Mais tout ceci ne nous indique que peu de chose sur leur importance dans la communauté juive rhénane. Analysons le cadre dans lequel vivait la famille Schopflich. Rosheim est le siège d'une communauté relativement importante avec à sa tête la prestigieuse famille Netter (Anschel avait épousé la petite fille d' Isaac Netter fondateur de la nouvelle communauté juive de Rosheim). On peut supposer que les Netter, soucieux de prodiguer à leurs enfants une éducation religieuse soutenue, avaient fait venir nos deux rabbins pour diriger une yeshiva. Quelle était l'importance de cette yeshiva ?
En se versant dans la littérature rabbinique rhénane de l'époque, on s'aperçoit qu'Anschel est cité dans les Responsae de Joseph Steinhardt , président du tribunal rabbinique de l'Alsace(Basse et Haute), siégeant à Niedernai. Il s'agit d'un cas s'étant produit à Itterswiller relevant des problèmes d'ordres matrimoniaux. Joseph Steinhardt ,à la fin de sa responsa, a ajouté le procès verbal du tribunal rabbinique. Les signataires sont : Joseph Steinhardt, Leib Elsass (président du tribunal rabbinique de Mutzig) et Anschel Schopflich. Ce dernier était donc probablement membre du tribunal rabbinique de Niedernai, qui avait à cette époque une grande influence sur les juifs d'Alsace, voir même sur tout le judaisme rhénan. Le deuxième texte imprimé où apparaît notre personnage est un livre de discussions talmudiques nommé Meorei Or, dont l'auteur est Aaron Worms rabbin de Metz et plus tard membre du grand Sanhédrin. Ce dernier a étudié dans sa jeunesse en Alsace, il a alors eu l'occasion d'entendre Anschel Schopflich livrer ses explications.
Le dernier texte nous intéressant est un ensemble de notices biographiques sur différentes personnalités rabbiniques . Ce livre portant le nom de Toldoth Guedoley Israel, a été écrit par un rabbin italien, Guerondi, exerçant ses fonctions à Padoue. Il est frappant de constater qu'il consacre une courte notice à Schopflich. En effet , ce livre est écrit en 1853 alors qu'Anschel Schopflich est décédé 80 ans auparavant et vivait à quelque 500 kilomètres de Padoue. Selon Guerondi , Anschel a "diffusé son enseignement en Alsace, à Rosheim, et a laissé de nombreux manuscrits".
Il y a lieu de remarquer également que dans le contrat de mariage de sa fille Guttel , Anschel est paré du titre de Gaon (génie talmudique). Or, si on dénombre les personnes à qui ce titre est accordé dans les contrats de mariage, on s'aperçoit qu'il s'agit de personnalités de premier plan (Jonathan Eybeschuetz , Nathane1 Weil, Wolff Jacob Reichsoffer, David Sintzheim etc).On peut supposer qu'Anschel en fait partie.
Il ressort qu'Anschel Schopflich était un talmudiste , un maître et un juge rabbinique de réputation non seulement rhénane, mais même européenne.
Guerondi nous apprend que notre rabbin a laissé après lui de nombreux manuscrits. Où se trouvent ils ?
Je me suis rendu en août 2006 à la bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. En consultant le catalogue Wickersheimer ,j'ai trouvé un document de notre ancêtre : il s'agissait
à première vue de commentaire sur la Bible. Quand je l'ai consulté , j'ai constaté que le manuscrit avait été écrit par un certain Yehuda fils de Elie de Fort-Louis , étudiant à l'école talmudique de Furth. Ce dernier a repris l'enseignement de ces maîtres, parmi lesquels figure Anschel Schopflich. En réalité, ce qui provenait de notre personnage concernait les traités Kidoudhin et 'Houlin du Talmud babylonien. Contrairement à son contemporain le rabbin David Sintzheim, ces commentaires ne citent que des ouvrages classiques tels que ceux de Samuel Eidels ou le Pnei Yehoschua de Yehoschua Falk, rabbin de Cracovie, de Metz et de Francfort.
Ayant appris l'existence de manuscrits, j'ai consulté les archives de la Société pour l'Histoire des Israélites d'Alsace-Lorraine. Ces archives sont en dépôt aux archives départementales du Bas-Rhin. Elles contiennent toutes sortes de documents concernant les juifs alsaciens du 18eme et du 19eme siècle. Au bout d'un an, j'ai trouvé un cahier contenant des commentaires sur le Talmud. Les quarantespremières pages venaient d'Anschel Schopflich , elles avaient été écrites par un élève, David Hallbron de Strasbourg. L'écriture est très belle, d'un style ashkenaze et parfaitement lisible. A cette époque, j'étais en classe de terminale, le baccalauréat était l'impératif du moment. Je ne pouvais me permettre de prendre le temps de recopier.
Cependant, dès le début des vacances, je commençai à me mettre à la tache. J'ai aujourd'hui fini.
Le rabbin Jakobovits affirmait posséder des manuscrits sur les traités 'Houlin et Baba bathra , écrits par un autre élève ; un certain Rubensohn d'Allemagne. Ce dernier a également écrit son commentaire personnel portant le nom de Thevouoth Yekev, il y cite fréquemment son maître alsacien. Que sont devenus ces écrits ? Aujourd'hui, rien ne me permet de le savoir.
Le but de cette étude était de révéler une facette méconnue du judaisme alsacien : l'étude de la Torah , enseignée par des sages souvent très qualifiés en la matière. Si certes, l'article ci dessus ne traite que d'un rabbin , on aurait pu étudier d'autres éminents personnages tels que le rabbin Wolff Pousweiller ou le rabbin Hirsch Katzenellenbogen . La documentation ne manque pas.
Je pense qu'il est important de réorienter les recherches historiques vers cette facette.