Biographie de Max Warschawski Grand Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin |
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Mariage et début de la carrière rabbinique |
A la fin de l'année scolaire 1944, Max quitte le Limousin
pour se rendre à Paris afin
de commencer ses études rabbiniques au Séminaire de la rue Vauquelin.
Il retrouve sa place au mouvement Yeshouroun et prend part alors à un camp très célèbre dans la région de Lyon, dans une des maisons de l'OSE, le camp de la Mulatière. C'est là, en faisant la plonge, qu'il fait la connaissance d'une jeune éducatrice de l'OSE, Mireille Metzger. |
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A Paris, il commence ses études rabbiniques au Séminaire de la rue Vauquelin. Son année au PSIL, lui est comptée comme année d'étude, et il ne restera donc au séminaire rabbinique que deux ans et demi, entre 1945 et 46. |
Ses résultats lui font obtenir une bourse, qui lui permet de
passer près d'une année au Jews College de Londres. C'est
là qu'il étudie auprès de ses maîtres les rabbins
Epstein et surtout le Rav Kopel Kahana et obtient une smi'ha
de rabanouth (diplôme rabbinique) qui lui confère
aussi bien le droit d'enseigner (yore yore) que l'autorité
d'un "décisionnaire" (yadîn yadîn),
ce qui est exceptionnel pour un rabbin français.
Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse nécessaire à la compréhension des multiples facettes du grand rabbin. Lors d'un entretien avec l'un de ses fils il devait lui avouer que son plus grand regret était de ne pas avoir pu étudier au séminaire Hildesheimer de Berlin auprès des grands maîtres du judaïsme ashkénaze. Rappelons que ce séminaire formait les rabbins européens de la seconde partie du 19ème siècle, dans l'esprit du Rav Samson Raphaël Hirsch. Ses modèles de rabbins ont été le G.R Max Gugenheim et Joseph Bloch, sortis du séminaire de Berlin et sa référence "hilkhatique" a été le célèbre rav Weinberg dernier directeur du séminaire de Berlin. Sa devise était celle de ces rabbins : "Tora im derekh eretz"; le judaïsme dans son application la plus stricte tout en restant ouvert au monde moderne. En fait pour Max Warschawski, le rabbin idéal était une synthèse entre l'érudit au sens propre, représenté par ses maîtres le Rav Kahana, pur produit des yeshivoth lituaniennes, et le Rav Weinberg, et d'autre part la fonction du "pasteur", de l'animateur, telle que l'incarnaient les anciens rabbins alsaciens. Selon ses propres termes : |
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Pendant ses études rabbiniques, Mireille et Max décident
de se marier, mais pas avant qu'il n'ait terminé ses études
et trouvé une situation. Lorsque Max revient de Londres, il épouse
Mireille en septembre 1948, à la synagogue de la rue Cadet, à
Paris, qui est celle de ses beaux-parents.
Le jeune couple se rend à Strasbourg où le poste de rabbin adjoint au grand rabbin Deutsch lui est promis. Mais un vice-président de la communauté le convoque et lui demande s'il est prêt à accepter qu'on joue de l'orgue à la synagogue le Shabath. Il répond : "dans les mêmes conditions que celles du rabbin Deutsch, c'est-à-dire pour les cérémonies patriotiques et les mariages, pas pour les offices". On le remercie alors de sa franchise en lui signifiant que le poste n'est pas pour lui. En 1948, lors de la création de l'Etat d'Israël, Max et Mireille souhaitaient s'y installer. Mais le grand rabbin Liber, directeur du séminaire leur avait fait comprendre qu'un chef spirituel n'avait pas le droit d'abandonner le judaïsme français au sortir de la guerre. C'est ainsi que M.W. se lancera dans une carrière rabbinique d'une quarantaine d'années en Alsace, et il ne le regrettera jamais. |
Le grand rabbin Deutsch
lui propose alors le poste qu'il avait occupé lui-même
avant de devenir grand rabbin, celui de Bischheim
ainsi que la responsabilité de l'enseignement dans les écoles
secondaires, Concordat oblige. Par la suite Max deviendra directeur
de l'enseignement religieux, le directeur du Talmud Tora étant
alors André
Neher, qui sera bientôt nommé rabbin lui aussi.
Max Warschawski assume ainsi à la fois les fonctions de rabbin de communauté et d'enseignant. En tant que rabbin, il doit rendre visite aux malades, enterrer les morts, faire des mariages, être présent aux offices et de plus, à cette époque, c'est le rabbin qui procède à la lecture de la Torah ! |
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Au 1er rang de dr. à g. les bedeaux Hirsch, Julien Bollack et Gerson Lévy. Au 2ème rang de dr. à g. : M. Warschawski, Abraham Deutsch (portant la Torah), Me René Weil et André Neher. On voit le Rabbin Hazan derrière le G.R. Deutsch - © Thiennot Klein |
Bischheim
était la communauté mère de Strasbourg.
Avant la Révolution française, Strasbourg était encore
interdite aux Juifs, et ceux-ci habitaient donc le village de Bischheim,
à proximité. Seul Cerf
Beer avait, exceptionnellement, eu l'autorisation de résider
à Strasbourg. Au cours du 19ème siècle et au début
du 20ème, la communauté de Bischheim déclinera, et
au moment où Max Warschawski en devient le rabbin, elle compte
encore une cinquantaine de familles.
En plus des cours dans les lycées, Max et Mireille enseignent au Talmud Torah. Ils habitent une maison vétuste très pittoresque – qui d'ailleurs avait servi avant la révolution de bureau à Cerf Berr, et qu'il avait conservée après être allé habiter Strasbourg. Mais cette baraque sans confort, sans salle de bains, avec ses toilettes dans la cour, n'est certainement pas adaptée à la vie d'un jeune couple, dont les enfants viendront vite au monde. |
Armand Asch dans sa souka |
En fait, il s'agit d'un ménage à trois !
Quotidiennement, sans exception aucune, se joint à Max et à
Mireille, une troisième personne qui revient du marché aux
puces où il vend de vieux vêtements et de la brocante. Sans
prendre le temps de faire sa toilette, il s'installe chez eux jusqu'à
huit heures du soir, mais il refuse énergiquement de dîner
chez eux, en objectant qu'il n'était pas un mendiant,
" ich bin kein Schnorrer". Si Max est devenu le rabbin de communauté qu'on connaît, c'est avant tout à ce personnage haut en couleur qu'il le doit. Je veux parler de Armele Asch. Il incarnait 200 ans d'histoire et de traditions, connaissait dans ses moindres détails l'histoire de Bischheim, où sa famille résidait déjà avant la Révolution française. C'est lui qui a guidé Max dans ses premiers pas de rabbin de communauté. C'est lui qui lui ordonnait d'aller voir tel ou tel malade. Le rabbin ne pouvait pas oublier qui que ce soit ou quoi que ce soit, car il avait toujours Armele Asch pour le lui rappeler. Bref grâce à lui, Max Warschawski a pu devenir le plus alsacien des juifs de Bischheim. C'est aussi Armele Asch qui a initié son jeune rabbin à la connaissance des mélodies, des rites et des minhagim (usages religieux) de Bischheim, dont il était le farouche gardien. Et c'est ainsi que la communauté de Bischheim a pu se reconstituer autour de son rabbin. |
La maison était ouverte à tous. Malgré le manque du confort le plus élémentaire, cet appartement se transformait le dimanche et le jeudi en salle d'études, et nombreux sont les pères de familles qui aujourd'hui se rappellent encore les cours qui y étaient dispensés à l'heure où leur fils Michel prenait son bain dans une bassine posée sur l'évier de la cuisine. Mais les conditions de logement devenaient de plus en plus invivables. Chaque année, le 1er novembre, il y avait une cérémonie aux morts pour la patrie, à laquelle participait le sous-préfet. Au cours d'une de ces commémorations, Max prit son courage à deux mains et demanda au sous-préfet de bien vouloir le suivre afin qu'il puisse lui montrer quelque chose. Il l'amena chez lui et lui dit : "nous avons quatre enfants, pensez vous que ce soit un appartement où l'on peut élever dignement quatre enfants ?" |
La maison de la famille Warschawski à Bischheim.
Ci-dessous : les 4 aînés qui sont nés dans cette maison (Michel, Judith, Daniel, Evelyne) |
Il lui répondit "c'est inimaginable
! comment faites vous pour vivre dans ces conditions ?". Max lui répondit : "c'est à cause de vous ! Depuis longtemps déjà, la vieille synagogue qui avait été détruite par un bombardement, aurait du être reconstruite. On a fait une demande de reconstruction, mais rien n'avance et on n'a toujours pas obtenu les autorisations nécessaires". Le sous-préfet promit de s'en occuper. En effet, depuis la guerre, les offices avaient lieu le Shabath dans une petite pièce chez Monsieur et Madame Léopold Weill, et pour les fêtes, ils se déroulaient dans la salle du Foyer protestant. |
Quelques mois plus tard le permis de construire fut effectivement délivré, y compris un appartement de fonction pour le rabbin, et un pour le 'hazan. Mais ce sera son successeur, Charles Friedemann qui en profitera, car entre-temps, Max a été appelé à Strasbourg, comme rabbin municipal, aux côtés du grand rabbin Deutsch. |
Rabbin à Strasbourg | |
Comme l'écrira, des années plus tard, le grand rabbin
Deutsch, la venue de son jeune confrère à Strasbourg avait démenti
le vieux proverbe selon lequel, "nul n'est prophète dans
son pays" : très rapidement Max Warschawski sait conquérir
ses fidèles à la fois par son talent oratoire, sa science,
sa mémoire prodigieuse, mais aussi par son ouverture et sa relation
positive à autrui. Le grand rabbin Deutsch dirige sa communauté d'une main ferme, que ce soit celle de la rue Kagueneck, ou la grande communauté dite traditionnelle. Les notables communautaires, comme l'écrivait le Docteur Joseph Weill qui était l'un d'entre eux, dans ses Mémoires, aspiraient à des relations moins passionnées et une compréhension mutuelle meilleure entre la commission administrative et son grand rabbin. Pour cela on comptait sur le rabbin Warschawski : |
de droite à gauche : M. Warschawski, Jacob Kaplan, Abraham Deutsch - © Thiennot Klein |
Le Docteur Joseph Weill |
"son accueil semble plus ouvert, ses méthodes plus souples, mieux adaptées au niveau affectif des familles. Sans être d'un avis différent dans le domaine halakhique (de la jurisprudence religieuse), il paraît plus soucieux de l'humain dans ses efforts de propagation de la foi. Il semblerait les poursuivre sans le soutien de son supérieur, souvent contre lui, mais n'allant jamais au-delà du veto catégorique de celui-ci. Il demeurait convaincu que ses réalisations personnelles seraient propres à stimuler, à entraîner, à encourager, à faire vibrer jeunes et vieux, familles et clans." |
Le grand rabbin Deutsch et le Rabbin Warschawski lors de l'inauguration de la Synagogue de la Paix (1958) © Thiennot Klein |
Certes, Max Warschawski éprouvait une admiration sans borne pour son prédécesseur, auquel il devait sa vocation rabbinique : rappelons que c'est le rabbin Deutsch qui avait été son maître au séminaire de Limoges, qui lui avait offert le poste de Bischheim, et qui l'avait rappelé auprès de lui. Le rabbin Deutsch, avec son dynamisme, ses qualités d'enseignant, de pédagogue était le maître qui lui convenait. Mais c'était un rabbin orthodoxe et strict alors que Strasbourg était une communauté diversifiée, et que ses notables cherchaient un rabbin plus souple, plus chaleureux, plus orienté vers la vie communautaire. |
Le 1er janvier 1955, Max Warschawski devient rabbin de Strasbourg,
accueilli avec joie par toute la communauté, qui finalement a
choisi le rabbin plutôt que l'orgue que certains des administrateurs
auraient préféré. C'est ainsi que débute la période strasbourgeoise, le fameux quai Kléber, le téléphone 324337. |
© M. Rothé |
Dans son discours d'intronisation, Max Warschawski déclare:
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On peut dire aujourd'hui que durant toute sa carrière rabbinique,
Max Warschawski a suivi à la lettre les lignes de son discours d'intronisation
à Strasbourg.
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Mariage célébré à Dornach
en compagnie du ministre officiant Joseph Borin |
La famille au complet à l'occasion
de la circoncision du dernier fils, |
Vers 1960, on lui propose le poste de grand rabbin d'Algérie,
qu'il refuse. En 1964, il obtient quelques mois sabbatiques qu'il
passe à Jérusalem avec sa famille. Il revient à Strasbourg
pour les fêtes du nouvel an, et décide de repartir chaque année
pendant un mois avec des élèves de seconde, première
et terminale pour leur faire connaître le pays, ayant même obtenu,
ce qui est tout à fait inhabituel, le permis officiel de guide, pour
ses groupes uniquement. Quelques années plus tard, ce sont des groupes
d'adultes qu'il organisera, chaque année, entre Pourim
et Pessa'h. |
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Voyage en Israël avec M. W. Cliquez sur la photo pour l'agrandir |
M. W. accueille Golda Méïr, alors premier ministre d'Israël, à la Synagogue de la Paix en 1973. Au second plan, Jean Kahn (avec les lunettes) et Asher ben Nathan ambassadeur d'Israël. © Thiennot Klein |
6 décembre 1977 : M. W. fait signer le Livre d'or de la Synagogue à Itzhak Rabin, qui est à son tour premier ministre d'Israël. Au millieu, de dr. à g. : Jean Kahn, Dr Sally Wiener, Léon Heller, Raymond Franck - © Thiennot Klein |
L'enseignement dans les lycées marque le début de ses rencontres avec ses collègues chrétiens. Il s'ensuit une longue amitié avec Monseigneur Elchinger l'évêque de Strasbourg, et lorsqu'il est nommé grand rabbin, ses relations avec l'ensemble des autorités civiles et religieuses se multiplient. |
L'excellence de ses relations avec le grand rabbin de France Jacob Kaplan, a permis à Max W. de devenir une autorité reconnue au niveau du judaïsme français bien que les consistoires d'Alsace et de Lorraine ne dépendent pas du Consistoire central. |
C'est aussi à cette époque qu'il développe les contacts avec le rabbinat européen orthodoxe, dont il est l'organisateur et le dirigeant avec le grand rabbin Emmanuel Jakubowitz de Grande Bretagne. |
Quand se pose le problème de la succession du grand rabbin Kaplan,
le poste de grand rabbin de France échappe à Max Warschawski…
au grand soulagement de la communauté de Strasbourg qui garde ainsi
son chef de file.
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M.W. à la Synagogue du Merkaz |
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Parmi ses nombreuses innovations, signe d'un judaïsme ouvert sur son temps, mentionnons la célébration/formation des Benoth Mitzwa (jeunes filles atteignant leur majorité religieuse), les réunions mensuelles des rabbins du Bas-Rhin pour débattre des problèmes d'actualité et de leurs incidences sur la communauté et la vie juive.
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