On désigne sous le nom de Terreur, la période de la Révolution française qui va de septembre 1793 à juillet 1794 et qui s'instaure dans des conditions tragiques. La plupart des pays d'Europe menaçait les frontières. La disette, l'effondrement des assignats et l'accaparement des denrées par les spéculateurs venaient s'ajouter à la guerre étrangère et à la guerre civile. La Terreur mise à l'ordre du jour le 5 septembre 1793 devait se manifester aussi bien par le règne de la guillotine que par de sévères mesures, notamment économiques avec la taxation des denrées de première nécessité et le blocage des salaires. Dès le 21 mars 1793 avaient été constitués des comités de surveillance appelés plus tard comités révolutionnaires, chargés de délivrer des certificats de civisme, de dresser la liste des suspects et de procéder à leur arrestation. La loi du 17 septembre 1793 définissait comme suspects non seulement les nobles, les parents d'émigrés, les fonctionnaires destitués, mais aussi tous ceux qui par écrits, paroles ou actions se montraient partisans du fédéralisme et du royalisme. La loi du 10 juin 1794 permettait de condamner à mort tous ceux qui auraient empêché les approvisionnements, corrompu les patriotes, inspiré le découragement, répandu des fausses nouvelles.
La Terreur fut progressive. Le nombre des victimes ne cessa d'augmenter au cours de 1794. Au total 17 000 personnes furent guillotinées à la suite de procès et 25 000 environ dont la situation (rebelles, émigrés rentrés clandestinement en France) entraînait la mort sur simple constat d'identité. Dans les provinces, la Terreur ne fut pas uniforme : elle sévit surtout dans le Sud-Est (fédéralisme puissant) et dans l'Ouest à cause de la Vendée. Dans trente et un départements il n'y eut aucune peine capitale.
Qu'en était-il de la Terreur en Alsace et plus particulièrement à Haguenau ? Depuis le printemps 1793 l'Alsace était menacée par les troupes ennemies massées à l'Est du Rhin et au Nord du pays après l'évacuation de la Rhénanie. Le 28 juillet 1793, l'armée du Rhin se repliait sur Wissembourg. L'opinion voyait dans ce repli l'effet d'une trahison des généraux (Custine est exécuté le 27 août). La levée en masse par décret du 23 août ne réglait pas tous les problèmes. Les nombreux représentants en mission devaient régler des difficultés d'encadrement, de discipline (ainsi à Saverne 70 garçons de 18 à 25 ans sur 176 répondent à l'appel), d'approvisionnement en armes et en nourriture. En octobre 1793, l'armée autrichienne dirigée par le général Wurmser déclencha au nord du pays une offensive : le 13, elle parvint à Wissembourg, le 16, à Haguenau où la population lui fit un grand accueil (1). La ville venait de connaître plusieurs bouleversements. Le magistrat de Haguenau était, à la veille de la Révolution, contesté par des représentants de la bourgeoisie urbaine, accusé qu'il était de dépenses inconsidérées. Parmi les revendications des cahiers de doléances figurait la publication des comptes de gestion des finances de la ville. Le 29 juillet 1789, les membres du magistrat, traînés de force à l'hôtel de ville, étaient contraints à de nombreuses concessions : contrôle des citoyens sur la répartition des impôts, suppression des droits d'entrée sur les denrées alimentaires (2). Les élections du 19 mars 1791 avaient porté à la tête de la commune Frédéric Moevus, capitaine de cavalerie en retraite, et une équipe de dix-huit conseillers modérés, respectueux de la Constitution. La ville comptait alors 8 080 habitants dont 7 800 catholiques et 280 juifs (3).
Euloge Schneider de la prison du Temple s'adresse à Robespierre le 18 Pluviose AN II (AMH RP 16 Cultes - Photo Jean Daltroff) |
Un grand nombre de Haguenoviens qui craignaient les représailles partirent pour l'Allemagne. Ces personnes tentaient d'échapper à la répression promise par Pichegru au moment où les révolutionnaires arrivaient à Haguenau, le 24 décembre, et que s'installaient à nouveau les Jacobins. Quatre cent soixante familles haguenoviennes auraient pris la fuite (5). Ceux qui se firent prendre furent exécutés par Euloge Schneider à Strasbourg, comme l'abbé Beck, aumônier à l'hospice, le père Daniel, religieux cordelier porté à l'échafaud le 28 décembre 1793, ou bien Charles Bindner qui, ayant pris la cocarde blanche à l'arrivée des alliés, fut guillotiné à Strasbourg le 12 mars 1794 (6). Le culte de la "Raison" fut proclamé. Les croix furent détruites, l'église Saint-Georges fut transformée en "Temple de la Raison". Une guerre acharnée fut faite aux suspects. Une prison fut organisée aux Cordeliers et au cloître des Augustins. L'émigration s'intensifia. Chasse était donnée aux émigrés rentrés en cachette. Les dénonciations étaient à l'ordre du jour. Mais Robespierre tomba à son tour le 27 juillet 1794. Les lois répressives furent abolies par étapes : le maximum fut supprimé le 24 décembre 1794, la liberté du culte rétablie le 3 nivôse an III (21 février 1795), le tribunal révolutionnaire aboli le 31 mai 1795. A Haguenau, une nouvelle administration municipale prit le pouvoir en août 1794 avec à sa tête le maire Sigrist, neuf officiers municipaux, parmi lesquels un Mayer et un Lévy (7). En janvier 1795, un premier pardon fut proclamé, en vertu duquel les émigrés laboureurs et artisans eurent la permission de rentrer. Ce décret permit à certains habitants de revenir à Haguenau.
Mais quelle était la situation des Juifs de Haguenau à la veille de cette période, quel sera leur sort pendant et après la Terreur ?
Dès 1780, le bailli de Haguenau, consulté
L'Etat général des Juifs de la ville de Haguenau laissait apparaître un total de 282 personnes dont 54 hommes, 52 femmes, 66 fils, 56 filles, 7 précepteurs, 8 valets, 31 servantes. Ces personnes possédaient 31 maisons. Le bailli proposait entre autres d'interdire l'entrée et le séjour en cette province aux Juifs étrangers, aux errants et aux vagabonds
Des observations du Grand Bailli, très dures comme on le constate à l'égard des Juifs, que faut-il retenir ? Deux principaux griefs sont vivaces. La peur du déferlement d'abord, le grief économique ensuite. Les sources manuscrites que nous avons exploitées nous permettent d'affirmer que ces griefs reposent en partie sur des préjugés. L'entrée des Juifs à Haguenau a sans doute bénéficié de passe-droits à différents échelons de l'administration. Certaines familles venaient des villages environnants et de pays plus lointains. Le rabbin Samuel Halberstadt (1746-1753) qui fut admis à Haguenau en 1745 ne venait-il pas de Prague ? Lazare Moyse (1755-1771) ne descendait-il pas de la célèbre famille des Katzenellenbogen (9) ? Cependant ne perdons pas de vue qu'en 1784, les Juifs d'Alsace vivent dispersés entre 160 des mille villages alsaciens. Le dénombrement de 1784 atteste la présence à Haguenau de 64 familles, soit 325 personnes correspondant à environ 4% de la population totale de la ville (8 322 habitants en 1789). Haguenau est après Bischheim (473 Juifs) et juste devant Mutzig (304 juifs) la communauté juive la plus nombreuse d'Alsace.
Les Juifs jouissaient de la liberté de culte. Le rabbin de la communauté n'était autre que Jacob Gougenheim, en poste à Haguenau depuis 1771. Cette communauté disposait aussi d'un maître d'école et d'un ministre-officiant. Les Juifs étaient dispensés du logement des soldats de la garnison, mais ils ne pouvaient pas être reçus bourgeois de plein droit. Il payaient à la commune un droit d'admission de 300 livres tournois en moyenne par famille et étaient assujettis à un double droit de protection : l'un allait au roi (40 livres par an dues au Grand Bailli), l'autre aux autorités de la ville (Judengeld).
Le chef de la communauté, Abraham Aron Moch, faisait partie de cette minorité dynamique de Juifs à la fois riche et influente. N'avait-il pas épousé en 1787 Sara Meyer Berr de la famille du fameux Cerf Berr, l'infatigable défenseur des Juifs d'Alsace ? Il était un important bailleur de fonds comme le souligne par exemple le montant (10 800 livres) d'un prêt consenti à Bernardin Saglio de Haguenau (10). Il est, avec Isaac Netter, un négociant - associé avec Pierre-Frédéric Schweisguth dans une entreprise de défrichement de forêts sur le ban d'Offwiller (11) -, l'un des trente-sept représentants de la Nation juive d'Alsace réunis à Strasbourg le 25 mai 1789 pour procéder à l'élaboration du Cahier de Doléances et pour élire deux députés chargés de le porter à Paris (12). Cependant cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu'à la veille de la Révolution, les Juifs de Haguenau vivaient pour la plupart modestement du colportage, du prêt d'argent, de la friperie, du commerce des bestiaux et du travail à domicile comme tricoteuses et couturières pour les femmes. Ainsi Lôw Bloch était fripier ("marchand d'habits"), Moyse Lévy était marchand de vaches, Max Liebermann était boucher, Abraham Gougenheim et son épouse Elisabeth Bemel étaient "marchands colporteurs portant à dos les marchandises qu'ils vendaient de maison en maison", c'est-à-dire "des mouchoirs, indiennes et autres merceries" (13). Jacques Lévy était, quant à lui, marchand de pavots et de navettes (14). Il y avait néanmoins treize pauvres dont quatre demeuraient à l'hôpital, et plusieurs veuves comme Dreisel Gougenheim, couturière-tricoteuse, la veuve de Salomon Bernheim.
L'Assemblée nationale constituante avait émancipé les Juifs "portugais, espagnols et avignonnais" par le décret du 28 janvier 1790. Les Juifs d'Alsace durent attendre le 27 septembre 1791 pour avoir les mêmes droits que leurs coreligionnaires, c'est-à-dire la liberté de mobilité géographique, le droit d'acheter et de posséder des biens mobiliers et immobiliers, l'ouverture à tous les emplois, la possibilité ou non de pratiquer les rites, d'observer les lois alimentaires, l'obligation de faire le service militaire.
Mais dans l'ensemble, l'opinion semblait contre eux. A Haguenau certains signes ne trompaient pas. Les Cahiers de doléances réclamaient l'augmentation du droit de protection des Juifs. Dès le 30 juillet 1789, les émeutiers qui contestaient le magistrat de Haguenau réclamaient le départ de tous les Juifs dans les vingt-quatre heures à l'exception des quatre familles les plus anciennes.
Toujours est-il que la persécution allait viser à partir de l'an II toutes les croyances traditionnelles. Il aurait de plus si bien communiqué son ardeur aux Juifs de sa communauté que le samedi, les Juifs se promenaient dans la ville avec leurs vêtements de la semaine et le jour de Kippour, ils se relayaient pour circuler toute la journée habillés d'une blouse et le fouet à la main (16). La grande affaire sous la Terreur demeure la Grande Fuite de décembre 1793. A Haguenau, une partie de la population avait déjà pris la fuite lorsqu'arrivèrent les révolutionnaires le 24 décembre 1793 et que s'installèrent à nouveau les Jacobins. 460 familles de Haguenau ont pris la fuite et 45 ont comme précision "de religion juive", soit 9,78% des familles fugitives (17). En ce qui concerne les individus, 88 sur les 972 fugitifs sont juifs, soit 9,05%. Pour la population juive, 88 personnes sur les 280 présumés auraient fui soit plus de 306 du total. Cette proportion est importante si on la compare aux 11,68% de la population globale. La grande fuite vers l'Outre-Rhin se passe dans un contexte de psychose collective, des milliers de personnes tentant d'échapper à la répression promise par Pichegru, le chef de l'armée. De plus, les Jacobins rentrés à Haguenau multiplient les arrestations. En outre, depuis le 9 novembre 1793, le Directoire du Bas-Rhin a interdit tous les cultes. Les synagogues furent fermées, l'observance du shabath interdite, l'abattage rituel remis en cause. Le 20 novembre 1793, le Comité de surveillance et de sûreté de Strasbourg avait ordonné l'arrestation d'un certain nombre de Juifs soumis à l'impôt forcé. Le 24 novembre 1793, les stèles avec symboles religieux du cimetière de Rosenwiller avaient été détruites. On soupçonnait les Juifs d'espionnage et de trahison. Après la chute de Robespierre et de ses amis en juillet 1794, de nombreux émigrés - parmi lesquels un certain nombre de Juifs - rentrent en France et donc à Haguenau, estimant que les mesures révolutionnaires violentes cesseraient d'exister. Nous avons voulu suivre l'itinéraire de ces émigrés, saisir les motivations de leur départ, savoir s'ils sont partis seuls ou en famille. Ont-ils été réintégrés ou sanctionnés à leur retour ? Bref, l'analyse des dossiers des émigrés conservés aux Archives municipales de Haguenau nous permettent de mieux comprendre cette période de tourmente pour les Juifs de Haguenau (18). Certains émigrés vivaient à Haguenau bien avant la Révolution. Ainsi Jacob Gougenheim, rabbin de Rixheim, avait-il succédé à Lazare Moyse en 1771 à la tête de la communauté juive de Haguenau. Il resta à ce poste jusqu'en 1791. Il fut, après cette date, traducteur instituteur et intéressé dans le commerce de ses enfants qui étaient colporteurs (19). Son épouse Sarah Weil et lui sont allés en Allemagne le 2 nivôse an II (22 décembre 1793). Ils sont revenus à Haguenau le 2 ventôse an III (16 mars 1795), pensant sans doute que les mesures revolutionnaires violentes cesseraient d'exister. Il est vrai que le couple aurait peut-être pu bénéficier de la loi du 11 janvier 1795 qui accordait la radiation provisoire sur la liste des émigrés à tous ceux qui étaient déclarés artisans, laboureurs, travailleurs de leurs mains aux manufactures et ateliers. Mal leur en a pris de rentrer à Haguenau. Le 25 novembre 1795 (5 frimaire an IV), l'administration du département du Bas-Rhin considérant que le pétitionnaire et son épouse ne sont point compris dans la classe utile et laborieuse des citoyens décide que dans les vingt-quatre heures, sur arrêté du Commissaire provisoire pour l'administration de Haguenau, ils devraient quitter la commune et
Extraits de la Délibération de l'Administration du Département
du Bas-Rhin du 12 fructidor an VI concernant le rabbin
Jacob Gougenheim et son épouse
(AMH R lb 10 - Photo J. Daltroff)
Jacob Gougenheim était un homme âgé en 1793. Il était déjà alité lors de cette perquisition et trop faible pour signer sa déclaration. Sa mesure d'expulsion fut toujours retardée par la gravité de son état, grâce surtout à l'intervention du ministre de la Police générale de la République qui obligea l'administration municipale à mettre fin aux vexations et menaces de toutes espèces. Il exigeait par courrier que l'autorité communale lui rende compte dans les plus brefs délais des motifs de sa conduite sachant que Jacob Gougenheim était un vieillard infirme de 81 ans "forcé de garder le lit" (22). Finalement en 1798, l'administration centrale du Bas-Rhin, bureau des émigrés, révisa sa position :
Jacob Gougenheim mourut à Haguenau en 1802 ou 1803 à l'âge de 93 ans. Il repose au cimetière juif de la localité.
Extrait de la Délibération du Directoire du District de Haguenau du 9 ventôse an III : Alexandre Abraham, négociant, est réintégré dans ses droits (AMH R lb 1 - Photo Jean Daltroff) |
Voici encore Alexandre Abraham. Négociant avant sa fuite du 22 décembre 1793, il a laissé sa femme et ses quatre enfants à Haguenau. Il est rentré dans sa commune d'origine le 19 février 1794 (ler ventôse an III) dans les délais fixés par la loi. Le Directoire du district de Haguenau, dans sa séance du 9 ventôse an III, justifie sa réintégration par le fait qu'étant
Isaïe Abraham a 31 ans en 1793. C'est un homme marié avec deux enfants qui figure dans le dénombrement du 31 décembre 1784. C'est un colporteur qui a l'habitude d'aller acheter des marchandises outre-Rhin et de les vendre dans la région de Haguenau. Quand la Grande Fuite se produisit, il se trouvait à Rastatt pour ses emplettes. Il ne put revenir à Haguenau du fait de la retraite des troupes royalistes. Il fut obligé de repasser le Rhin avec les civils en fuite, d'où son absence de Haguenau du 18 décembre 1793 au 18 février 1795. Au cours de la délibération de la municipalité de Haguenau, il ne sera pas considéré comme émigré. En effet "au terme de l'article 4 de la loi du 22 nivôse, les ouvriers, laboureurs non ex-nobles ou prêtres ne doivent pas être réputés émigrés pourvu qu'ils ne soient sortis de France que depuis le 1er mai 1793 et qu'ils y rentrent avant le ler germinal an - 21 mars 1795 - (25). Revenu dans les délais et ayant pu prouver sa bonne foi, Isaïe Abraham fut réintégré dans ses droits, l'enquête considérant
Quant à Caïn Weyl, dès le 22 décembre 1793, sa femme s'était rendue à six heures du soir chez Jean-Baptiste Lambert pour rédiger une requête afin que son mari ne soit pas inscrit émigré parce qu'il avait été enlevé de force. Sa démarche fut payante, puisque Caïn Weyl fut réintégré en l'an IV (26).
Le marchand Samuel Jacques Lévi et son épouse Kailé Bernheim, sortis de France le 22 décembre 1793, revinrent à Haguenau le 25 février 1795. L'administration municipale de Haguenau, dans sa séance publique du 24 février 1796, constata que le couple était rentré
En fait les problèmes des émigrés juifs ne s'arrêtaient pas au moment de leur réintégration. Pour la quarantaine de Juifs réintégrés avec leurs droits de citoyens, il fallait à Haguenau récupérer le produit des meubles vendus au profit de la Nation, les différents effets et meubles en dépôt, toucher les loyers d'une maison dont on pouvait être le propriétaire. Ainsi Jacques Lévi, marchand de pavots, réclamait-il en 1794 le produit de
Mais le temps passe, le cours des choses évolue. La liberté de culte est rétablie le 21 février 1795. Le 31 mai de la même année, le Tribunal révolutionnaire est supprimé. Plusieurs Juifs se regroupent entre eux et choisissent la maison d'un tel pour l'exercice du culte judaïque. Le 4 thermidor an V (22 juillet 1797), les citoyens Bénédic Isaac, Cerf Moyses, J. Dreyfus, Isaac Bénédic, J. Cerf, Samuel Lévi, Moyse Aaron, Joseph Abraham, Abraham Kahn ont ainsi choisi la maison n° 76, quartier blanc, appartenant au citoyen Moch père. Le 28 janvier 1798, c'est la maison n° 120 située au quartier rouge du citoyen David Rheims qui est choisie par un groupe de onze coreligionnaires dont Benjamin Bernheim, Abraham Samuel et consorts. Le 5 août 1798, le citoyen Jacob Abraham, aubergiste à Strasbourg, passait un bail avec Benoît Isaac, Marc Moch et J. Dreyfus permettant l'exercice du culte mosaïque dans la dernière partie de la maison située au quartier blanc n° 53 par devant et au n° 49 par derrière (29).
Nous soulignerons pour conclure que la période de la Terreur a laissé des traces dans les esprits comme dans la vie quotidienne des Juifs de Haguenau. Une partie des Juifs émigrés ont été réintégrés, d'autres, la minorité, ont été condamnés. D'autres sont restés dans la ville et ont participé à sa restructuration spirituelle et matérielle. D'autres Juifs ont quitté Haguenau pour s'établir sous d'autres cieux, comme Borach Gougenheim, l'un des fils de Jacob Gougenheim, ou Jacob Abraham partis vivre à Strasbourg. Après 1795 les Juifs de Haguenau jettent les premiers jalons d'une nouvelle vie communautaire autour des familles anciennes restées sur place pendant la Terreur (les Bernheim, Moch, Gougenheim, Netter, Abraham...) et les familles récemment arrivées, les Dreyfus, Aron, Oppenheim... (30). Dès 1808, Haguenau comptait 639 Juifs, mais c'était déjà une autre histoire (31).
APPENDICE
Liste des Juifs ayant participé à la Grande Fuite haguenovienne
NOM et PRÉNOM | PROFESSION avant le départ |
AGE | DATE DE L'ABSENCE | SORT |
ABRAHAM Alexandre | négociant |
47 | 2 nivôse an II - 1 ventôse an III A laissé sa femme et ses 4 enfants |
Réintégration an IV |
ABRAHAM Isaïe | colporteur | 31 | 28 frimaire an II-30 pluviôse an III A laissé sa femme et ses 2 enfants |
Réintégration le 4 ventôse an IV |
BERNHEIM Benjamin | négociant | 50 | 23 frimaire an II-6 nivôse an III avec son épouse Sarah Moch 45 ans et ses 2 enfants de 15 et 11 ans |
Réintégration an IV |
BERNHEIM Raphaël |
négociant | 26 | 29 frimaire an II-2 ventôse an III avec son épouse Merle Lévy, 30 ans |
Réintégration an IV |
BERNHEIM Dreisel, veuve de Salomon née Gougenheim |
couturièretricoteuse | ? | 2 nivôse an II-26 ventôse an III | Réintégration an V |
BLOCH Magdeleine veuve de Gruscho née Gougenheim |
couturière-tricoteuse | 46 | 2 nivôse an II-26 ventôse an III, avec sa fille Esther, 12 ans | Réintégration an IV |
BRAUNSCHWEIG Goetschel | fils de fripier | 17 | 9 frimaire an II-19 thermidor an III | Déportation. Déclaré émigré an VII |
BRAUNSCHWEIG Isaac | colporteur | 30 | 2 nivôse an II-22 floréal an V | ? |
BRAUNSCHWEIG Seligman |
colporteur | 33 | 2 nivôse an II -prairial an VIII | ?
|
CERF Moissev | colporteur | 40 | 15 nivôse an II-3 prairial an V avec son épouse Rachel Dreyfus, 36 ans, et ses 4 enfants, de 10 ans à 13 mois |
?
|
GOETSCHEL Feistel | colporteur |
45 | 2 nivôse an II-18 ventôse an III avec son épouse Hindel Jacob, 32 ans, et ses 3 enfants (7, 4, 2 ans) |
Réintégration an IV Déclarés émigrés an VI |
GOUGENHEIM Abraham | colporteur en "indiennes, mouchoirs" | 37 | 26 frimaire an II-29 ventôse an III avec son épouse Elisabeth Bernel et leur enfant Brendel, 3 ans |
?
|
GOLIGENHEIM Jacob | rabbin | 83 | 2 nivôse an II-26 ventôse an III avec son épouse Sara Weil |
Sursis an IV. Réintégration an IV. Émigrés an VI. |
GOUGENHEIM Samuel | commerçant | 47 | 28 frimaire an II-29 ventôse an III avec son épouse Débora Kahn, 46 ans, et Treitel, 11 ans |
Réintégration an IV. Emigrés an VI |
ISAAC Joseph | commerçant | 35 | 2 nivôse an II-26 ventôse an III avec son épouse Judel Israël, 33 ans, et Joseph, 2 ans |
Réintégration an IV Déclarés émigrés an VI |
JONAS Samuel | fripier | 28 | 2 nivôse an II-15 ventôse an III | Réintégration an V |
KAHN Elie | fripier | 59 | 2 nivôse an II-16 vente an III avec son épouse Hindel Goetschel et leurs 2 enfants (14, 10 ans) |
Réintégration an IV Déclarés émigrés an VI |
LEVY Hirtzel | marchand de vaches | 65 | 29 frimaire an II-15 ventôse an III avec son épouse |
Réintégration an IV Emigrés an VI |
LEVY Jacob | marchand de bestiaux | 35 | 2 nivôse an II-22 ventôse an III | Réintégration an IV Emigré an VI |
LEVY Moyse |
marchand de vaches | 28 | 2 nivôse an II-22 ventôse an III | Réintégration an IV Emigré an VI |
LEVY Samuel Jacob | marchand de pavots et navettes | 27 | 2 nivôse an II-7 ventôse an III avec son épouse Kailé Bernheim 24 ans |
Réintégration an IV E[migrés an VI |
LIBERMANN Marx | boucher | 50 | 2 nivôse an II-15 ventôse an III avec son épouse Jeanne Samuel et leurs 3 enfants |
Réintégration le 20 messidor an IV |
LOEBEL Borich | garçon boucher | 30 | 2 nivôse an II-15 ventôse an III | Réintégration an IV |
MARX Borich | marchand de bestiaux | 30 | 29 frimaire an II-28 ventôse an III | Réintégration an IV Emigré an VI |
MEYER Moyse |
boucher | 32 | 2 nivôse an II-14 ventôse an III | ? |
MOCH Loeb | fripier | ?
|
30 frimaire an II-1 ventôse an III | Réintégration an IV e E migré an VI |
MOCHER Lévi | chantre | 43 | frimaire an II-11 thermidor an VI | Passe devant une commission militaire an VI |
MOYSE NATHAN | marchand de bestiaux | 38 | 30 frimaire an II-12 ventôse an III avec son épouse Judel Lehmann et 4 enfants |
Réintégration an IV |
REINS Abraham Calmen | colporteur | 22 | 2 nivôse an II-7 thermidor an V | Passe devant une commission militaire |
RHEIMS Calmen David | commerçant | 66 | 2 nivôse an II-27 ventôse an III avec son épouse Blide Israël |
Réintégration an IV |
RHEIMS David Calmen | négociant | 36 | 2 nivôse an II-30 pluviôse an III A laissé sa femme et 4 enfants |
Réintégration an IV |
RHEIMS David Moyse |
commerçant | 46 | 2 nivôse an II-24 ventôse an III A laissé sa femme et S enfants |
Réintégration |
RHEIMS Israël | colporteur | ? | décembre 1793-2 thermidor an IX avec son épouse et 2 enfants |
? |
RHEIMS Libermann | négociant | 28 | 2 nivôse an II-27 pluviôse an III A laissé sa femme | Réintégration |
RHEIMS Löw Calmen | colporteur | 30 | 25 frimaire an II-30 pluviôse an III avec Gitlé Lazard son épouse |
Réintégration an IV |
SELIGMANN Isaïas | domestique | 38 | 2 nivôse an II-2 ventôse an III | Réintégration an IV |
WEIL Leyser | marchand de bestiaux | 49 | 2 nivôse an II-20 ventôse an III A laissé sa femme et 6 enfants |
Réintégration an IV |
WEIL Moyse | négociant | 62 | 2 nivôse an II-1 ventôse an III A laissé sa femme | Réintégration an IV |
WEIL Moyse |
marchand de bestiaux | 41 | 2 nivôse an II-28 frimaire an III A laissé sa femme et un enfant |
Réintégration an V |
WEYL Cain | marchand de bestiaux | 29 | 2 nivôse an II-28 frimaire an III A laissé sa femme et ses 3 enfants |
Réintégration an IV |
WEYL |
fripier | 30 | 2 nivôse an II-15 ventôse an III avec son épouse Gaillen Simon, 24 mis, et Feil 2 ans |
Réintégration an IV Déclarés émigrés an VI |
WEYL Nochem | boucher | 70 | 2 nivôse an II-27 ventôse an III A laissé sa femme et un enfant |
Réintégration an IV |
Synagogue précédente |
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Synagogue suivante |