Biographie de
Max Warschawski
Grand Rabbin
de Strasbourg
et du Bas-Rhin
 

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Accession au poste de grand rabbin

Lors de son intronisation au poste grand rabbin en 1970 il devait affirmer :

"Si le rabbin réussit à vivre avec sa communauté, s'il parvient à créer des groupes d'études, à participer aux activités sociales, c'est avant tout au rôle discret et efficace de son épouse qu'il le doit. Et une communauté en choisissant son rabbin, devrait en premier lieu tenir compte de la personnalité de sa femme."

"Si j'ai pu au cours de ces deux décennies comprendre davantage les problèmes que soulève de nos jours toute doctrine, toute ligne de vie, c'est parce que j'ai été avant tout un enseignant. Mes élèves m'ont obligé de penser et de repenser sans cesse, de confronter la Halakha théorique et l'attitude quotidienne si loin de la tradition de la masse communautaire. J'ai pu connaître grâce à mon travail éducatif, l'angoisse qui se cache derrière une façade de violence et la générosité qui souffre face aux compromis. Il m'a fallu clarifier, expliquer, convaincre et écouter. Alors que du haut de la chaire, nous énonçons des vérités que nul ne peut contester, l'enseignement permet un dialogue, dont le maître profite davantage parfois que ses élèves. "


M.W. en compagnie du Dayan, le Rav Avraham David Horowitz © Thiennot Klein

Je n'ai fait la connaissance du grand rabbin Warschawski que vers 1975. Mais en préparant cet exposé, et après avoir interrogé de nombreux strasbourgeois, je peux affirmer qu'il avait une fibre pédagogique extraordinaire. Lors de ses voyages en Israël avec ses groupes d'adultes ou de jeunes, il savait partager son savoir avec passion. Il avait un art de transmettre et de plonger son auditoire dans le bain de l'époque, de décrire Jérusalem comme s'il y avait vécut aux temps les plus reculés. Il vivait littéralement ses descriptions, et le moindre détail historique y trouvait sa place. Il savait surtout se mettre au niveau de ses interlocuteurs, sans paternalisme et sans condescendance.
M.W. dans sa bibliothèque du Quai Kléber (vers 1980) - © C.Truong-Ngoc

On peut dire qu'il était tout autant le rabbin des juifs observants que de ceux qui étaient éloignés de la pratique religieuse, des ashkenazes comme des sepharades. A ce propos, lors l'arrivée des rapatriés d'Algérie, il a su mobiliser toute la communauté et toutes ses institutions pour leur intégration, il s'est donné comme mission d'approfondir sa connaissance des rites et coutumes des communautés d'Afrique du Nord, pour pouvoir être réellement le rabbin de tous les membres de sa communauté. Pendant les Yamim Noraim (fêtes d'automne), il estimait tout à fait normal de célébrer une partie des prières à la synagogue sepharade, tout comme d'ailleurs à la synagogue polonaise.

Inauguration d'un Sefer Torah Salle Léo Kohn
 (office sepharade) - © M. Rothé

Il manifestait son respect à tout le monde, et ne créait aucune distance à l'égard de quiconque. Le quai Kléber était une maison à porte ouverte, et les cours qui y étaient dispensés s'y déroulaient dans une ambiance des plus chaleureuses, toujours agrémentés des gâteaux de Mireille, son épouse ou plutôt "la rabbine".
Le cours du jeudi soir à Strasbourg. De g. à dr. dernier rang : Henri Hochner, J.J. Franck, Gérard Weindling, M.W., Henri Franck, Gérard Teller, Alain Kahn, Claude Mulhstein.
2ème rang : M. Lehr, J.-Loup Hallel, Raymond Franck.
Au 1er rang : J.-Didier Frank, Michel Schleider, M. Rothé.
Cliquez sur la photo pour l'agrandir.

Enfin, chacun d'entre nous garde en mémoire le dernier office de  Kippour 1987, à la synagogue de la Paix où comme chaque année Max faisait la prière de Neila. Cette année-là, sachant qu'il s'agissait de son dernier Neila à Strasbourg, la communauté tout entière est restée debout durant toute la prière.

Dans la préface à Zer Zahav, un livre-hommage de la communauté à son rabbin, ses élèves les plus proches l'ont décrit ainsi :
« maître incomparable qui enseigne si magnifiquement par la parole et par l'exemple, Talmid 'hakham et savant, sollicité par tous les domaines du savoir, homme d'écoute, profondément généreux et compréhensif à l'égard des autres, rabbin enfin, aussi rigoureusement orthodoxe que délibérément ouvert."

M.W.,  dernier office  célébré à Strasbourg
© M. Rothé

Cette ouverture d'esprit, il la manifestera aussi lorsqu'il vivra Israël à partir de 1987, par sa participation active à l'Association des Rabbins pour les Droits de l'Homme.


M.W. à Jérusalem, avec le manuscrit du livre écrit avec Michel Rothé.

Je concluerai par ses propos, extraits d'un article qu'il avait rédigé pour notre site Internet:

"En 1948, jeune rabbin sorti du Séminaire, j'arrivai en Alsace pour occuper le siège rabbinique de Bischheim et pour diriger l'enseignement religieux à Strasbourg.
C'était pour moi, le début d'un mariage d'amour de quarante ans avec le judaïsme alsacien."

Max était l'un des piliers de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine. Il était une référence pour tout ce qui concerne l'histoire et les traditions juives rhénanes. Tous ceux qui ont connu sa bibliothèque savent à quel point elle était riche, notamment en documents originaux sur le judaïsme de notre région.

Lorsqu'il s'est installé en Israël, son intérêt pour l'histoire des Juifs d'Alsace ne s'est pas démenti. C'est en Israël, que nous avons écrit en commun un ouvrage, Les synagogues d'Alsace et leur histoire. Et lorsque j'ai entrepris de publier sur internet le Site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine, il a mis à ma disposition la documentation très importante qu'il avait réunie à ce sujet, il m'a guidé par les connaissances qu'il avait acquises au cours de ses nombreuses recherches historiques, cultuelles et généalogiques, et il a donc été l'élément moteur de ce projet.

Max Warschawski s'est éteint le 14 septembre 2006, une semaine avant Rosh Hashana (le nouvel an), entouré de l'affection des siens. A la suite de son décès, de très nombreux témoignages nous sont parvenus. Parmi eux, voici celui de leurs anciens voisins du Quai Kléber, qui résume en quelques lignes ce qu'a été sa personnalité   :

"Nous sommes arrivés à Strasbourg en 1963, venant de Paris. Le hasard a fait que nous nous sommes installés dans l'appartement qui était juste en dessous de celui de Mireille et Max Warschawski, et de leurs enfants. Nous étions de ces juifs parisiens, élevés dans la laïcité, issus de parents qui voyaient dans la religion une forme d'obscurantisme, d'opposition au progrès d'où devait sortir le bonheur de toute l'humanité.

"Cela ne nous a pas empêchés de créer et d'entretenir des relations de voisinage de plus en plus amicales, chaleureuses, aussi bien avec le grand rabbin, son épouse, que leurs enfants avec les nôtres, et aussi avec l'un de leurs parents qui est devenu l'un de nos meilleurs amis, encore aujourd'hui.

"Avec patience, une grand compréhension, beaucoup de délicatesse, Max nous a donné nos rudiments de culture juive. Shabath, Pessa'h, la souka, Rosh haShana, nous ignorions pratiquement tout.

"Un jour, Max a insisté pour que nous venions cette année-là assister à Kol Nidreh, à la synagogue des Contades. Nous y sommes donc venus ; le sermon qu'il a prononcé nous était sans doute en bonne partie destiné : il y a parlé de l'unité du peuple juif, religieux et non-religieux, croyants et non-croyants, que tous en faisaient partie et devaient s'accepter, se respecter les uns les autres. Cette idée s'est ancrée en nous; elle a contribué à nous changer, à nous sentir solidaires et juifs à part entière.

"Certes, nous nous savions juifs : les années noires nous l'avaient bien fait comprendre et sentir dans la disparition de nos êtres chers, mais c'était quelque peu confus et relativement peu important nous semblait-il alors. Cette idée a grandi en nous. Nous sommes profondément convaincus, aujourd'hui, que cette appartenance est essentielle. En grande partie, c'est à Max Warschawski, à Mireille aussi, que nous le devons. Notre affection demeurera totale.

"Nous ne dirons rien ici de sa grande culture, de sa bonté rayonnante, de sa brillante intelligence, de sa porte toujours ouverte, Nous sommes heureux de l'avoir connu, d'avoir eu l'honneur et le plaisir de l'avoir reçu chez nous, de lui avoir rendu visite, ainsi qu'aux siens, plus tard, à Jérusalem. Sans lui, sans Mireille, nous serions "autres"...

(Claire et Samy Kossovsky, à Versoix, Suisse,
21 février 2007)

M.W. enseigne à son petit-fils Yona
la façon d'enrouler les tephilîn (2003)

M.W. tient en main une photographie où figurent
trois générations de sa descendance


Réunion de toute la famille à Jérusalem (2003)
Cliquez sur la photo pour l'agrandir - © M. Rothé

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