Un poète au tempérament de lutteur comme André Spire ne pouvait pas ne pas communiquer à l'œuvre qu'il composait la fièvre de cette polémique. Deux poèmes entre autres, avec une verve et une clarté particulières, s'y attaquent au bergsonisme et aux bergsoniens. Dans le premier la satire se fait caricature :
Nous allons au cours. Il y a des dames. Une grosse tête sur un corps grêle A leurs cheveux parle du Temps. |
Le second s'achève sur un mode enflammé, mais n'est pas moins cruel. Pour riposter aux "hommes fins", raillant la faiblesse de la raison, André Spire, homme fin lui-même, appelle à son secours ceux qui ont "des certitudes", du gros bon sens, "radicaux", "vénérables", "syndiqués", et leur crie :
Venez avec vos poings, vos gros discours et vos gros gestes,
Venez, venez défendre, Contre tous ces beaux fronts, contre les mains que j'aime La grande déesse menacée. |
Cette ironie ne vise pas tel ou tel système, mais le plus souvent tous les systèmes, et surtout l'esprit de système. Que des censeurs sourcilleux en profitent pour dépister au hasard des pages une inspiration qu'ils qualifient de "bergsonienne", tant mieux, puisque Spire leur a répondu avec Benda qu' "il est légitime d'être bergsonien en tout sauf en philosophie"!
L'art de Spire s'accommode d'ailleurs fort bien, nous l'avons vu, de certaines contradictions. Disons plutôt d'un certain "dualisme". Celui qui apparaît chez le Juif moderne "lorsqu'il se rend compte de la double polarité de son être". Il est donc naturel qu'il y ait, dans ce volume encore, sans qu'une disposition typographique les sépare ou qu'un critère absolu permette toujours de les distinguer, des poèmes juifs et des poèmes non juifs. Car la "justice" pour un Juif est de ce monde, et thèmes juifs et thèmes sociaux se confondent souvent chez Spire. Soit que, dégoûté par la ruée des appétits, le poète éclate en sarcasmes et se retranche dans son judaïsme :
Alors j'ai rouvert ma vieille Bible ! |
Ils n'avaient pas peur des rieurs Lorsque le matin, dans les foires, Ils enroulaient leurs phylactères. |
Social davantage encore le poème juif le plus important du volume, La
grande danse macabre des hommes et des femmes. En écrivant cette farce
tragique au titre moyenâgeux André Spire s'est souvenu des Juifs
du 14ème siècle et de leurs "danses de la mort". Il est
visible qu'il a songé aussi, en homme de son temps, à l'incendie
du Bazar de la Charité, alors tout récent, où l'élément
masculin des classes "bien pensantes" révéla cyniquement
sa lâcheté, sa brutalité.
(…) Seul un "tailleur juif" tient tête à "la
Mort" pour lui arracher son fils et en la tuant, délivre tout le monde.
Mais l'immortalité en perspective dessille bientôt les yeux. Ressuscités
ou rassurés, rassasiés ou gueux, ambitieux ou illuminés ne
voient plus en elle qu'une éternité de misère, d'ennui, de
platitude. Le "croque-mort" a perdu son ( gagne-pain", le "moine"
sa "récompense". Et les ingrats se retrouvent d'accord pour jeter
à la face de leur sauveur la vieille injure : "Mort au Juif !"
et pour l'écharper. "La Mort" reparaît. De nouveau c'est
la grande peur. II n'y a que deux hommes qui acceptent leur destin sans trembler
: le "moine" parce qu'il croit au ciel, le "Juif" parce que
son fils vit.
D'autres poèmes ne sont juifs que par la colère sacrée
ou l'inquiétude métaphysique qui sourdement les animent. Ainsi
l'Elite, qui commence par ce vers :
"Nous sommes l'élite", disent-ils,
et s'achève sur cette variante évocatrice de fins d'orgies
:
"Nous sommes l'élite", vomissent-ils,
Restent les poèmes qui, en apparence et en réalité n'ont rien de juif. Ces poèmes-là, il ne faut pas les définir comme "français", car tous les poèmes de Spire sont français, mais des poèmes où s'exprime une sensibilité simplement humaine. Le plus souvent l'homme y est seul devant la nature. Tantôt à la permanence des "champs parallèles", il confronte sa fugacité. Tantôt il exalte sa lutte victorieuse contre les éléments. Mais il arrive aussi que l'orgueil de ce même homme soit délicieusement vaincu :
Je suis venu avec mes chiens et mon fusil. Mais tu as étendu ton grand ciel bleu sur moi, Paysage tranquille. Tu as enveloppé mes bras de tes vents doux... Et je rêve immobile, étendu sous tes feuilles. |
Cette unité du poète juif et du poète non juif, c'est aussi l'unité du poète et de l'homme d'action. 1911, l'année d'Agadir, s'était signalée par une recrudescence de l'antisémitisme. 1912, pour les Juifs conscients, fut une année de préparation à la résistance. André Spire habitait alors, à Neuilly, une "charmante petite maison", entourée d'un jardin aux arbres centenaires. Le dimanche il y réunissait des amis, Jean-Richard Bloch, Edmond Fleg, Henri Franck, et un maître d'armes leur donnait des leçons à tous !
Dans un esprit plus réaliste, Spire participait à la fondation de l'Association des Jeunes Juifs, dont l'action devait, deux ans plus tard, au lendemain de la mobilisation, entraîner l'engagement volontaire de dix mille immigrés. Il prit la parole le 1er décembre, au cours de la séance de propagande organisée par le groupement nouveau. Ce qu'il dit à ces jeunes gens, qui proclamaient dans leur programme leur "loyalisme" envers "la France républicaine", peut se résumer en ce conseil : soyez pleinement juifs et vous serez pleinement français. L'idéal, leur expliqua-t-il, ce n'est pas d'être un homme riche, même s'il fait du bien à "ses frères", c'est d'être un "vrai homme", un homme "qui n'a plus peur", un homme "qui a cessé de trembler parce qu'il se sent fort". Si "à l'injure et aux coups vous répondez, non pas en tendant le porte-monnaie, mais en montrant les poings", vous aurez encore des ennemis, mais on ne vous méprisera plus.
Cependant la politique sioniste se développait par-dessus les frontières, tandis que la tension internationale rendait peu à peu inéluctable le conflit qui allait éclater. Israël Zangwill, qui avait à cœur ce rendre au judaïsme sa conscience de peuple, songeait certes à le regrouper sur un territoire qui fût désormais le sien. Il savait pourtant que la découverte et l'attribution d'un tel territoire ne seraient pas l'œuvre d'un jour et qu'il existerait longtemps encore une Diaspora vulnérable dont il importait de centraliser la défense. C'est pourquoi, en juillet 1914, après de multiples échanges de vues, "un certain nombre de Juifs appartenant à tous les partis du judaïsme", et parmi eux André Spire, reçurent une invitation à se réunir, le 8 septembre suivant à Zurich, "pour délibérer sur la création d'un organisme central qui s'occuperait des diverses questions intéressant les communautés juives dispersées à travers le monde". Or, le 4 août, une carte postale annonçait aux personnalités convoquées que la Conférence de Zurich était ajournée sine die.
Parallèlement, de l914 à 1918, Spire accomplit, en sa qualité
d'Inspecteur général des services sociaux du Ministère
de l'Agriculture, d'importantes missions administratives.
Dès septembre 1914, il fut chargé d'organiser la reconstitution
de l'agriculture française dans les régions dévastées
au fur et à mesure de leur libération. Il s'agissait d'abord de
remettre en état les champs ravagés par les tirs d'artillerie.
Spire dirigea des expériences et fit entreprendre des recherches qui
facilitèrent le repérage des obus non éclatés enterrés
dans ces champs. En même temps, pour intensifier la reprise des travaux
entre l'Aisne et la Somme, il parcourut, à l'arrière de la zone
des armées et dans cette zone même, un territoire de près
de soixante mille hectares. Multipliant réunions et conférences,
il s'efforçait de montrer aux habitants des villes et des villages reconquis
la force de l'association, de l'entraide. A la fin de la guerre il avait rédigé
les statuts de plus de cent vint coopératives agricoles et les avait
fait adopter par la quasi-totalité de la population paysanne non mobilisée
de quatre départements.
Elle ne contient que neuf poèmes, dont les dates de composition sont comprises entre avril 1914 et juillet 1915. On y retrouve tous les caractères de la poésie d'André Spire : générosité sociale, réalisme satirique, acuité des sensations. Le poète y bafoue, dans les poèmes antérieurs à la mobilisation, les sots qui "pleurnichent" sur la "décadence" de la France et le "fils de famille en bottes jaunes" indigné, le lendemain du 14 juillet, de voir le Bois "plein de papier gras". Quand la guerre est là, il dénonce, autant que ces "petites gens" qui trafiquent pendant qu'on "tue", les journalistes qui à Paris et à Bordeaux "fanfaronnent" dans des "feuilles bien payantes" et entretiennent "d'un cœur sec" le "choquant plaisir" des lecteurs.
La guerre, le poète l'abhorre, lui qui cherche "Sur les cartes" un coin dans le monde "où l'on ne haïsse pas". II sait pourtant que, s'il a aimé les villages de France "comme on aime une belle passante", il les aime maintenant comme son "bien", son "propre", sa "chose". Et si profond est son amour que ces villages, ces campagnes, il va jusqu'à repousser la tentation d'en subir le charme pour ne penser qu'à leur défense :
Il faut tout oublier hormis toi-même, Homme, Qui, lorsque ton voisin convoite ta compagne, Menace tes petits, ta maison, ton enclos, Veut détruire ta langue, ta langue : ta pensée, Boucle ton ceinturon et charge ton fusil. |
Le poète aurait voulu agir, soulever l'opinion, obtenir du moins des secours pour les victimes. Mais il ne pouvait se déplacer que dans la mesure où ses affaires industrielles ou sa mission administrative l'exigeaient. Quant aux sujets sur lesquels il souhaitait écrire, ils n'étaient pas de ceux que la presse française pouvait traiter. Il estima donc que la meilleure tâche qu'il pût accomplir était de préparer "le dossier de la Question juive pour la Conférence de la paix". Continuant à rassembler des faits, des statistiques, des témoignages, il se mit à les ordonner, à les replacer dans l'immense contexte de la conflagration mondiale. Ce fut la matière d'un livre, Les Juifs et la guerre, qui devait paraître chez Payot en 1917.
Lorsqu'il le rédigea ce livre, Spire était encore territorialiste. C'est-à-dire qu'il considérait le sionisme comme une utopie. Mais il assistait à la guerre en observateur attentif et il voyait se profiler sur la carte des opérations, derrière et par-dessus les armées, l'ombre des événements politiques qui de l'utopie allaient faire une réalité. Il pressentait, son dernier chapitre le prouve, que le futur Congrès de la paix aurait à se prononcer sur "le démembrement de certaines contrées", Sur "des échanges volontaires ou involontaires de territoires". La "question de la colonisation de la Palestine" lui apparaissait comme un cas particulier de cette situation générale et il pensait que, dans cette éventualité, "le rôle du Congrès" serait "de déterminer le statut de ces Juifs originaires de tous les pays du monde qui, dès que le néfaste régime de la précarité ottomane" aurait vécu, se dirigeraient alors "vers la Palestine".
L'ouvrage d'André Spire vint à son heure. L'année 1917 apporta un progrès sensible de l'idée sioniste, sinon dans l'opinion, du moins dans les cercles gouvernementaux de l'Entente et les salles de rédaction. A une phase de la guerre où il était essentiel, pour emporter la décision, d'obtenir en dollars et en hommes l'appui des Etats-Unis, on tenait grand compte chez nous et nos alliés de l'importance accordée par les Américains à cette idée. Les Juifs et la guerre trouvèrent dans le climat ainsi créé un public, non pas considérable, mais de qualité. Des milieux français de plus en plus larges s'assimilèrent la notion de "nationalisme de justice" qui, selon Spire, caractérisait le sionisme en face du nationalisme allemand, "nationalisme de force".
Ces deux événements stimulèrent l'action militante d'André Spire. En janvier 1918, entouré d'une vingtaine d'intellectuels, il créa la Ligue des Amis du Sionisme, multiplia les démarches, prononça des conférences, écrivit des tracts et des articles. Presque aussitôt le Comité National d'Etudes sociales et économiques l'invita à présenter les revendications sionistes au cours des trois séances solennelles qu'il devait tenir à la Cour de Cassation. Le Sénat, la Chambre des Députés, la Cour de Cassation, le Conseil d'Etat, la Sorbonne, l'Ecole de Droit y étaient représentés, ainsi que le barreau et les divers cultes.
La discussion fut chaude, Spire rencontra des contradicteurs tour à tour violents et insinuants. Si l'hostilité de Mgr Baudrillart demeura silencieuse, celle du R. P. Lagrange ironique et perfide, celle du Grand Rabbin Israël Lévi parée de neutralité, voire d'indifférence, le délégué syrien, M. Magdelaine, n'hésita pas à menacer de massacres une Palestine devenue juive ! Soutenu par Baruch Hagani et par une "mordante" universitaire, Mlle Schach, Spire se défendit " comme il put". C'est du moins ce qu'il prétendit dans sa conférence de 1934. Car la thèse de l' "Etat Juif" lui paraissait encore "indéfendable" en France et il s'était borné à soutenir le "foyer national" et la "liberté des diverses confessions" dans une Palestine "soumise au mandat d'une grande puissance européenne".
Mais il n'était pas clans la nature du poète d'accueillir les
scrupules politiques du militant. Et le poème que Spire écrivit
en juin 1918, bien qu'il portât en épigraphe la parole même
de Lord Balfour : "A national home for the jewish people",
répondit pleinement à son titre, A la Nation juive.
En composant ce poème, qui fut certes jaillissement, mais dont le lyrisme
demeura lucide, André Spire retrouva intacte, aussi jeune, aussi passionnée,
aussi hardie, l'inspiration qui, dix ans plus tôt, lui avait dicté
Ecoute, Israël
et Exode. Les trois poèmes,
désormais inséparables, resteront en leur unité la trilogie
héroïque du patriotisme juif. Ecoute, Israël est le
chant de la Self-Defense, Exode celui du territorialisme. A la
Nation juive, leur conclusion, est le chant du sionisme : c'est un cri
de joie et de victoire.
Il prélude par un rappel du geste de l'Angleterre. Il rend ensuite hommage
au peuple juif qui, pour avoir préféré "l'ignominie
à la renonciation", fut "grand dans sa bassesse". Ce peuple,
conclura-t-il, doit maintenant montrer aux autres peuples que, s'il est fidèle
à son passé, il possède "assez de bras courageux"
et de "cerveaux" pour devenir un peuple moderne, libéré
"de son vieux péché", prêt à l'action,
à l'industrie, aux sports, à l'art :
Un peuple où il y aura des pères et des mères,
Mais aussi des garçons amoureux Et des jeunes filles dansantes, Des fronts tenaces, des mains vaillantes, Mais des mains caressantes aussi, Qui sauront disposer les soies et les laines, Qui broieront les couleurs, pétriront la glaise, Et glorifieront, dans le marbre, Ta beauté, Israël ! |
Comme l'écrivait. Rabi en octobre 1950 dans la Revue de la Pensée juive, "à ce moment, ils n'étaient pas très nombreux, les Juifs français favorables au sionisme". Et l'Alliance Israélite Universelle, présidée par Sylvain Lévi, réussissait à glisser peu à peu derrière les murs du Quai d'Orsay une sorte d'office d'information chargé de contrecarrer l'influence que précisément exerçait Spire. Mais les sionistes se défendirent, Palestine Nouvelle distribua des " tapes assez rudes" aux antisionistes français et, fidèle à la promesse de 1917, la Conférence, où André Spire représentait les sionistes de France, loin d'écouter ces officieux, décida pour les Juifs "qui ne pourraient ou ne voudraient vivre dans leurs patries actuelles" la création d'un "home national" en Palestine.
Spire lui-même, dans Quelques Juifs et demi-Juifs, raconte qu'alors, "au lieu de se réjouir avec l'immense masse de la population juive opprimée et pauvre" à qui réparation était faite, "les Juifs les plus notables rechignèrent, protestèrent ou s'abstinrent". La Conférence de la Paix, surprise et "indignée", poursuit-il, "entendit l'orientaliste Sylvain Lévi, l'homme charmant et bon qui avait dévoué sa vie aux causes juives, déclarer que le Judaïsme officiel de France ne désirait pas, craignait même la réalisation du Sionisme". Plus tard André Spire dira, non sans tristesse, aux Compagnons Juifs que, "dans les milieux sionistes anglais et américains", il sentit "longtemps encore la méfiance envers la France".
L'ouvrage sortit des presses le 15 novembre, en pleine période de négociations pour la paix et eut un grand retentissement. Il s'ouvre sur un bref Avant-Propos rappelant l'Affaire et les massacres de Russie au début du siècle. C'est là que pour la première fois Spire distingua entre " poèmes juifs" et "poèmes à sujets bibliques". C'est là qu'il reconnut n'avoir "peut-être pas une seule croyance vraiment juive" et ne devoir sa conscience judaïque qu'au milieu familial, il sa lignée, aux traditions de sa province. Sa conclusion, et non seulement pour le trait d'humour de la chute, mérite d'être citée :
"Peut-être nous saura-t-on gré d'avoir osé exprimer cette qualité particulière de sentiment dès 1905, c'est-à-dire dans un temps où la plupart des littérateurs juifs essayaient de se faire pardonner leur origine en étouffant ce qu'il y avait en eux de plus profond, et peut-être de meilleur, et en ne laissant vibrer que la pellicule française qu'avaient posée sur leur cœur quelques années d'études classiques et de papotage parisien."
Le poète ne fut pas déçu. Il ne rencontra chez les colons juifs de Palestine ni des illuminés ni des lâches, mais des pionniers et des héros. Ce n'était plus, comme en Pologne, en Russie, en Roumanie, des masses ne connaissant "devant le danger" que "la fuite éperdue" : c'était " un peuple" digne et courageux, "demandant des armes et des chefs", forçant à l'estime "les coloniaux anglais habitués au fatalisme" des foules orientales, et " les consuls français", entraînés par "une séculaire fréquentation du Saint-Sépulcre" à regarder les Juifs "d'un peu loin, d'un peu haut".
Mais le péché originel selon André Spire n'est pas celui de la Bible, celui dont Dieu punit Adam et Eve en les chassant du Paradis terrestre. C'est celui que Samaël, le démon tentateur de la Genèse, après avoir inspiré au premier couple le goût de la vie, ne cesse d'imposer à l'humanité entière en lui en inspirant le dégoût. C'est le désir du retour à l'Eden. C'est le besoin d'évasion, la peur de l'effort, la lâcheté devant la lutte. C'est l'utopie d'un pacifisme paresseux, non de raison, non de construction, mais de rêve. Spire y pressentait la menace de maux plus redoutables que ceux dont avaient souffert les générations passées. Et ce Samaël qu'on cataloguerait " poème biblique" si l'on s'en tenait à son point de départ, se présentait plutôt au moment de sa parution comme une anticipation.
André Spire, la guerre finie, avait repris ses fonctions au ministère de l'Agriculture et, à la demande des Délégations juives, fut chargé par le gouvernement français d'entreprendre, en Tchécoslovaquie, en Roumanie et en Bessarabie, une tournée de prospection à la recherche d'ouvriers agricoles. Il partit donc en juin 1925 et, dès son retour, créa, dans le Comtat Venaissin, aux environs d'Avignon et de Carpentras, puis dans le Languedoc, des Centres de Placement qui, à partir de 1926, installèrent et mirent au travail de nombreux ouvriers juifs et même des familles entières. Mais le poète avait compté sans l'antisionisme têtu des dirigeants parisiens du judaïsme officiel qui détournèrent de son véritable objet l'œuvre d'André Spire, puis l'obligèrent à la liquider en plein développement.
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