Mais le retour à la Lorraine, en 1697, va déclencher les haines de tous ceux qui voient en eux, non seulement des ennemis de la religions chrétienne, mais aussi des affidés du roi de France. En 1702 est arrêté sous l'inculpation de vol un certain Lyon Cahen, originaire de Rahling. Il est accusé d'avoir cambriolé pendant la messe la caisse du bureau des papiers timbrés, des tabacs et des sels. Un premier jugement est (relativement) modéré puisque les juges, sans prendre vraiment position sur sa culpabilité, le condamnent à être fouetté, mais récusent le bannissement et la marque d'infâmie, ce qui était l'usage pour un tel délit. Il y a cependant appel et six jours plus tard, la Cour Souveraine de Lorraine transforme la condamnation en peine capitale. Lyon Cahen est exécuté le jour même, le 7 décembre 1702. Il est certain que la sévérité du verdict a pour objet non seulement de dissuader les voleurs, mais aussi de faire comprendre aux Juifs installés depuis peu dans la région qu'ils ne sont plus les bienvenus. La situation ne commence à changer qu'après l'arrivée de Stanislas.
Deux familles y vivent en 1753, mais leur nombre atteint vingt-six dans les dernières années de l'Ancien Régime. Parmi les premiers installés, figure la famille Gentzbourger qui pratique le prêt sur une assez grande échelle puisqu'elle finance en 1765 la ville de Sarreguemines pour la construction de son église paroissiale. Welferding est peu à peu délaissé par ses habitants juifs et sa synagogue abandonnée. Celle de Sarreguemines est tout d'abord aménagée en 1765 dans la maison de Salomon Gentzbourger puis transférée dans celle de Marchand Berr, frère de Cerf Berr, en 1769. Celle-ci étant adossée au mur d'enceinte, la municipalité l'autorise à percer deux fenêtres pour mieux éclairer les offices.
Certains de ces éléments semblent n'avoir pas eu très bonne réputation. Ainsi dans son rapport au ministre de l'Intérieur en date du 11 septembre 1823, le préfet de la Moselle, commentant les personnalités des notables juifs de son département, signale qu'un certain Aaron Block, de Sarreguemines, est réputé s'adonner à l'usure, et, d'après le préfet, aurait même été la cause principale de l'application au département du fameux décret "infâme" du 17 mars 1808, abrogé depuis 1818. Cet homme est le gendre de Marchand Berr et avait obtenu en 1787 de l'intendant de Lorraine la permission de s'installer dans la maison de son beau-père. Il était à l'époque inspecteur particulier des haras de Sarralbe.
Ces derniers avaient d'ailleurs une histoire étroitement liée à celle des Juifs de la contrée. Ils furent créés par le duc de Lorraine Léopold qui se passionnait pour les attelages et les chevaux de selle. Les dépenses que cela entraînait, au milieu de beaucoup d'autres d'ailleurs, expliquent l'étendue des dettes qu'il contractait auprès des Juifs, qu'ils soient de Metz ou de Lorraine, comme le fameux Samuel Lévy. Après sa mort, sa veuve puis Stanislas continueront à prodiguer toute leur attention aux haras qui sont le plus souvent confiés à la surveillance d'employés juifs qui passaient pour être des experts en chevaux. Le rattachement à la France ne changea rien à cette situation dont une des conséquences était que le directeur des haras, juif ou non, avait le droit d'ordonner des corvées domaniales pour le fauchage et le voiturage des foins. Ces corvées étaient de toutes façons mal ressenties par les paysans des villages des environs, mais le fait que leur ordonnateur fût un juif les soulevait d'une indignation dont on retrouve les traces en 1789 dans les cahiers de doléances des communautés villageoises de Nelling, Grening et Insming. Dans cette dernière localité, la corvée est qualifiée "d'esclavage aussi honteux à notre sainte religion qu'injurieuse à la qualité de sujets libres de la France".
On compte trois cent cinquante membres de la communauté en 1861. Sur onze postes de ministres officiants (Metz non compris), cinq sont affectés la même année à des communautés voisines : Grosbliederstroff, Frauenberg, Hellimer, Forbach et Puttelange. C'est dire la puissance de ce judaïsme de la Moselle-Est à l'époque. En 1851, il y a une école israélite mais l'instituteur, allemand, enseigne aux élèves dans cette langue.
Une des personnalités marquantes au 19ème siècle est Lion Grumbach, banquier de son état, et qui entre au conseil municipal dans les dernières années du Second Empire. En 1871, l'autorité allemande ayant manifesté l'intention de déplacer le tribunal de la ville, le conseil envoie une délégation à Berlin auprès de la chancellerie pour demander son maintien dans les lieux. Lion Grumbach en fait partie et se fait alors remarquer pour ses talents d'orateur, puisque la délégation obtient gain de cause. Six ans plus tard, Jaunez, maire de Sarreguemines ayant déplu pour son attitude francophile, est démis de ses fonctions et Lion Grumbach nommé maire le 31 mai 1877. Il resta en fonction quatre ans, jusqu'en 1881 et mourut en 1890.
En 1860, une nouvelle synagogue en grès des Vosges s'édifie rue de la Chapelle dans un style oriental byzantin. Elle comprend deux salles attenantes, celle de droite servant d'oratoire les jours de semaine, celle de gauche accueillant les réunions du comité d'administration, mais est aussi utilisée comme vestiaire pour le rabbin qui, avant les offices, y revêt sa soutane. A l'arrière de la synagogue a été construit un bain rituel et à l'entrée, de part et d'autre de la porte, on a aménagé deux bancs réservés aux visiteurs non-Juifs venus écouter les chants des offices, dirigés par le 'hazan Albert Kahn. Celui-ci est souvent accompagné à l'orgue par le directeur de l'école protestante, assisté d'un de ses élèves chargé de pomper l'air dans les tuyaux de l'instrument ! Plus tard, la place d'organiste sera tenue par Mlle Fuhrmann, professeur de musique. Albert Kahn avait fondé une chorale de garçons et de filles qui étaient recrutés à partir de l'âge de treize ans. A cette occasion, la communauté leur offrait des "ma'hzorim" (livres de prière).
Le départ des immigrés allemands après le retour à la France entraînera un certain déclin en partie compensé par des immigrants polonais qui auront, entre 1920 et 1939, un petit oratoire séparé ruelle Holz dans la maison de M. Goldschmidt. En 1939, le président est Edmond Bloch et le rabbin M. Dreyfuss. Son 'hazan est Eugène Adler, originaire d'Anvers, qui mourra en déportation.
A la Libération, il reste encore soixante-six familles qui se réinstallent
dans la ville. La synagogue, détruite par les nazis, est reconstruite
en 1958 dans un style contemporain. Après la guerre, Roger
Kahn, futur grand rabbin de la Moselle, est élu en 1951 au poste
de Sarreguemines dont le président était depuis 1945 Lucien Klein.
Succèdent à celui-ci, Jules Lemmel, Adolphe Gougenheim, Claude
Samuel-Félix Wolff, Hervé Voss, Robert Gougenheim-Claude Bloch,
puis Claude Bloch seul.
Erwin Bloch, puis Sigismund
Friedmann furent ministresofficiants. Le premier quitta Sarreguemines pour
Forbach en 1951. Il faut également signaler à ce poste Bernard
Job qui fut par la suite 'hazan à Bruxelles, Israël Suissa,
nommé à Sarreguemines en 1975 et qui officia ensuite à
Colmar. Il fut pour un temps remplacé par Samuel Margulies.
Après Roger Kahn, le rabbin de Sarreguemines, nommé en 1967, est Ephraïm Rozen qui fait valoir ses droits à la retraite le 1er juin 1986. II est alors remplacé par le rabbin Claude Fhima. Celui-ci assura à deux reprises l'intérim du grand rabbinat de la Moselle, une première fois lors de la démission de Jacques Ouaknin, puis à nouveau dix ans plus tard, en 1998 à la suite de celle de son successeur, Marc Raphaël Guedj. Également atteinte par le déclin général, la communauté de Sarreguemines ne compte plus aujourd'hui qu'une centaine de personnes.
Aujourd'hui (2010) c'est le Rabbin Ariel Werthenschlag qui a pris les rênes de la communauté.
D'après Claude Bloch de Sarreguemines, Didier Hemmert, Gilbert Cahen et Renée Neher-Bernheim dans Documents inédits autour de l'entrée des Juifs dans la société française, 1977.
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