ANDRÉ NEHER : CORRESPONDANCE
Verba volant, scripta manent

Extraits réunis, présentés et annotés par Carine Brenner, sous la supervision de Rina Neher-Bernheim
Jérusalem, octobre 2007
Tapuscrit révisé, complété et introduit par Francine Kaufmann - Jérusalem 2022

Edition et mise en page sur Internet : Barbara Weill - Jérusalem 2024


Présentation
Carine Brenner

La correspondance d’André Neher, à la fois philosophe, penseur et homme d’action, est passionnante à bien des titres. D’abord par l’étendue de la période couverte : plus de quarante ans, de 1945 à 1988, c’est-à-dire presque toute la seconde moitié du XXème siècle. Ensuite, par la variété des correspondants : André Neher, au cours de toutes ces années, s’adresse à un très grand nombre de personnes, de milieux et de professions divers, de religions et de nationalités différentes. La personnalité d’André Neher sert de lien entre tous et ainsi sont dévoilés les multiples aspects de sa très riche personnalité.

Il a brillé dans plusieurs domaines de l’esprit, la longue liste de ses livres en témoigne ; mais ce fut en même temps un homme d’action, ses très nombreuses et efficaces interventions publiques à diverses étapes de la vie juive en France en font foi.

Aussi a-t-on choisi de présenter les lettres dans l’ordre chronologique, ce qui permet de suivre l’évolution de ses idées, de ses travaux et de ses interventions (1).


Un autre intérêt, non moins important, de cette correspondance est de pouvoir suivre concrètement la résurrection de la vie juive en France après 1945. André Neher y a joué un rôle de figure de proue. Sa participation est capitale dans de nombreuses manifestations intellectuelles : nouvelles revues d’intérêt juif, Colloques des intellectuels juifs de langue française, cours nombreux et très suivis dans des centres d’études juives à Paris, Strasbourg et ailleurs, etc. Certains projets envisagés n’ont finalement pas vu le jour mais les projets avortés sont importants à connaître. Rien ne se fait dans la facilité. Il y a des réussites et des échecs, dus parfois à des conflits de personnalités que la correspondance fait toucher du doigt.

La variété des personnes auxquelles ces lettres s’adressent ou qui y sont citées permet de mettre des noms et des visages sur ce vaste ensemble que l’on nomme trop rapidement, en quelques lignes de rétrospective : la renaissance du judaïsme français, dans les vingt ans qui ont suivi la Shoah. Peu d’études historiques approfondies y ont été consacrées. La diversité des entreprises auxquelles André Neher a été mêlé offrira aux historiens un accès à une documentation complémentaire, parfois contradictoire, de celle de la presse juive de l’époque.

Cette correspondance permet notamment aussi de suivre, à travers la part prépondérante et sans compromis qu’y a prise André Neher, l’évolution des relations et du dialogue interreligieux entre Juifs et Chrétiens depuis la seconde guerre mondiale.


De ces lettres peuvent également sortir de l’ombre des personnalités tombées injustement dans l’oubli. André Neher a toujours tenu à ce que reconnaissance soit donnée à des gens qui, même très peu connus en leur temps, ont cependant joué un rôle significatif. Grâce à cette correspondance, le lecteur peut ainsi découvrir telle personnalité oubliée aujourd’hui mais importante durant quelques années de l’après-guerre, et qui a eu avec André Neher des contacts intéressants. Cependant, la nécessaire sélection, pour la publication, d’un nombre restreint de lettres, fait que des correspondants très chers aux yeux d’André Neher, dont certains avec lesquels il a entretenu une relation épistolaire intense et suivie - comme par exemple Emmanuel Eydoux, ou encore Isaac Pougatch - n’apparaissent toutefois pas dans ce recueil, forcément partiel.


Avec son installation à Jérusalem, après la césure existentielle décisive qu’a représenté, pour lui comme pour de très nombreux Juifs de France, la guerre des Six Jours, s’ouvre une dernière page de la vie d’André Neher. Son intérêt, en dehors de ses champs de recherche, se partage alors entre les liens qu’il continue d’avoir avec des correspondants français, souvent à propos des événements d’Israël, et la part qu’il prend désormais à la vie culturelle et parfois politique en Israël. Cette dernière étape a été précédée par des allers et retours entre Strasbourg et Israël, dont certaines lettres donnent un aperçu.

Les missives datées de Jérusalem, parfois écrites en hébreu - et traduites en français pour ce recueil - expriment les heures de joie d’André Neher en Israël, tant sur le plan national (par exemple, l’arrivée de Sadate à Jérusalem) que sur un plan plus personnel. Mais elles ne passent pas sous silence les heures difficiles qu’Israël a traversées, notamment pendant et après la guerre de Kippour, ainsi qu’au moment de la guerre du Liban.


Parmi les déceptions qui ont perturbé André Neher, et qui s’expriment à travers quelques lettres de grincement : l’oubli ou le rejet de son œuvre par d’anciens amis de France qui, depuis son installation en Israël, ont préféré l’ignorer, ainsi que l’accueil quelquefois sans chaleur de certains Israéliens.


Ce recueil inclut parfois des lettres - ou des extraits de lettres - de correspondants eux-mêmes, lorsque celles-ci sont nécessaires pour comprendre la portée des échanges épistolaires ou lorsque leur teneur est particulièrement remarquable.

Quelques lignes de présentation précèdent chaque lettre pour en situer le contexte et en souligner l’intérêt. Dans le même esprit, des notes de bas de page accompagnent l’ensemble de la correspondance, ainsi qu'un lexique des termes hébraïques lorsque c'est nécessaire (2).

D’une approche forcément fragmentée, ce recueil de lettres extraites de la très volumineuse correspondance d’André Neher est comme le contrepoint de son œuvre publiée.

Carine Brenner, Jérusalem, octobre 2007


Notes :
  1. Parfois cette chronologie est rompue, afin de présenter à la suite une lettre et sa réponse.
  2. Les termes hébraïques, ou dans d'autre langues sont en couleur, ce qui indique un lien. Ce lien renvoie soit à une autre page de notre site, soit au lexique qui figure en bas de la lettre (dans ce cas, le mot figure en italiques).
    Dans le texte original de la correspondance d’André Neher, les termes hébraïques apparaissaient tantôt en caractères hébreux, tantôt en translittération de l’hébreu en caractère latins et, dans ce dernier cas, la translittération ne répondait pas à des règles fixes (le même terme pouvait se rencontrer transcrit différemment dans différentes lettres). Nous avons uniformisé en décidant d’une translittération systématique en caractères latins.
    Les passages entre crochets, dans le texte, sont toujours de l’éditrice.

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