoncision
?) ; son drapeau traîne à terre.
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1225-1235
La Synagogue et l'Église du double portail sud de la cathédrale
de Strasbourg
La Synagogue aux yeux bandés est vaincue. Elle est découronnée
; sa lance porte-drapeau est plusieurs fois brisée ; les tables
de la loi échappent de ses doigts ; comme la Synagogue de l'Hortus,
elle baisse la tête et la détourne de l'Église victorieuse
dressée en face d'elle, tenant le calice et la hampe crucifère
de son étendard. Entre les deux portails se trouve une statue du roi
Salomon. Le Pilier du Jugement dernier, dit Pilier des Anges, situé à
l'intérieur du transept sud complète cet ensemble de sculptures
dominé par l'idée de jugement.
On insiste souvent sur la beauté de la Synagogue, remarquable aussi pour
d'autres œuvres de la même époque. Il s'agit,
sans doute, d'une allusion au destin de la Synagogue nullement condamnée
à jamais, mais élue de la fin des temps quand elle rejoindra le
Christ.
1285
La Synagogue au serpent
Cinquante ans après les ouvrages du portail sud, d'autres statues
de l'Église et de la Synagogue sont sculptées à la
cathédrale de Strasbourg, cette fois au tympan du portail central de
la façade occidentale. Ces figures, marquées par leurs illustres
modèles du croisillon méridional, comportent toutefois, une différence
notable : le bandeau est remplacé par un serpent enroulé autour
de la tête de la Synagogue, afin de suggérer une origine diabolique
à son aveuglement.
14e et 15e siècles
Bibles historiées
La diabolisation de la Synagogue ira en s'accentuant aux14e et 15e siècles.
Sur une miniature d'une Bible historiée du 15e siècle provenant
de Haguenau, la Synagogue porte sur ses épaules un diable noir, velu,
cornu et griffu, qui l'aveugle de ses mains. Ainsi perché, il peut
aussi lui commander beaucoup de mauvaises actions. La Synagogue est devenue
un agent de Satan…
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