Plaquette publiée à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle synagogue sefarade Rambam ; le dimanche 9 avril 2000
Pour lire la traduction des mots colorés dans le texte, posez le pointeur de la souris sur le mot, sans cliquer : la traduction apparaîtra dans une bulle. Les mots colorés et soulignés sont de vrais liens |
La communauté séfarade se constituera, en partie, avec l'arrivée massive en 1962 des Juifs d'Algérie venus d'Oran, de Constantine, d'Alger et surtout du M'zab et celle d'une population estudiantine comprenant, parmi d'autres, des étudiants issus de l'École Normale Hébraïque de Casablanca. En 1967 de nombreux étudiants sont arrivés du Maroc. Puis de nombreuses familles rejoindront, quelques années plus tard, leurs enfants qui auront fini leurs études et se seront bien intégrés professionnellement.
Un fait remarquable est à souligner : l'arrivée des rapatriés d'Algérie en 1962 a suscité au sein des Juifs d'Alsace un mouvement général de solidarité et de sympathie. Des personnalités telles que le professeur André Neher, le Rabbin Albert Hazan et Maître René Weil président de la C.I.S., en étroite coopération avec les anciens sefardim de Strasbourg, ont mis au point des structures d'accueil. Le centre communautaire et d'autres maisons du Consistoire se sont transformés en centres d'hébergement. M. et Mme Neher avaient pris l'initiative, bien avant la fin de la guerre d'Algérie, de faire venir à Strasbourg des enfants dont la sécurité était menacée. Par la suite, ils ont invité les parents à les rejoindre. C'est ainsi que le choc de la transplantation a été atténué et l'adaptation facilitée.
Tous les anciens de Léo Cohn se souviennent de la participation d'André Neher à nos offices, de ses interventions profondes et brillantes lors des shabatoth et des fêtes. Le Kahal a également bénéficié des cours du Rabbin David Abergel donnés avec intelligence et chaleur.
Cependant en 1977-78 de vives tensions ont vu le jour au sein de la collectivité séfarade qui comptait déjà plusieurs minyanim à Bischheim, à la Meinau, à l'Esplanade et à Cronenbourg. Certaines bonnes volontés tenaient à construire un centre du séphardisme géré de façon autonome, hors du centre communautaire, où les sefardim épanouiraient leur culture, leur identité et où seraient mises en place les structures permettant la transmission du patrimoine séfarade aux enfants. L'autre courant, tout en se référant aux mêmes valeurs, voulait cependant les réaliser dans le cadre du centre communautaire dans l'union et la coopération avec la communauté ashkénaze. Finalement les élections du 25.2.1979 n'ont pas véritablement tranché : il y a eu panachage et le choix sest fait en fonction de la valeur personnelle des candidats et non en fonction des programmes électoraux. Suite à ces résultats, le Dr Bensmihen et son nouveau Comité Séfarade se sont attelés fiévreusement à la rénovation de la salle Léo Cohn. L'architecte Samuel Cohen en a fait une synagogue harmonieuse et accueillante, inaugurée le 25.1.1981.
À l'issue également de ces élections de 1979, une commission cultuelle et culturelle a été constituée sous la présidence de Meïr Tapiéro. Elle a pris conscience de la nécessité d'une rejudaïsation du Kahal. Aux cours réguliers organisés le Shabath Talmud (rav Wizman puis rav Zafrani), Section de la Torah de la semaine (Rabbin R. Touitou), Bakashoth (Charles Perez), se sont ajoutés périodiquement des exposés et des conférences sur la pensée juive et le patrimoine culturel séfarade.
Les fidèles sont reconnaissants à Rav Gabriel Ittah pour ses nombreuses prestations et pour les cours de Pirké Avoth qu'il a assurés pendant plusieurs années. Mais parallèlement à la vie juive intense qui se déroulait à Léo Cohn et les autres minyanim sefarades, d'autres événements ont modifié le paysage du judaïsme strasbourgeois. De très nombreux mariages ont été célébrés entre sefardim et ashkenazim. Le désarroi de la transplantation, oublié petit à petit, a laissé la place à de nouveaux liens d'amitié et de fraternité tissés avec des personnes du terroir ou venues de divers horizons.
La Yeshivath Eshel avait ouvert ses portes, dispensait un enseignement talmudique très poussé, et préparait au Baccalauréat. Cette yeshiva, avec laquelle nous avons développé des liens privilégiés, a servi de tremplin pour des dizaines de jeunes qui poursuivront leurs études talmudiques en Israël. La Yeshiva des Étudiants, animée principalement par Rav Abitbol, a dispensé à des dizaines d'étudiants ou pères de familles une sérieuse formation talmudique. En conséquence un judaïsme religieux, motivé et éclairé est venu renflouer le judaïsme alsacien. C'est là un fait incontournable.
Le président Méir Tapiero insuffle un dynamisme exceptionnel en multipliant les activités culturelles : invités de marque pour donner cours et conférences, voyages communautaires inoubliables, activités récréatives. Les cycles de conférence, organisés par le Comité Sépharade, visent à redécouvrir les grands textes traditionnels en dialogue avec le monde contemporain et à prendre conscience de notre identité et de nos valeurs. Différents thèmes ont été traités : l'éducation juive, la vie et l'uvre de certaines grandes figures du judaïsme, les Dix Paroles, les fondements de l'identité juive, les réponses juives aux problèmes contemporains, les problèmes fondamentaux de l'homme dans le livre de la Genèse etc. Les Dix Paroles a été publié aux éditions du Cerf en 1995 sous la direction de Meïr Tapiéro. Notre souhait est de voir un jour la publication des interventions sur les autres thèmes. Les nombreux orateurs de marque qui intervenaient périodiquement ont pour nom : Léon Askenazi, Armand Abécassis, Benno Gross, Roland Goetschel, Benny Levy, Daniel Epstein, Raphaël Drai, Avi Weingort ; les grands rabbins René Sirat, Joseph Sitruk, Emmanuel Chouchena, Chalom Messas (Jérusalem), David Mesas (Paris), Rav Eliahou Abitbol et Rav Gabriel Ittah ; les grands rabbins et rabbins de Strasbourg et, enfin, les jeunes espoirs isus de notre Kahal comme Ariel Elkouby et Philippe Tapiero.
Quitter cette synagogue Léo Cohn qui nous est si familière, où nous avons forgé tous nos repères et où nos enfants ont grandi ne se fera pas sans peine. Mais il fallait absolument léguer aux générations futures un lieu de prières plus sécuritaire et plus conforme aux légitimes aspirations de ce Kahal. Tandis que la troisième génération, fréquente le gan (jardin d'enfants), nombre de nos enfants portent haut le flambeau de Léo Cohn à Paris et Jérusalem, réalisant à leur tour le même parcours que nous, il y a environ quarante ans. Nous espérons n'avoir pas failli dans notre devoir de transmission et de mémoire.