Henri SIESEL
1862-1942
par Freddy Siesel


La synagogue de Diemeringen

Né en 1862 à Diemeringen (Bas-Rhin), c'est dans ce village situé entre Saverne et Sarreguemines que Henri Siesel a exercé ses talents de ministre officiant jusqu'au début de la deuxième guerre mondiale en 1940, époque où la vie juive était florissante dans ce gros bourg.

Henri Siesel a eu cinq enfants, de nombreux petits-enfants et arrière-petits-enfants, tous sont restés dans la voie de la Torah. La deuxième de ses filles, Dora, mariée à Benjamin Bloch de Mulhouse, a été déportée à Auschwitz avec sa famille, et aucun n'est revenu.

Henri Siesel a su profiter des enseignements des rabbins alsaciens, parmi lesquels le rabbin Deutsch et surtout le rabbin Max Gugenheim de Sarre-Union, avec lequel il étudiait régulièrement. Il possédait une grande bibliothèque  que lui enviaient ses collègues. Sa emouna (sa foi) et son grand savoir, augmenté de ses qualités de Hassid (homme pieux) lui ont valu le titre de "HAVER".

Il était également cho'heth (chargé de l'abattage rituel). Il n'hésitait pas à faire vingt kilomètres à pied pour faire la che'hita (l'abattage) du poulet d'un paysan des alentours.

Pendant de nombreuses années, il a exercé ses fonctions à titre bénévole, car il possédait un petit commerce de tissus.

En 1940 Henri Siesel suit sa famille repliée à Vichy, ville refuge de nombreux rabbins. Là, il s'occupe de la cacherouth dans cette ville où affluent les réfugiés de la zone nord. Il est à l'origine de l'ouverture d'une boucherie cachère, qui a existé durant presque toute la guerre, et environ trente ans par la suite.
En 1942, c'est à Vichy que décède Henri Siesel. Il demande à être enterré dans un cimetière juif à Lyon, et sera rapatrié après la guerre à Diemeringen, que son souvenir soit béni.

Oraison funèbre prononcée par M. Mathieu MULLER
aux obsèques de M. Henri SIESEL
à LYON le 3 Décembre 1941
Merci à l'Association Morasha de nous avoir communiqué ce document

Ici reposera provisoirement Henri Siesel né en 1861 à Diemeringen dans le Bas-Rhin, décédé en réfugié à Vichy en 1941.
Il suffit pour nous qui le connaissions de la brièveté de cette notice biographique. pour résumer et fixer toute la beauté et tout le tragique de son destin.

Issu d'une rude et robuste famille de campagnards, il devait, dans sa personne, représenter la plus belle synthèse des qualités de l'Alsacien et de l'Israélite.
Il fut bon, d'une bonté naturelle, sans prétention, qui jaillissait comme une source d'eau pure d'un cœur pur, et qui englobait dans un seul et même amour les membres de sa famille, ses nombreux amis et, sans distinction de nationalité et de religion, tous ceux qui l'approchaient.
Il fut courageux, et son courage maintes fois mis à l'épreuve, a su chaque fois, à l'admiration de ses amis, l'emporter sur les plus terribles épreuves du destin.
Sa simplicité n'avait d'égal que sa modestie, et son affabilité s'alliait harmonieusement à     une scrupuleuse honnêteté dans toutes ses entreprises.

Ses vertus familiales je ne puis les rappeler sans une profonde émotion, tant elles évoquent de chers et doux souvenirs d'un passé heureux.
Mari idéal d'une épouse qui fut une réelle echeth hayil et dont il avait su faire une reine de son foyer, il voulait être jusque dans les corvées du ménage, le constant collaborateur sa femme.
Pour ses enfants et ses petits-enfants, il ne se contentait point d'être le Papa, le protecteur des petits dans leurs menus et leurs grands soucis, le conseiller des grands pour prendre les décisions importantes. Sa mission de père et de grand-père, il la comprenait plus importante, plus vaste. Il voulait être, et il le fut jusqu'à son dernier souffle, le professeur, l'éducateur de tous les siens.
Et c'est ainsi qu'il a su, à notre époque, réaliser le tour de force d'être un véritable patriarche à la tête d'une famille d'une homogénéité exceptionnelle et d'une exceptionnelle piété.

Sa maison, cette vieille bâtisse du 17e siècle, était depuis longtemps devenue pour tous les siens un véritable lieu de pèlerinage, sorte de sanctuaire dans lequel les uns après les autres venaient périodiquement humer l'atmosphère pour y puiser les forces nécessaires dans la lutte pour la vie. Ce sanctuaire, a vrai dire, n'était pas seulement accessible aux siens. Il était ouvert à toua ceux qui voulaient y pénétrer. Car ce sanctuaire n'était qu'une partie, qu'un prolongement de cet autre sanctuaire, du temple qui lui aussi était tout imprégné de sa personnalité.
Imaginer la synagogue de Diemeringen sans notre Henri est une gageure à laquelle se refuse la spéculation de notre esprit. Personne au monde ne saurait avoir le souvenir d'avoir as­sisté à un office religieux dans le temple de Diemeringen hors la présence de Henri Siesel.

Il fut pieux, de cette piété exceptionnelle réservée aux meilleurs des enfants d'Israël. Et c'est cette piété et son immense foi en D.ieu qui lui ont donné la miraculeuse force de s'initier tout seul, sans maître, dans les secrets de nos saintes écritures, et c'est encore cette même piété qui lui a donné le courage de s'opposer de toutes ses forces aux tendances soi-disant émancipatrices - en réalité destructrices - de notre sainte religion.
Henri Siesel, le villageois, le campagnard, le primaire, peut et doit servir d'exemple à nous tous et surtout à beaucoup de nos universitaires…           
La destinée tragique réservée à notre Peuple a voulu que obligés de l'enterrer aujourd'hui loin du lieu de son activité presque séculaire, loin de la tombe de sa chère épouse.
S'il pouvait parler encore, c'est lui qui nous consolerait en nous rappelant l'histoire du patriarche Jacob qui, à cette époque de l'année fait l'objet de nos lectures sabbatiques, C'est lui qui nous dirait que Jacob lui aussi devait se faire enterrer loin de la tombe de sa chère Rachel.
Tout en lui était résignation sous la volonté de D.ieu,
Lui qui aimait la France de cet amour ardent du patriote alsacien, il s'était résigné à l'occupation allemande de 1871 à 1918,  comme il s'est résigné l'an dernier à quitter pour l'exil sa maison, son foyer, son pays, comme il s'est résigné encore, il y a peu de mois, à devenir en France un citoyen de deuxième classe.

Lui qui, toute sa rie durant, n'a jamais dit de mal de personne, qui ignorait ce qu'était le lochen rah, il a eu la grandeur d'âme de ne jamais protester contre les lois exceptionnelles dont nous sommes l'objet et d'accepter ces lois commue un châtiment et un avertissement de la divinité justement courroucée de constater que son peuple son peuple élu allait complètement oublier sa mission du Mont Sinaï.

Adieu donc Henri, adieu bon Français, adieu bon Juif, adieu cher Ami !
Peu importe, en fait où reposent les restes de ton corps.
Tous ceux qui t'ont connu et apprécié et surtout tes amis qui t'ont beaucoup aimé conserveront intacte ta mémoire, et te garderont le meilleur et le plus ineffaçable souvenir.

13 Kislev 5702


Judaisme alsacien Rabbins

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