Robert Schnerb est né le 20 décembre 1900 à Dijon dans une famille juive de commerçants.
Ses parents sont issus d'Alsace : le berceau familial paternel se situe à Mackenheim, où demeurent au moment de sa naissance et de sa jeunesse encore quelques membres de la famille ; son père reste très attaché à cette Alsace dont il garde un très fort accent. Sa mère, elle même née à Molsheim, est issue d'une famille de Balbronn.
Le grand-père de Robert a quitté l'Alsace après avoir combattu avec la légion garibaldienne ayant défendu Dijon et comme un grand nombre de juifs alsaciens, il choisit de rester français. C'est par son mariage, célébré pourtant à Strasbourg que sa mère s'installe en France.
Son père garde de cette histoire un très fort attachement à la France ; trop âgé en 1914, il ne peut faire cependant acte de patriotisme.
Est-ce l'éloignement d'Alsace, en tout cas, le lien avec le judaïsme devient ténu : certes Robert fait sa bar-mitsvah, se rend à des mariages traditionnels en Alsace, mais sa famille ne semble guère développer de pratique religieuse.
Le jeune Robert grandit pendant le premier conflit mondial, et il est marqué par la propagande de guerre. Au lycée Carnot, il s'intéresse essentiellement à l'histoire et à la géographie ; les questions géopolitiques de son temps le passionnent également.
Aussi, le baccalauréat en poche en 1918, se dirige-t-il naturellement vers la faculté de Dijon avec déjà sans aucun doute l'espoir de devenir historien ou géographe et sortir ainsi du milieu commerçant qu'il n'apprécie guère. Très jeune, il lit beaucoup, et a l'ambition de maîtriser tout ce qui s'est écrit depuis le début du siècle.
A l'université de Dijon, il rencontre de nombreux étudiants étrangers, serbes et roumains notamment qui l'ouvrent sur un monde en pleine transformation et sans doute sur des idéologies contestant l'ordre établi.
Mais c'est sans conteste, la méthode historique ainsi que la géographie qui contribue à élargir son regard, tout en lui permettant d'affuter son sens critique.
Il a la chance de suivre les enseignements de plusieurs excellents professeurs dont Lucien Febvre à Dijon pour une année scolaire qui encore sous l'uniforme lui ouvre des perspectives nouvelles et surtout Albert Mathiez dont il devient un admirateur fervent.
Après sa licence obtenue en 1920, il s'engage dans un premier travail de recherche sur le représentant en mission, Bernard de Saintes, avec ce maître exigeant mais aussi très colérique, d'idées avancées, n'hésitant pas à participer à une manifestation de protestation à Dijon le jour de l'inauguration de la nouvelle place Bossuet, ce qui impliquait de débaptiser la place Émile-Zola ! Robert Schnerb faisait partie des manifestants. Mathiez compare de fait l'expérience russe avec la grande révolution française, son sujet de prédilection.
La soutenance du diplôme estcependant orageuse, et le jeune Schnerb se promet de ne plus jamais travailler avec ce professeur qui a plus l'art de la critique féroce que de l'encouragement.
L'agrégation le conduit à Lyon. Reçu deuxième derrière Lucien Aymard et devant des noms comme Braudel ou Latreille, il s'apprête à devenir professeur, tout en pensant à une thèse.
En attendant, son service militaire après le fort de St-Cyr le mène à Saverne, dans l'Alsace de ses racines, mais contribue à le dégoûter de la chose militaire. En revanche, il prend le temps de fréquenter les archives et rédige dès lors plusieurs articles pour la Revue d'Alsace.
Il espère une nomination à Dijon. Finalement il est nommé à Clermont Ferrand au lycée Blaise Pascal : il ignore alors qu'il y fera pratiquement toute sa carrière …
En Auvergne où il s'installe pour l'année scolaire 1926-1927, il s'attelle immédiatement à un travail de thèse ardu, proposé par Mathiez ; celui-ci l'encourage à travailler sous sa direction pour éclairer un pan de l'histoire de la Révolution ignoré jusque là, celui des contributions directes, autrement dit travailler sur une thématique qui touche d'abord à l'histoire économique et sociale davantage qu'à l'histoire politique. Schnerb oublie ses rancœurs à l'endroit de Mathiez, enthousiasmé par cette tâche qui nécessite d'inventer une méthode et de se confronter à des sources jamais utilisées, les rôles d'impôts.
Aux Archives départementales qu'il fréquente assidument, il rencontre Georges Lefebvre, le grand historien de la révolution, alors maître de conférences à la faculté de Clermont-Ferrand, qui lui donne de précieux conseils.
Tandis qu'il travaille assidument, Schnerb devient rapidement un professeur respecté et enseigne en classes préparatoires.
C'est à cette époque qu'il rencontre Madeleine Liebschütz qu'il épouse en 1928. Sa femme est issue comme lui d'une famille juive de commerçants originaire d'Alsace, beaucoup plus laïque que la sienne. La famille Liebschütz a aussi vécu à Dijon, avant de s'installer à Chalon-sur-Saône. La jeune fille, brillante élève, a le soutien de son grand-père, médecin réputé de Dijon, et de son oncle pour obtenir le droit de faire des études qui la conduisent à Versailles où elle prépare avec succès l'école normale supérieure de Sèvres. Comme Robert, toute jeune agrégée, à la rentrée scolaire 1926, elle vient d'arriver à Clermont après une année très heureuse passée à Cahors ; elle souffre au lycée Jeanne d'Arc d'une ambiance hostile. Tous deux, isolés et un peu en rupture avec leurs parents, jeunes professeurs d'histoire (Madeleine enseigne aussi les Lettres) sont faits pour s'entendre, même si le mariage ne plaît guère a priori à la mère de Robert qui espérait un parti dijonnais plus valorisant.
Les jeunes gens subissent une épreuve en 1927 qui contribue à les rapprocher ; l'un et l'autre, et d'ailleurs surtout Madeleine, sont accusés de mener un enseignement trop anticlérical et font face à une véritable cabale.
Jeune marié, et bientôt père de deux enfants (1929 et 1931), Robert travaille d'arrache pied à sa thèse, soutenu par sa jeune femme, mais ne recevant pas toujours les conseils attendus de son maître. Il faut insister sur le fait qu'aucune thèse de la sorte n'a été menée jusqu'alors et qu'heureusement, il bénéficie des conseils bienveillants de Georges Lefebvre.
Or Mathiez est terrassé en plein cours en février 1932, c'est la catastrophe pour Robert qui perd son directeur de thèse au moment où elle s'achevait ; Philippe Sagnac le remplace, avec une vraie volonté de l'aider mais peu disponible car occupé à prendre sa succession à tout niveau.
Toutefois, il achève son travail et la soutenance est prévue le 30 juin 1933.
Celle-ci est "étranglée" et le verdict douloureux : une simple mention "honorable", rédhibitoire de fait. Les membres du jury dont Henri Hauser, le président, et Marcel Marion, le "pape" de l'histoire de la fiscalité, dont les rôles sont déterminants, ne sont pas du tout enclins à voir l'originalité, la nouveauté, l'intérêt du travail qu'ils ont à juger. Incapables de comprendre les nombreux graphiques, ou n'ayant pas voulu se donner le temps de les comprendre, ils reprochent à Robert ce qui fait la valeur de sa thèse. Ils n'ont pas compris qu'elle s'inscrit de fait dans une nouvelle approche de la recherche historique, moins obnubilée par le rythme des changements politiques d'"en haut" que par les changements économiques et sociaux, par la vie "d'en bas".
Un Georges Lefebvre, qui a déjà été confronté à ce genre de problème lors de la soutenance de sa thèse Les Paysans du Nord en 1924 (à l'âge de cinquante ans), aurait été pleinement apte à mesurer les apports de l'œuvre de Schnerb mais il n'est pas alors professeur à la Sorbonne ; or Marion qui ne voit l'histoire des impôts que par les lois, et Hauser, le spécialiste incontournable de l'histoire économique, lui ont interdit d'accéder à l'université.
Des enjeux complexes se nouent au moment de la soutenance : face à face deux conceptions de l'histoire, mais celle qui guide Robert Schnerb est loin d'avoir le vent en poupe ; à ce moment, Lucien Febvre et Marc Bloch, s'ils ont lancé leur œuvre, les Annales , ne jouent pas encore de rôle décisif ; Hauser âgé, une carrière derrière lui, comblé d'honneurs, n'a cependant pas hâte de voir ses méthodes remises en cause et Marion a été la cible des critiques de Mathiez.
En effet, les questions politiques affleurent et ne peuvent qu'opposer un Schnerb marqué à gauche, disciple somme toute de Mathiez le robespierriste, dont émerge de ses recherches une empathie avec le peuple et un Marion, très conservateur. Schnerb a le soutien de Camille Bloch, archiviste, et de son directeur de thèse, Sagnac ; mais ceux-ci ne parviennent pas à faire pencher la balance, Charles Pouthas, le cinquième membre du jury, préférant suivre l'avis d'Hauser. Ce qui s'est joué à ce moment est très complexe et impossible à résumer. Des personnalités s'affrontent, des opinions politiques, des ressentiments probablement et, peut-être aussi d'autres sentiments moins avouables encore.
Par la suite, sa thèse reçoit pourtant des avis très élogieux notamment de Georges Lefebvre et de Lucien Febvre, qui tentent de réparer l'injustice du verdict. Schnerb multiplie les travaux dans sa spécialité, celle de l'histoire de la fiscalité et fait paraître un très bel article dans la revue des Annales . Cependant, ses tentatives pour obtenir une chaire restent vaines, bien qu'il ait finalement rapidement obtenu l'inscription sur la liste d'aptitude.
Robert Schnerb n'a pas perdu l'espoir d'être un jour professeur d'université. Ces quelques années qui précèdent la guerre, il est très actif, non seulement intellectuellement mais aussi politiquement : il s'engage en effet dans le combat contre le fascisme en étant responsable pour la région de Clermont-Ferrand du Comité de Vigilance des intellectuels antifascistes. Dans ce cadre, il milite pour la victoire du Front populaire. Son action est en réalité celle d'un intellectuel qui place comme valeur suprême la paix qu'il associe à plus de justice sociale. Il a un regard critique à l'égard de la société de son temps et des politiques qui lui paraissent jouer avec le feu, en n'agissant pas clairement pour la paix.
Sincèrement pacifiste, il se trouve, à partir d'octobre 1937, dans la région parisienne, où sa femme et lui ont accepté un poste dans le secret espoir d'être au plus près du centre intellectuel, Paris. Professeur au lycée Lakanal, il se lance dans une entreprise passionnante, tout en ralentissant nettement son activité politique : promouvoir une revue d'un nouveau genre, qui ferait le pont entre l'enseignement secondaire et la recherche universitaire, l'Information historique. Il a à ses côtés un directeur "merveilleux", Jules Isaac. Certes, Robert et Madeleine n'avaient pas hésité à critiquer ses manuels, tenants d'une histoire jugée trop traditionnelle ; mais Isaac se révèle aussi passionné qu'eux par les questions pédagogiques, et notamment par la nécessité de développer la place de l'image à l'école. Ils resteront amis.
Cependant, la guerre est déclarée : Robert a 39 ans et affecté spécial, il est nommé à la faculté de Clermont-Ferrand. La famille se replie donc dans la propriété auvergnate sur les rives de l'Allier. L'inquiétude est grande et Madeleine essuie les premières humiliations clairement antisémites.
Après la défaite, ils sont en Auvergne et tous deux nommés de nouveau dans leurs anciens lycées clermontois. Mais la rentrée se fait avec une angoisse supplémentaire, le Statut des juifs que le nouveau régime de Vichy sorti de la défaite s'empresse d'édicter le 3 octobre 1940, répondant à ses pulsions antisémites profondes.
Cette loi, pour les époux Schnerb à l'instar de bien d'autres, sonne comme une catastrophe, un véritable séisme ; elle les met face à leur judéité que de toute évidence, ils s'étaient appliqués jusqu'alors à gommer, non qu'ils en aient honte, mais par athéisme et souci d'adhérer totalement aux valeurs de la raison. Leurs choix professionnels correspondaient, on le pressent, à une volonté d'échapper à leur destin de juifs français, être commerçant ou femme de commerçant. Leur passion pour l'histoire signifiait leur attachement profond à la république et ses grandes valeurs, mais aussi aux sources du destin républicain de la France, la révolution française. La guerre, ils ne la désiraient pas, non qu'ils ne vissent pas le danger terrible du nazisme et de son idéologie mortifère, mais, pour préserver la paix, et surtout, pour ne pas alimenter la propagande qui visait à faire des juifs des fauteurs de guerre ; éviter d'agir dans le sens où l'on pourrait vous reprocher de vouloir la guerre pour défendre les juifs. Pour Robert Schnerb, plus que la patrie, ce qui compte, ce sont les idées républicaines, c'est la recherche de la vérité, c'est la paix.
Qu'ils le veuillent ou non, ils sont désormais juifs, alors que leurs enfants, en aucune façon élevés dans la tradition, ignoraient même ce qu'était un juif, les seuls juifs dont ils avaient entendu parler étaient ceux qu'ils avaient rencontrés dans leurs lectures d'enfant.
Les Schnerb doivent abandonner leurs postes. Robert en est malade.
A partir de janvier 1940, ils vivotent, entretenant un grand jardin, et donnant des leçons à des jeunes gens du village ; leurs enfants reçoivent leur enseignement.
En 1943, Robert est recherché, soit disant pour le service du travail obligatoire ; les Schnerb ne se sont pas faits recenser et leur vie est de plus en plus précaire. Ils apprennent par d'anciens élèves engagés dans la résistance qu'il ne faut surtout pas se rendre à cette convocation et décident donc de se cacher ; aussi quand les gendarmes viennent-ils chercher Robert, celui-ci aidé par de nombreux amis s'échappe ; la famille se retrouve pour plus de dix mois à Murat-le-Quaire, village situé à 1000 mètres d'altitude dans le massif du Sancy, dans une maison prêtée par une ancienne élève.
Cette vie de reclus renforce l'amour de Robert pour les personnes simples, les paysans, les artisans et conforte ses liens avec la nature.
Il l'ignore à ce moment, mais les membres très proches de sa famille vivant à St Etienne sont déportés et vont disparaître à Auschwitz.
Ayant échappé au pire, la libération ne leur ouvre pas toutes les portes. Les Schnerb font le compte des morts autour d'eux ; ils ont comme principale préoccupation, celle qui les a guidés dans leur choix durant les quatre années précédentes : sauver et élever leurs enfants qui en 1945, ont respectivement, 14 et 16 ans. On n'insistera jamais assez sur le fait que n'est pas héros qui veut, et donc qu'à 40 ans, avoir le sens des responsabilités, c'est d'abord assurer la sécurité de sa famille. En effet, à la libération, on voit d'un seul coup fleurir partout des héros, et les simples victimes, indemnes par chance et grâce à leurs amis, n'ont aucune légitimité à faire entendre leur voix. Mais en 1945, les Schnerb veulent simplement retrouver un poste en Auvergne pour enfin permettre à leurs enfants de suivre des études normales, ce qui, entre autre raison, conduit Madeleine à cesser toute activité professionnelle.
La vie reprend son cours, et Robert Schnerb ses activités d'historien. Il rédige de nombreux articles et songe à un grand livre d'histoire sociale des impôts. Pour l'heure, il relance l'Information historique.Cependant Jules Isaac brisé par les affres des années de guerre ne souhaite pas continuer, même si Robert maintient des liens étroits avec lui. Un des sujets de leurs discussions porte sur l'antisémitisme au moment de la parution des grands livres d'Isaac, notamment la Genèse de l'antisémitisme en 1956.
Pourtant l'après-guerre ne permet pas à Robert de trouver la place que son talent d'historien aurait dû lui offrir. En effet, alors qu'un poste à la faculté de Clermont Ferrand se libère, il ne l'obtient pas, malgré ses très nombreux travaux, malgré le fait que sa carrière ait été mise entre parenthèse pendant quatre ans, malgré une somme d'injustices.
Cela ne l'empêche pas de donner des cours à la faculté libre de droit de Clermont et aussi d'enseigner en propédeutique à la faculté d'histoire. Ceci ajouté à ses cours en classes préparatoires lui donne beaucoup de travail, lui laissant trop peu de temps pour ses recherches. C'est cependant la période la plus fructueuse de sa vie : il multiplie les articles pour les plus grandes revues dont
les Annales, où il fait de nombreux comptes rendus critiques ; il rédige une biographie,
Rouher et le second empire, couronnée par l'Académie française et par l'Académie des Sciences morales ; et surtout il est choisi par Maurice Crouzet pour rédiger le XIXe siècle de l'Histoire générale des civilisations éditée aux PUF ; un énorme volume montrant son tropisme pour une histoire nettement dans l'esprit des Annales, même si cette collection concurrence un projet de Lucien Febvre Destins du monde édité chez Armand Colin.
l noue des relations avec les plus grands historiens de son temps, et participe aux grands débats internes qui touchent aussi bien la Société des études robespierristes, quand il faut trouver un successeur à Georges Lefebvre, et les Annales , quand Mandrou très ami avec Robert Schnerb en devient le secrétaire choisi par Lucien Febvre.
Et ce qui le satisfait désormais pleinement, il est un professeur vénéré, que ce soit en propédeutique ou au lycée en classe de khâgne ; beaucoup d'élèves sont subjugués et disent encore aujourd'hui lui devoir beaucoup, c'est le cas par exemple de Nathan Wachtel qui dans sa leçon inaugurale au Collège de France fait de Robert Schnerb ainsi que de Robert Mandrou les deux maîtres à l'origine de sa vocation d'historien. Tous admirent sa rigueur et son intégrité.
Reconnu partout comme un grand historien, il subit cependant encore des humiliations qu'il supporte difficilement.
Peu de temps après sa retraite, il meurt brutalement le 30 octobre 1962, il n'a pas encore 62 ans.
Dès lors, sa femme s'applique à entretenir sa mémoire et à dénoncer les raisons qui ont engendré ses échecs professionnels.
Une question la taraude, que j'ai cherché à mon tour à élucider : pourquoi fondamentalement n'a t-il pas eu la carrière escomptée ? L'antisémitisme aurait-il quelques responsabilités ? Je ne veux pas ici déflorer trop la démonstration que je tente de mener, mais si ce n'est sans doute pas l'unique facteur, on ne peut le rejeter d'un revers de main. De toute évidence, la vie de Robert Schnerb démontre que dans la France des années 30 (alors que l'affaire Dreyfus semble être de l'histoire ancienne) et même encore dans la France des années 50 (alors que la politique antisémite de Vichy et la Shoah sont passées par là), on continue à attendre beaucoup plus d'un juif que d'un non juif. Cela, Robert et son épouse l'avaient pressenti, le portaient dans leur inconscient, le savaient sans oser pendant longtemps se l'avouer ; on ne peut nier que leur judéité soit la cause d'un grand nombre de leurs déboires même si - et c'est tout aussi remarquable -, ils doivent leur vie sauve au soutien désintéressé de nombreuses personnes, étudiants ou actifs, hommes ou femmes, paysans ou intellectuels, aristocrates ou communistes.
Cette histoire est celle d'un homme dont les choix, les engagements sont intimement liés aux éléments les plus fins des contextes d'une d'époque, où l'on perçoit que les comportements des uns et des autres ne sont pas toujours les plus rationnels et se tissent au fur et mesure des événements ; cela une biographie permet, il me semble, de le faire ressortir avec plus de vérité, en y mettant plus de chair, qu'une étude historique plus générale ; elle permet de sentir au plus près la complexité des choses.
Claudine Hérody-Pierre, 5 novembre 2011.