C'est avec une immense tristesse que nous avons appris la disparition du Rav Mordehaï Seckbach (זצ''ל) Après avoir été pendant plusieurs années le Rav de Copenhague au Danemark, il avait pris en 1978 la succession du Rav Avraham David Horowitz (זצ''ל) à la tête de notre Beth Din et mené à bien cette mission durant vingt-deux ans. Il s'était attelé avec détermination à la tâche de maintenir le haut niveau de cacherouth qu'avait établi son prédécesseur et à offrir aux fidèles une gamme de produits cachers de qualité. D'un naturel affable et doté d'une grande ouverture d'esprit, il était proche de tous et toujours disponible pour répondre aux questions de chacun. Il incarnait les valeurs d'un Rav dans son souci de se préoccuper des besoins de tous les fidèles et jusqu'aux plus humbles d'entre eux. C'est en 2001 qu'il partit s'installer en Israël auprès de ses enfants tout en continuant à maintenir un lien avec nombre de membres de notre Communauté. Il s'est éteint lundi dernier à Kiryat Séfer à l'âge de 85 ans. Que son souvenir soit une bénédiction.
A la mort de Rabbin Shim’on ben Zebid, Rabbi Levi dit :
"Si les frères de Joseph ont
eu le coeur troublé en faisant une trouvaille – l’argent retrouvé dans les sacs – comme
il est écrit (Genèse 42:28) : "le coeur leur manqua et ils se regardèrent en
tremblant", à plus forte raison doit-il en être de même pour nous, qui avons perdu
Rabbi Shim’on bar Zebid" (Talmud de Jérusalem 2,8).
Qui, parmi tous ceux qui ont connu le Rav Mordehaï Seckbach (זצ''ל) durant les vingt-deux
années où il assuma les fonctions de Dayan (juge rabbinique) de notre Communauté, n’a pas eu "le
coeur troublé" en apprenant le décès de ce Rav tant aimé et tant apprécié, qu’un
tragique accident avait, il y a plusieurs années, sévèrement handicapé, l’empêchant de
poursuivre son activité dans la cacherouth, dont il était alors l’un des représentants les
plus reconnus d’Europe !
On retiendra ici, qu’après avoir été le Rav du Kahal d’Adath
Israël, il poursuivit la tâche de son prédécesseur, le Rav Avraham David Horowitz (זצ''ל), en
axant sa fonction de juge sur l’exigence en matière de contrôle et de surveillance, un axe qui
faisait déjà le renom du Beth Dîn de Strasbourg en France et en Europe, un modèle
continué, réorganisé et perfectionné depuis par, "yibadel le’hayim tovim" son
successeur, le Rav Michaël Szmerla, Dayan de Strasbourg et du Bas-Rhin aux côtés
du Grand Rabbin Harold Avraham Weill, avec l’équipe rabbinique.
Dayan de la Communauté, il ne s’efforçait pas seulement de résoudre toutes les
questions qui lui étaient posées sur le plan local, mais également celles qui lui
provenaient loin de nos murs. Ouvert aux nouvelles technologies de la production
alimentaire, il s’initia également à la chimie alimentaire, ainsi qu’à la chimie
thérapeutique, pour les étudier en fonction des exigences de la cacherouth, ce qui
était à l’époque, dans le monde de la Torah, encore au stade du défrichement.
Il
favorisera en collaboration avec la Commission de Cacherouth de la Communauté et
du Consistoire, l’extension du label du Beth Dîn sur de nouveaux produits, et ouvrira la
surveillance rabbinique à d’autres centres d’abattage, tels les Etablissements Muller en
collaboration avec le regretté Minou Bloch (ז''ל). De même élargira-t-il l’équipe de
surveillants en s’adjoignant le Rabbin Carl Michaël Lejdström qui m’a témoigné avec
quelle sollicitude il l’avait fait venir de Suède, et accueilli en mars 1990, ainsi que M.
William Navet (ז''ל) et M. Gaby Dzialoszynski.
Avec le Rav Schlesinger, dans le
cadre de commission de She'hita, il prit soin de préserver les accords entre la
Communauté consistoriale et la Communauté Ets Haïm, garantissant ainsi un service
unique, et reconnu par l’ensemble des communautés locales, modèle d’une cohésion
rare et exemplaire en Europe, que le Grand rabbin Abraham Deutsch (זצ''ל) avait
appelé de ses voeux, et que n’ont cessé de soutenir ses successeurs.
Il étendit
également la surveillance rabbinique aux produits lactés, jusqu’alors rarement
accessibles aux consommateurs et fut enfin soucieux de voir se développer sous
l’autorité du Beth Dîn, une production vinicole de haute qualité, qui connut de son
temps un remarquable essor.
Merveilleux pédagogue, présentant excellement son sujet, il s’attachait aux petits
comme aux grands, pouvant enseigner, comme me l’a témoigné le Grand rabbin
Claude Heymann, avec la même affabilité et la même humilité, les sujets difficiles
comme les questions les plus courantes. Pas de cours magistraux, mais l’étude du
texte, ce qu’il contient explicitement et ce qu’il révèle par allusion. Il ne prononçait
jamais une opinion confuse ou fictive, et on peut dire de lui qu’il n’a jamais eu une
pensée qui ne fut droite, distinguant entre ce qui pouvait être affirmé et ce qui ne
pourrait pas trouver de solution.
Par son grand savoir-faire dans la douloureuse
gestion des divorces, nourri d’une solide formation en psychologie acquise en Suisse, il
se révèlera en particulier en matière de "paix des ménages" un précieux conseiller pour
nombre de familles. La bonté et le soutien qu’avec la Rabbanite "Chétibatel le
hayim tovim", il consacrait aux jeunes couples, sont restés, me confirma le Grand
rabbin Alain Weil, légendaires.
Il aimait les Maîtres de la Torah, et en particulier, "Reb Moché", le Rav Hagaon Moché
Solovetchik de Zurich qu’il consultait régulièrement et respectait ses collègues.
Priant généralement à l’oratoire de la rue Silbermann, à la Yechivat Eshel, ou au Beth
Hillel, il chérissait tous les juifs de Strasbourg sans exception. Animé par une
conscience aigüe de ses responsabilités qui le suivait en tout lieu et en tout temps, il
veillait au moindre détail de son jugement, de peur d’énoncer une parole non
conforme. Mais plus que tout, comme me l’a encore témoigné son fils, il chérissait la
vérité "Amita shel Torah !". Là où il devait y avoir une vision jurisprudentielle sur tel ou tel
problème, il distinguait entre ce qui pouvait être affirmé et ce qui ne pouvait trouver
de solution. Il fut, de fait, dévoué corps et âme à la Torah et à la Communauté qui
resta dans son coeur, même après son installation en Israël, auprès de son épouse et de ses enfants et
petits-enfants.
Frappé, il y a quelques mois, par une longue
maladie, son âme a été ravie pour rejoindre l’Académie céleste. Nul doute qu’après
avoir grandi dans la Communauté de Lyon, étudié à la Yechiva d’Aix-les-Bains, puis
auprès des plus grands de la Torah à la Yechiva Poniovitz, le Rav Mordehaï Seckbach (זצ''ל) continuera à enseigner là-haut la Torah, comme il est dit "Achré mi-ché ba
ve-talmoudo beyado" et être un "Melitz yocher" pour l’ensemble de sa famille, pour
tout le peuple d'sraël et pour la Communauté de Strasbourg tout entière.
Zecher tsadik liverakha !