Des rabbins alsaciens de sa génération, le Rabbin Arthur Weil aura été, avec le Rabbin Joseph Bloch, le plus fertile en production littéraire. Mais si notre vénérable maître, le Rabbin Joseph Bloch, qui vient de prendre une retraite que l'on peut prévoir féconde en nouvelles œuvres, s'est surtout consacré au domaine de la liturgie, le Rabbin Arthur Weil a excellé dans le domaine de l'histoire, qu'elle fût scientifique ou littéraire.

Certes, la vocation pastorale était dominante en Arthur Weil. Né à Hatten en 1880, il avait fait ses études au Séminaire orthodoxe de Berlin, où il avait conquis simultanément ses diplômes rabbiniques et universitaires. La Communauté de Bischheim, celle de Strasbourg aussi, dont il dirigea le Talmud-Thora, enfin celle de Bâle, à partir de 1926 et jusqu'à sa mort, survenue peu de temps après sa retraite, en 1959, furent modelées par sa forte personnalité qui s'affirmait autant sur le plan religieux que sur le plan pédagogique et social. Mais sans jamais se refuser aux sollicitations d'où qu'elles vinssent et surtout lorsqu'elles émanaient des jeunes, prenant presque toujours les devants pour suggérer et animer des groupes ou des institutions nouvelles, le Rabbin Arthur Weil savait, malgré tout, se réserver les heures précieuses durant lesquelles il étudiait et rédigeait ses œuvres.

Celles-ci sont considérables par leur nombre, par leur variété et par leur portée. Les Contes et Légendes d'Israël, dans la célèbre collection de Fernand Nathan, ont assuré à Arthur Weil un prestige mondial, et constituent à l'heure actuelle encore, un véritable Quiddoush Hashèm, tant l'auteur a su faire ressortir dans un volume destiné à la jeunesse de langue française la poésie et la noblesse de la vie juive. Le recueil a été complété par un autre volume de Contes et Récits juifs, publiés par le Kéren Hasefer. De très beaux Contes du Roi Salomon sont encore inédits. L'Histoire Sainte  est aujourd'hui encore un ouvrage-standard de la pédagogie juive, aux côtés de la Tephilla du Rabbin Bloch et du Manuel d'Instruction Religieuse du Grand-Rabbin Deutsch : fouillez dans les cartables d'un élève de l'enseignement religieux juif digne de ce nom, et vous trouverez ces trois livres de base, composés par des rabbins d'Alsace. Mais il est regrettable que d'autres ouvrages de pédagogie du Rabbin Arthur Weil, et, en particulier, une excellente Histoire de l'époque talmudique soient épuisés. Une réédition témoignerait de la fraîcheur de son style et de la perfection de sa méthode.

Dans le domaine de l'histoire scientifique, le Rabbin Arthur Weil s'est consacré surtout à l'âge d'or espagnol et il a voué à cette période de patientes recherches et de minutieuses études, dont la synthèse n'a malheureusement pas pu être réalisée de son vivant. Par contre, deux volumes de sermons représentent un magnifique résumé de la pensée d'Arthur Weil. Intitulés Aus ernster Zeit et Zwischen Gola und Medina, ils ne reflètent pas seulement une exemplaire activité pastorale, toute au service de sa communauté : composés entre 1939 et 1950, ces deux livres sont le témoignage d'une époque d'histoire, dont l'auteur a su rendre les bouleversants événements en les interrogeant sur leur signification religieuse et éthique.

Les lecteurs de notre Almanach, dont beaucoup ont été les élèves du Rabbin Arthur Weil au Talmud-Thora de Strasbourg, retrouveront avec émotion dans ce volume l'enthousiasme de leur Maître pour l'œuvre sioniste. Dès sa jeunesse, il avait adhéré au Mouvement dans lequel il apercevait l'une des plus hautes expressions de la fidélité juive à sa tradition spirituelle. Au moment où se réalisa plus tard l'idéal pour lequel il avait toujours combattu, le Rabbin Arthur Weil sut trouver des paroles poignantes pour souligner l'importance historique et décisive de l'édification de l'État d'Israël, dans lequel, d'ailleurs, vivent aujourd'hui ses enfants.

La famille du rabbin à Hatten - Arthur Weill se trouve en haut à gauche

Après l'évocation du souvenir d'Arthur Weil  par la plume autorisée de ses collègues du rabbinat et du Talmud Torah, qu'il soit permis à l'élève, au membre de la Kehillah, dont il avait été le chef spirituel, enfin à l'ami, de parler du défunt.

La personnalité du disparu se ressentait des diverses périodes de sa formation : l'enseignement reçu de Hoffmann, de Berliner et de Barth au Séminaire rabbinique de Berlin, dont il aimait à rappeler le souvenir, avait ancré profondément le jeune candidat dans les principes du judaïsme dit conservateur ; sa thèse de doctorat sur un sujet d'égyptologie avait accentué chez Arthur Weil  le besoin d'étayer son argumentation sur des données scientifiques bien établies : un séjour prolongé à Paris avait fortifié sa tendance naturelle vers la compréhension large des opinions les plus diverses. Ses contacts avec les compagnons de  Theodore Herzl avaient fait de lui de bonne heure sioniste convaincu et actif.

Son enseignement captivait l'attention de ses élèves : il savait, s'adapter à l'âge de ses auditeurs, illustrer d'une façon concrète et vivante ses cours pour les petits, susciter les problèmes qui animaient la discussion chez ses élèves des classes supérieures. Le charme que dégageait sa personnalité rendait superflue toute discipline par la contrainte. De nombreuses générations d'élèves ont été attirées par la largeur d'esprit de son enseignement et retenues par l'écho que réveillait sa parole.

L'amour de son métier, le besoin qu'il éprouvait de rendre efficace son verbe lui firent rédiger après 1918 l'Histoire post-biblique, les Récits des Écritures et les Contes et Légendes d'Israël. Le soin qu'il apportait à leur rédaction, le préoccupation de rendre la narration plus concrète en l'illustrant de documents de l'époque, rendirent ses livres particulièrement prenants pour ses jeunes lecteurs.

Dans sa communauté de Bischheim, Il excellait à établir des rapports confiants avec ses ouailles. Il savait entourer de toute son humanité ceux que le sort avait frappés ; la finesse de son jugement, son sens inné de la diplomatie et sa parole lénifiante assignaient à chacun sa place, quand des différends, nés d'interprétations un peu étroites des traditions, risquaient de semer la mésentente.

La richesse de sa personnalité s'épanouissait dans le cercle de ses amis. La modestie et la simplicité de son abord mettaient tout le monde à l'aise. Son indulgence dans les détails ne cachait toutefois pas la ferveur de son attachement aux principes. La force de son caractère ne fut pas ébranlée par le coup tragique du destin : la perte de son fils aîné, enlevé aux premières années de l'âge scolaire, ne put altérer la détermination du père à continuer à dispenser l'enseignement aux jeunes. Sa souriante bonhomie tendait à reconnaitre dans le caractère de chacun les valeurs positives, ce qui n'empêchait pas son sens de l'humour de situer les gens et les faits sous leur vraie optique, Son amitié restait fidèle et efficiente à ceux que sa confiance avait choisis. Rien d'étonnant que dans le suite mouvante des événements, il fut le guide sûr de ceux qui s'étaient confiés à lui.

Que Mme Weil, la compagne du disparu, incomparable par le tact et la délicatesse de ses sentiments, sa fille Simone et son fils Théo veuillent bien accepter le tribut de notre affectueuse sympathie et qu'ils soient assurés que le souvenir d'Arthur Weil restera bienfaisant parmi ceux qui ont eu le privilège de l'approcher.

Diplôme de Rabbin d'Arthur-Ephraïm Weil

Diplôme du Séminaire de Berlin

© A . S . I. J . A .