Poèmes
d'André Spire

Au Peuple
Oh ! N'inventons plus de système !
J'écrivais
Le Messie
Ma barbe n'était pas encore blanche
Écoute, Israël
Exode
Poussières
Rides
Matin
Il y a
Personne
Des Ordres
Retour
Novembre
Possession
Henriette
Anémones
Mots
Dans le lambris
Tu diras plus tard
Miettes
Non !
Tu ne me parles plus, Loire

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miettes

SUR le bord de ma fenêtre
Comme une pelote tombe moineau,
De l'arbre, du toit ou du ciel
Tombe, sautille miette de Dieu.

Les miettes que je te jette
T'appellent, gourmand pépieur,
Par ton estomac et ton bec
Non pour ton bec ni ta gorge,
Ou les perles noires de tes yeux,
Mais pour tes ailes qui te soulèvent.

Qui me soulèvent, m'enlèvent
Par-dessus radios, roues, autobus,
Tirs, parades, haut-parleurs de foires,
Vers les grands cercles de mouettes
Et vers l'hirondelle de mer
Qui, du ciel comme une pelote,
Se laisse tomber sur l'ablette
Et file, flèche, éclair au bec.

(Poèmes d'hier et d'aujourd'hui, 1953)


non !
Faites Seigneur que ce qui me reste de vie
"soit une pénitence continuelle pour laver
les offenses que j'ai commises... une espèce
de mort pour exercer votre miséricorde, avant
que vous m'envoyiez effectivement la mort
pour exercer votre jugement ".
Pascal.

QUI frôle, effleure, gratte,
Qui frotte, passe, et repasse,
Qui tambourine, qui siffle, flûte, pipe,
Agite triangle et grelots ?

Oui, mes draps écrasent mon dos.
Les lombagos poignent ma peau.
Espères-tu voir bientôt mes os ?

Que me veulent tes pieds qui cliquettent ?
Ton rictus qui me fait risette,
Et sur ton échine décharnée,

Sur tes orbites énucléées,
Tes plus pâles roses fanées
Qui me font d'aguichantes courbettes ?

Pourquoi tires-tu sous mes fenêtres
Cette farandole affolée
D'empereurs, de reines, de duchesses,
De présidents, de procureurs,
De servantes et de laboureurs ?

Oui, mes draps pèsent à ma peau,
Les lombagos crispent mon dos,
Les crampes tenaillent mes jambes.

Mais crois-tu que tes chaînes traînées,
Ces puanteurs de chairs brûlées,
Ces castagnettes de tarses, de carpes,
De phalanges et de tibias,
Ces troupes de questions, d'angoisses,
De scrupules, de pénitences,
De nostalgies de présence,
Vont anéantir mes instants?

Vois, cette chambre en est pleine.
De mes cahiers, de mes livres,
De mes murs, de mes doigts qui rangent
Qui choisissent et qui écrivent,
S'élèvent, fusent, irradient
Des soirs, des gloires, des aurores
D'actions et de souvenirs,

Et s'élancent, voile de lumière
Contre ton cortège de peurs
Et le racheteur qui tolère
Que tu frustres ses créatures
Des joies de leurs derniers jours.

(Poèmes Juifs, 1959.)

La maison d'Avaray au bord de la Loire

tu ne me parles plus, loire.
Si près, si proche.
Que d'aubes, que d'aurores
Montaient de ta surface descendante !

Aidée par les vents d'est,
Rebiffée, remontée par les caprices des vents contraires,
Tes rires pétillaient parmi les rives de tes criques,
Et s'égrénaient sur tes crépuscules diaprés.

Te souviens-tu ? Ma barque
Le long de tes racines balancées
Tourbillonnait sucée par tes remous.
Et frôlée par les doigts d'argent de tes osiers languides
Ses flancs chantaient l'espoir d'un monde bleu
Sans cris, sans heurts, sans colères...

Et plus rien maintenant.

L'aimant qui me soulevait sur ton passage
S'est-il usé, dissous?
Horizon clos, ciel écrasé dans sa calotte de nuages,
Vers l'immense océan tu continues ta course.
Moi, si près de ma borne, tu me laisses
Paupières lourdes, voix sourde, mains aux genoux,
Dans le morne muet de tes champs moissonnés.

(Inédit)

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