Fils de Lazare Bauer, commerçant,
et de Rosalie Weill, il naît le 20 mai 1868 à Balbronn. Il fréquente
l’école communale israélite de Westhoffen puis le collège
de Wasselonne.
A l’âge de quinze ans il quitte l’Alsace pour Paris pour
entrer au Talmud Torah du Séminaire
israélite où il poursuit ses études secondaires jusqu’au
baccalauréat es lettres.
Elève du Séminaire de 1887 à 1892, boursier du consistoire,
il obtient par décret du 4 juillet 1891 sa réintégration
dans la nationalité française.
En 1893, il est nommé avec dispense d’âge à la tête du rabbinat d’Avignon, où il avait assuré l’intérim après le décès de Benjamin Mossé. Il est installé le 15 janvier. Il n’accède donc pas au diplôme du deuxième degré rabbinique, puisqu’il est déjà en poste. Jusqu’en 1904 il cumule officiellement l’intérim des fonctions de ministre officiant à Carpentras. Le 2 août 1896, il est nommé aumônier militaire dans les ambulances du 15ème corps d’armée.
Le 20 octobre 1896 il épouse à Paris Gabrielle Salomon, née le 16 juin 1876 à Paris, fille d’Alexis Salomon, commerçant, et de Florine Blum.
De 1894 à 1900, il publie plusieurs articles dans l’Univers israélite. Il s’intéresse à l’histoire des juifs du Comtat et d’Avignon, et commence à publier ses recherches historiques dans la Revue des études juives. Il devient membre de l’Académie du Vaucluse, et en 1902, il est nommé officier d’académie en tant qu’aumônier du lycée.
A partir de 1900 il cherche un nouveau poste, et postule sans succès à Dijon, à Versailles, à Bruxelles et à Marseille. Finalement il est nommé à Nice par arrêté du 4 mai 1905, communauté qui compte 230 contribuables-électeurs. Son ministère s’étend peu après sur la principauté de Monaco dont il est nommé grand rabbin par ordonnance princière du 6 décembre 1906 ; il est ainsi le premier rabbin officiel de la principauté.
A Nice, Jules Bauer, il fait œuvre de pédagogue, s’attachant à rendre la religion plus attrayante : il institue un "petit office" pour les enfants, célébré à la sortie des classes tous les samedis matin, où il prononce de brèves allocutions. Pour les adolescents, il crée une association la Jeunesse israélite de Nice, lieu de rencontres, de causeries et de conférences. Il innove également en faisant entendre aux adultes de courtes prédications à l’office du vendredi soir.
Son épouse gère des associations d’aide sociale : "Les Tirelires" pour subventionner l’apprentissage des jeunes filles ; l’ouvroir de "La Ruche" qui fournit vêtements et layettes.
En 1911, le rabbin fonde sur ses propres deniers une revue trimestrielle,
Foi et Réveil, dont il assure la direction. Cette publication
"se propose d’exposer d’une façon simple et attrayante
les principes et les aspirations du judaïsme". Le gérant en est
Aimé
Pallière, qu’il avait invité à Nice en 1908.
De grands noms du judaïsme français écrivent dans ces pages
: par exemple Edmond Fleg ou les rabbins Abraham Back, Maurice Liber, Julien
Weill. La revue paraîtra jusqu’en 1927, avec une interruption
durant la première guerre mondiale.
C’est aussi avec Aimé Pallière qu’il devient membre
de l’association Ohabe Sion, qui cherche à introduire un courant
religieux dans le sionisme français.
Pendant la Grande guerre, il sert comme aumônier militaire des formations sanitaires des Alpes Maritimes, et en particulier comme vice-président de l’ex-sanatorium israélite de Cimiez, transformé en hôpital militaire. En 1917 il est nommé aumônier volontaire pour la XVe région militaire (Nice). Il avait déjà fondé une soupe populaire avec sa femme, et pendant la guerre ils y ajoutent un refuge pour vieillards.
Le 6 juin 1919, Jules Bauer est nommé directeur du Séminaire israélite à Paris, où il entre en fonction le 24 avril 1920. Il sera aussi membre du conseil d’administration de l’Association des rabbins français, de la caisse de secours du rabbinat et délégué du rabbinat au Consistoire central.
Il restitue au Séminaire un fonctionnement normal après la mise en sommeil de la guerre (les futurs rabbins ayant été mobilisés pour la plupart) et lui donne une impulsion nouvelle. Le nombre des élèves augmente surtout par leur recrutement en Alsace-Lorraine libérés et en Algérie. Des cours supplémentaires sont créés, la section des ministres officiants est réorganisée, le Talmud Torah qu’il dirige et où il donne des cours est réorganisé. Il rompt avec l’usage qui veut que le directeur du Séminaire soit également professeur de Talmud, et donne à l’enseignement une orientation plus traditionaliste. Grâce à la fondation d’une Associations des amis de l’Ecole rabbinique, d’importants travaux de rénovation des locaux sont réalisés.
En 1921, il parraine une œuvre d’assistance en Terre Sainte ;
en 1922, il préside l’assemblée générale
du Toit
familial de la rue Guy-Patin, œuvre de placement professionnel et
d’assistance par le travail des femmes.
Avec l’aide de son épouse, il ouvre à Paris, rue de Médicis
le Foyer israélite, restaurant cacher à très bon marché
qui sera transformé après la seconde guerre mondiale en restaurant
universitaire. Il s’intéresse aussi au scoutisme.
Jules Bauer est membre du conseil d’administration puis vice-président
de la Ligue pour le repos sabbatique en France et en Algérie.
Excellent orateur et conférencier dans le cadre de l’association
Chema Israël à Paris et en province, il écrit, outre plusieurs
ouvrages consacrés au judaïsme, de nombreux articles dans l’Univers
israélite, puis dans Foi et Réveil. Dans la Revue
des études juives, il publie des articles qui font toujours autorité
sur l’histoire de l’Ecole
rabbinique, complétés et repris en volume à l’occasion
du centenaire de l’Ecole en 1930.
Nommé le 21 août 1919 officier de l’Instruction publique,
il sera nommé chevalier de la Légion d’honneur le 10 août
1928.
Gabrielle et Jules Bauer ont eu quatre enfants :
Jules Bauer meurt à Paris le 20 décembre 1931, à l'âge de 63 ans. Il est enterré le 22 décembre 1931 au cimetière du Montparnasse.
Source : Dictionnaire biographique des rabbins, Berg International Editeur, 2007
Œuvres principales de Jules Bauer :
Le grand rabbin Bauer en 1919 |
Empêché par les obligations de mon ministère de me rendre à Paris, mardi dernier, et de prendre la parole, au nom de la Communauté de Nice, aux funérailles de son ancien Rabbin, M. le Grand-rabbin J. Bauer, je viens remplir un pieux devoir en apportant hommage de fidèle et affectueuse reconnaissance à la mémoire de celui, qui, pendant quinze ans, a été le chef spirituel aimé et respecté de notre Kehillah [communauté].
Frères et Sœurs, en relisant ces jours-ci le discours que prononça Monsieur Bauer, lors de son installation à Nice, le 4 juin 1905, j'ai relevé cette phrase soulignée dans le texte : "Tout ce que j'ai de force, d’l'intelligence et de volonté appartiendra, désormais à la Communauté de Nice, à tous ses membres, sans distinction." Vous savez tous, chers frères et sœurs, vous qui avez été les témoins journaliers de sa vie si active et si dévouée, que cet engagement, qu'il a qualifié lui-même de solennel, Monsieur Bauer l'a tenu.
Arrivé à Nice après onze ans de fonctions à Avignon et dans le Comtat, où il avait appris à connaître les particularités du rite sefardi et les traditions si vénérable des Israélites du Midi, jeune, - il avait alors 35 ans - ardent, enthousiaste, assisté d'une compagne d'une piété exemplaire et d'une charité inépuisable, d'une compagne qui avait la vocation de la véritable et parfaite épouse de rabbin, Monsieur Bauer a rapidement prouvé à tous ses fidèles que ses promesses n'étaient pas de simples paroles, qu'il avait non seulement la volonté mais les qualités et les capacités nécessaires de les traduire en actes.
Servi par une intelligence supérieure, par une bonté native qui se lisait sur sa figure toujours souriante, par un caractère droit, franc, souple, amène, par un splendide esprit de serviabilité, de dévouement aux autres, il eut vite fait de conquérir non seulement la sympathie, mais l'amitié de ses fidèles qui virent en lui un pasteur selon le cœur de Dieu : Oved Hashem, un rabbin qui savait servir le Créateur en servant les hommes, ses créatures.
Mais c'est surtout dans le domaine de la "Guemilouth Hesssed", de
la bienfaisance sous toutes ses formes, exercée sans distinction envers
le riche comme envers le pauvre, envers les vivants comme envers les morts,
qu'il donna libre cours à tous les élans généreux
de son coeur.
En vérité, il ne reculait devant aucune démarche en faveur
des infortunés, sans distinction de confession, parce que dans son
cœur brûlait la flamme de l'amour du prochain, parce qu'il savait
trouver le chemin des cœurs, qu'il avait appris par expérience
qu'on ne faisait jamais appel en vain à la charité juive et
qu'au surplus les maisons étaient nombreuses dans notre bonne Kehillah
de Nice où il pouvait, en tout temps, se présenter en solliciteur,
sûr d'y être toujours accueilli favorablement. D'autre part, sa
demeure où Madame Bauer, régnait en maîtresse et répandait
le parfum de ses vertus patriarcales, était largement ouverte à
tous, et jamais ceux qui étaient venus faire appel à ses conseils
ou à son aide n'en sortaient sans avoir obtenu le réconfort
moral désiré ou l'aide matérielle demandée.
Vice-Président du Conseil d'Administration de la "Villa Jacob" de Cimiez, il en fut pendant quinze ans l'aumônier rêvé y apportant par ses conversations si gaies, si enjouées, si paternelles aussi, l'oubli de leurs souffrances et de leurs misères, aux malades, qui y étaient soignés, comme aussi aux malades et aux blessés de guerre soignés dons les hôpitaux et les formations sanitaires de Nice et de la région, dont il assurait avec un zèle splendide et un admirable esprit de charité le service d'aumônier.
Il lui fut ainsi donné d'exercer les fonctions délicates de son ministère à la satisfaction de tous, dans ce temple, à l'intérieur de sa chère Kehillah et aussi en dehors de celle-ci, dans notre ville et dans notre région, car le rabbin moderne n'est pas seulement le "Rab", le Maître, le Docteur ès-sciences religieuses chargé d'interpréter et d'enseigner la Loi de Dieu, mais aussi le représentant officiel du Culte israélite vis-à-vis de nos frères des autres confessions et vis-à-vis des autorités civiles, militaires et religieuses de notre pays.
Des qualités spéciales de tact et de savoir-faire sont requises pour remplir dignement ce rôle. Monsieur Bauer les possédait à un haut degré et la façon magistrale dont il s'est toujours acquitté de sa tâche, combien lourde de responsabilités pendant les quatre années de guerre, a été à son honneur, à l'honneur de notre Communauté et de notre Culte.
Aussi Monsieur Bauer a-t-il été heureux à Nice. Béni dans son foyer, vous connaissez tous, chers frères et chères sœurs, quel charmant intérieur était le sien, quelle affection tendre et dévouée unissaient époux et épouse, parents et enfants, frères et sœurs ; béni dans l'accomplissement de ses devoirs professionnels, notre regretté collègue a eu la joie suprême de pouvoir, comme il se l'était proposé non seulement maintenir, mais encore compléter l'ouvre de son éminent prédécesseur.
A la même époque, M. Bauer eut la joie de faire une création des plus intéressantes. Il fonda avec le concours de Monsieur Aimé Pallière la Revue Foi et Réveil dont les articles de vulgarisation, d'une haute tenue religieuse et scientifique, ont eu pour but de faire connaître au grand public les trésors de la doctrine et de la littérature juives.
Monsieur Bauer pensait continuer à exercer de nombreuses aimées encore son ministère sacré dans sa chère et belle Kehillah de Nice, quand l'amitié éclairée de M. le Grand Rabbin de France qui l'avait eu comme élève au Séminaire et qui l'avait suivi dans ses deux postes, et la confiance de l'Administration supérieure de notre Culte l'appela à le Direction de l'Ecole Rabbinique de France.
Monsieur Bauer hésita longtemps, n'osant tout d'abord assumer la redoutable mission de former les future pasteurs du judaïsme français et du judaïsme de certains pays étrangers, - la Belgique et la Suisse de langue française ont l'habitude d'appeler à la tête de leurs Communautés des Rabbins formés à Paris -, et puis il lui coûtait de rompre les liens faits de confiance, de solide amitié qui l'attachaient à toutes nos familles niçoises, dont pendant tant d'années il avait partagé les joies et les deuils. Mais le devoir était là. Monsieur Bauer écouta, comme toujours, sa voix et il quitta Nice, accompagné des souhaits affectueux de tous ses chers fidèles, pour diriger à Paris l'établissement supérieur qu'est l'Ecole Rabbinique, où il vient de s'éteindre après douze ans d'heureuse direction.
Frères et Sœurs, je vais m'arrêter, m'étant proposé de parler seulement de l'ancien Rabbin de Nice. Qu'il me soit permis cependant d'ajouter que l'activité de Monsieur le Grand Rabbin Bauer à Paris, comme Directeur de l'Ecole Rabbinique, comme professeur à cette même école comme pasteur et aussi comme membre du Consistoire Central des Israélites de France, où l'estime et la sympathie de ses collègues l'avaient appelé à siéger, a été des plus fécondes. Soutenu comme toujours par l'admirable dévouement de Madame Bauer qui a été une directrice modèle, il a eu une influence considérable sur les nombreux élèves du Talmud-Torah et du Séminaire confiés à sa sage et paternelle direction, et a eu le rare bonheur de se voir entouré de la part de tous d'un véritable culte, fait de respect, de reconnaissance et d'affection. Mais depuis quelques années sa santé a rapidement décliné et voici maintenant que sa noble âme, enrichie de toutes les actions méritoires qu'il a accomplies sur terre, est retournée auprès de Dieu.
Frères et Sœurs,
J'aurais voulu dire un mot du fils et du parent modèle et aussi de
l'ami fidèle et sûr qu'était M. Bauer, et lui payer une
dette personnelle de reconnaissance, car son amitié m'a été
des plus précieuses et jamais je n'oublierai les conseils sages et
avisés qu'il a bien voulu me prodiguer lorsque j'ai pris possession
du poste difficile où j'ai eu l'honneur de lui succéder. Mais
ma douleur d'avoir vu partir avant l'heure cet excellent ami, ce véritable
homme de bien, qui aurait pu rendre encore d'immenses services au judaïsme
français, ma douleur est trop grande : Frères et Sœurs,
puisons quelques réconforts clans la parole de nos sages : "Notre patriarche
Jacob n'est pas mort, il revit dans sa postérité" (*). En vérité.
M. le Grand Rabbin Bauer continuera à survivre dans ses enfants. Ses
fils dont l’aîné a choisi la carrière rabbinique
et dont le cadet, encore étudiant promet de marcher sur ses traces,
dans ses filles qu'il a eu la joie de marier l'une à un rabbin des
plus distingués, et l'autre à un homme de haute culture juive
également membre des plus actifs et des plus zélés de
la Société des Ma'hasikéï Hadat, qui s’efforce
de maintenir vivace dans le cœur de notre jeunesse l'amour et la pratique
de notre sainte religion. M. Bauer continuera également à survivre
dans ses œuvres. Son souvenir béni vivra à jamais dans
nos cœurs.
Amen.
* Note :