La préhistoire de la communauté séfarade de Strasbourg
Témoignage
par le Dr Vidal Serfaty

SerfatyVidal Serfaty arrive à Strasbourg en septembre 1958, à l'âge de vingt ans comme étudiant en chirurgie dentaire. Il devient surveillant au pair à l'école ORT, alors sous la direction de Mr Loewe. Pour subvenir à ses besoins, il obtint aussi le poste de "barman", en soirée, au Moadone des jeunes de la communauté.
Claude Bloch a été nommé animateur de la jeunesse juive.

Fréquentant régulièrement le Mercaz, Vidal est bientôt invité et reçu par de nombreux membres de cette communauté, devenus par la suite ses amis: André et Renée Neher, le Grand Rabbin Max Warschawski et son épouse Mireille, Max (za"l) et Gaby Bloch, Beno et Myriam Gross, Claude et Judith Hemmendinger, Lucien et Janine Lazare, Claude et Claudine Meyer, Jack (Loup) et Colette Meyer Moog, Louis et Monique Schwab, Georges et Miquette Weill. Qu'ils en soient remerciés de tout coeur.

Vidal est le troisième étudiant originaire du Maroc, après Aimé Bensmihen, étudiant en médecine et Gaby Israël, étudiant en pharmacie. Il essaie d'être aussi actif que possible au sein de la jeunesse de la communauté. En mai 1959, au séminaire etudiants-JJE, dans la maison JJE à Sainte-Croix-aux-Mines, il fait la connaissance de Danielle Silber, étudiante originaire de Metz, qu'il épousera en janvier 1961.
En octobre 1959, Claude Bloch s'étant retiré, il devient animateur de la jeunesse, organise diverses activités pour les mouvements de jeunesse et les plus âgés (conférences, sorties de ski, etc.) et enseigne au Talmud Torah de la communauté les jeudi matins.

Pour les fêtes de Rosh Hashana et Yom Kipour, Gaston Bendavid, Victor Laloum, et Vidal organisent les premiers offices séfarades à la communauté, dans la salle du Mercaz, libre à ces occasions.

Cette même année après les fêtes de Tishri, Armand et Janine Abecassis s'installent à Strasbourg. Armand est surveillant général de l'école Aquiba. Ils constituent un apport important aux sepharadim qui commencent à montrer une présence positive.

En octobre 1960, Vidal est élu président des Etudiants juifs de France, section Strasbourg. Le conflit qui existait entre étudiants pratiquants (les "calotins") et les non-pratiquants est définitivement résolu.

En octobre 1961, Armand Abecassis est à son tour élu président. Quelques étudiants originaires d'Afrique du Nord et essentiellement du Maroc sont arrivés. La majorité des étudiants juifs sont ashkénazes et ont accepté sans la moindre hésitation et évidemment sans aucune discrimination une présidence de camarades venus du Maroc.

En 1961, le Rabbin Albert Abraham Hazan, son épouse et leur famille s'installent à Strasbourg, venant du Maroc, ou il était maître à l'Ecole normale hébraïque de Casablanca, et aumônier de l'Armée française, fonction qu'il poursuivra à Strasbourg.

Alors se crée à Strasbourg le premier office régulier, chaque Shabath, dans la petite Salle Hallel à côté de la grande synagogue. Nous étions alors entre 15 à 20 fidèles.

Quelques mois après, le drame de l'exode d'Algérie voit arriver à Strasbourg des centaines et centaines de Juifs d'Algérie.

Toute la communauté se mobilise. Mr André Neher préside la commission d'accueil. Le Centre Communautaire est mis sens-dessus-dessous. La salle Léo Cohn est transformée en dortoir, les salles de classe du Talmud Torah deviennent des chambres d'accueil pour familles. Difficile de comprendre comment tout le matériel a pu être réuni en un temps record.

Il faut chaque jour recevoir à la gare les nouveaux arrivants, les accompagner au Centre Communautaire. (Vidal est responsable de l'action). Il faut vérifier les listes envoyées par télégrammes de Marseille. Souvent il faut trouver des vêtements pour ceux partis d'Algérie avec presque rien, ou non adaptes au climat. Il faut s'occuper de valider leurs différents papiers, attestations…, chercher du travail selon leurs capacités, leurs professions.

Mais il faut surtout chercher à loger les familles de manière plus convenable, dans de vrais appartements. Des contacts constants existent avec différentes municipalités de Strasbourg et alentours, et il faut planifier pour que ces familles juives puissent se retrouver groupées, déjà penser à créer des oratoires de banlieue.

Il faut aider les enfants souvent traumatises à reprendre leurs études. Chacun tient à être le plus actif possible. Pendant les trois mois d'été Armand Abecassis organisera des cours de rattrapage au lycée Kleber mis à la disposition de la communauté.

Il faut évidemment une représentation de cette nouvelle communauté face à toutes les administrations : un premier comite séfarade. Mais qui sont les personnes déjà installées qui pourraient remplir ce rôle et se porter volontaires ? Le Rabbin Hazan et Vidal pensent à la seule personne qui conviendrait et demandent à le rencontrer : il s'agit du Dr Aimé Bensmihen. Quoique n'ayant pas été véritablement actif auparavant, il acceptera immédiatement, et très rapidement sera très représentatif et fera toutes ses preuves en tant que premier président de la communauté séfarade de Strasbourg. Il sera nomme vice-président de la Communauté Israélite de Strasbourg.

Le premier petit comité séfarade comprendra le Rabbin Hazan, le Dr Aimé Bensmihen, Victor Laloum et Vidal Serfaty, si nos souvenirs sont exacts.

La salle Léo Cohn qui était la salle de conférences et de spectacles (entre autres Emmanuel Levinas et Shlomo Carlebach vers 1961) du Centre communautaire, sera rapidement transformée en salle d'offices pour la communauté séfarade. Et il est difficile pour ceux qui ont assiste au premier office de Yom Kippour d'oublier le Kol Nidrei chanté d' abord par le Rabbin Hazan puis avec beaucoup d'émotion par Aimé Bensmihen. Que leurs mémoires à tous deux soient bénies.

Puis l'organisation se mettant peu à peu en place, il a bien fallu créer une équipe sportive. Le club sportif Menora est crée. Ce fut à notre connaissance la première action importante communautaire de M. Jean Kahn. Et nous savons tous le chemin exceptionnel qu'il a déjà parcouru depuis.

En janvier 1964, Vidal et famille s'installent à Colmar, où il sera actif au sein de la communauté et au Bnei Brith. En juin 1969, ils s'installent en Israël.


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