Derniers honneurs
Le Grand Rabbin Isaïe Schwartz n'est plus
Si la mort du Grand Rabbin de France a été ressentie douloureusement
par toute la Communauté juive de la Métropole, elle a provoqué
un écho plus profond encore dans nos Communautés d'Alsace et plus
praticulièrement à Strasbourg, où le défunt, pendant
vingt ans, a présidé aux destinées religieuses de sa population
israélite.
Il y a à peine trois mois que Monsieur le Grand Rabbin était
venu en Alsace pour rendre un ultime hommage à Mademoiselle
Laure Weil et au rabbin Armand Bloch,
et nul ne se serait douté que l'homme, jouissant d'apparence de la plénitude
de ses forces spirituelles et physiques, fût si vite, à son tour,
emporté par la mort.
Conscient de ses hautes responsabilités, alors que sa santé était
déjà bien compromise, le grand disparu ne se laissait pas dissuader
d'ouvrir à la mi-juin, l'assemblée générale des
rabbins où, avec sa verve habituelle, parsemée d'humour, il salua
paternellement les membres du corps rabbinique venus de tous les coins de France
et d'Algérie. Hélas, la maladie avait déjà bien
marqué ses traits de visage, mais il n'écoutait point les conseils
déférents et affectueux de ses administrés : il restait
jusqu'à la fin de la séance inaugurale...
C'est cette haute conscience de ses charges qui devait inspirer au Grand Rabbin
de France son attitude ferme sous l'occupation et notamment sous le règne
de Vichy où il eut l'occasion, lors d'un dramatique entretien resté
mémorable, de dire à Pétain, chef de l'Etat, toute l'amertume
ressentie par lui devant la répudiation des droits de citoyen à
l'encontre des Juifs de France. Belle figure à l'allure patriarcale,
Monsieur le Grand Rabbin était de ces hommes rares dont l'appartition
seule commandait le respect en lui conférant une incomparable autorité.
Mais il n'en abusait point : bien au contraire, il fut l'homme le plus aimable,
se trouvant à l'aise aussi bien dans les palais des riches que dans les
taudis des infortunés. C'est que, sous l'écorce de rudesse, battait
un coeur généreux, grand ouvert à la misère et au
chagrin.
Les Communautés de Strasbourg et du Bas-Rhin saluent avec une infinie tristesse
la dépouille mortelle du Grand Rabbin Schwartz qui n'a jamais cessé
de se sentir des leurs et déposent sur la tombe du grand disparu, dont
elles prennent la garde, le tribut de leurs larmes et de leur inaliénable
souvenir.
Les obsèques de Monsieur le Grand Rabbin de France
Le cortège funèbre traverse Westhoffen (Photo Klein),
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STRASBOURG. - Après l'imposante cérémonie funèbre
au Temple de la rue de la Victoire, dont on lira les détails dans la
Lettre
de Paris, Strasbourg a eu le douloureux privilège de recevoir, au
hall de son cimetière, la dépouille mortelle de M le grand rabbin
de France. Une veillée funèbre a été organisée
à laquelle se sont associés d'innombrables amis et admirateurs du
défunt. Le lendemain, jeudi le 2 Ab, eut lieu la levée du corps
en présence de M. le préfet Demange, du Maire Frey, du gouverneur
militaire Pique-Aubrun, de M. le président Hoepffner, de MM. les chanoines
Schiess et Welté, représentant Mgr. l'Evêque, de
M.
Altorffer, du sous-préfet Lechner de Molsheim, des maires des communes
de Westhoffen et de Traenheim, des grands-rabbins et rabbins
Kaplan,
Schilli, Cohen (de Bordeaux),
Schuhl, Schwartz (Paris),
Fuks,
Weil (de Bâle),
Warschawski
(de Bischheim),
Gugenheim (de
Bouxwiller),
Gugenheim (de
Paris), Dreyfuss (de Bruxelles), Horowitz .(de Strasbourg), Poliatschek (de Metz),
les présidents des trois Consistoires alsaciens et mosellan, M. Gaston
Kehn, représentantt le Consistoire Central, M. S. Kahn, président
de la Communauté de Westhoffen, M. Ullmann, membre de la Société
Française de New-York, etc...
Henri Isaac, premier ministre-officiant honoraire au Temple
de la rue de la Victoire, Paris
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M. le grand-rabbin Deutsch et
l'aumônier Schuhl ont dit
les prières d'usage. M. Isaac, premier ministre-officiant honoraire de
la Synagogue de la Victoire à Paris chanta un émouvant
Yoshèv.
Nul discours n'a été prononcé, selon l'ultime volonté
du défunt. Puis un cortège interminable de voitures a accompagné
le char funèbre jusqu'à
Traenheim
où le cortège s'arrêta devant la maison natale du regretté
grand-rabbin. Minute poignante au milieu d'un silence imposant. L'inhumation
définitive eut lieu à
Westhoffen
où les rabbins Schwartz, d'Obernai, et Schuhl, camarade d'études
du disparu, dirent les dernières prières. M. le Préfet
et M. le Maire Frey avaient tenu à assister, entourés des maires
de Traenheim et de Westhoffen, à l'inhumation. C'est à la
Communauté
de Westhoffen qu'il appartiendra de veiller sur la tombe du seul grand rabbin
de France reposant en terre d'Alsace. Elle s'en montrera digne. A Mine Schwartz,
la compagne fidèle du défunt grand rabbin, à M. Jacques
Schwartz, chargé de cours à la Faculté des Lettres de notre
ville, fils unique, aux frère et soeur ainsi qu'à toute la famille
de M. Isaïe Schwartz, grand-rabbin de France, nous adressons nos condoléances
les plus émues.