Au sortir de la seconde guerre mondiale, sept hommes ayant trouvé la mort durant le conflit ont été inhumés au cimetière israélite d’Ettendorf. Originaires des villages alentours, chacun d’eux a reçu la mention "Mort pour la France". Pourtant, aucune action n’avait été entreprise jusqu’à ce jour pour leur rendre hommage.
Cet oubli a été réparé le 1er octobre 2017 grâce à une cérémonie organisée par le Souvenir français, l’Aumônerie israélite des Armées et la Commune d’Ettendorf, en partenariat avec le Centre européen du résistant déporté (CERD), l'ONACVG, l’Association de préservation du cimetière israélite d’Ettendorf et le Consistoire du Bas-Rhin.
Parce qu’une commémoration doit également permettre la transmission de l’histoire et de la mémoire auprès des plus jeunes, l’équipe du CERD a conçu une animation pédagogique spécialement pour cet évènement, et elle est intervenue dans la classe de l’école primaire d’Ettendorf le lundi 25 septembre dans la matinée.
Madame Renée Geismann, qui a échappé aux rafles avec sa famille juive d’Alsace, est venue raconter aux élèves ce que fut sa vie de petite fille pendant la guerre.
Les élèves ont put ainsi apprendre l’histoire de ces Juifs qui habitaient dans les villages autour d’Ettendorf, ce qu’était leur vie avant et pendant la guerre, comment ils se sont engagés pour lutter contre le nazisme et la collaboration, et dans quelles conditions ils ont trouvé la mort. L'animation pédagogique était fondée sur le principe du jeu de l’oie, les cases symbolisant les principaux évènements de la guerre de façon chronologique. Les faits marquants de la vie des sept personnes honorées y étaient indiqués à côté des principaux faits marquants de la guerre.
Parfaitement informés du destin de ces hommes, ils ont pris ensuite une part active dans l’hommage officiel qui leur a été rendu le 1er octobre au cimetière israélite d’Ettendorf.
L'animation pédagogique en classe |
Les écoliers assistent à la cérémonie du souvenir en présentant leur travail ; à la tribune, Frédérique Neau-Dufour |
Extraits du discours de Frédérique NEAU-DUFOUR,
directrice du Centre européen du résistant déporté
Jonathan Blum avec les élèves du C?2 |
Les sept hommes que nous honorons partagent un certain nombre de caractères : ils sont nés en Alsace, ils ont vécu près d’ici, ils appartenaient aux communautés juives de Pfaffenhofen, de Buswiller, de Hochfelden, de Minversheim. Tous sont morts en tant que Français au cours de la seconde guerre mondiale. Tous ont trouvé la mort dans des circonstances brutales, soit en tant que militaires, soit en tant que civils visés pour leur judaïsme. C’est à ces deux titres qu’ils ont été faits "mort pour la France" . Entre 1940 et 1944, l’un perdit la vie en Bretagne, l’autre en Alsace, deux dans le Puy-de-Dôme, un dans le Cher et deux en Dordogne. (…)
Je voudrais présenter le plus humainement possible chacun de ces sept hommes, tués dans la plus grande inhumanité. Je serai aidée par les élèves de CM2 de Mme Frossart, enseignante à Ettendorf. Depuis un mois, grâce à l’implication passionnée de leur maîtresse, ils ont appris à connaitre l’histoire de cette période et celle de ces sept morts pour la France. Pour ceux dont nous n’avons pas retrouvé les photographies, ils ont dessiné un portrait imaginaire. Un geste qu’aurait apprécié Romain Gary, ce Compagnon de la Libération qui pensait que le "devoir d’imagination" était bien plus précieux que le "devoir de mémoire".
Il ne reste pas de photographie de Gaston SCHWAB, qui est né en 1902 à Hochfelden. Sa biographie, telle que nous la connaissons, se limite à quelques éléments d’une brève carrière militaire : rappelé en activité dans l’artillerie lourde en 1939, Gaston Schwab se trouve le 17 juin 1940 avec son régiment dans un train stationné en gare de Rennes lorsque l’aviation allemande largue ses bombes. Garé près d’un convoi de munitions, le train du 212e RA est intégralement détruit. Plus d’un millier de personnes sont tuées en ce 17 juin, parmi lesquelles Gaston Schwab. Tuées le lendemain du 16 juin, qui vit le maréchal Pétain appeler les Français à cesser le combat. Tuées sans avoir entendu l’appel que lancerait le lendemain sur les ondes de la BBC le général de Gaulle.
Léon BECKER est né en 1911 à Minversheim. Il reste de lui une photographie prise en 1932 pendant son service militaire, coiffé d’un béret qui lui tombe sur l’oreille. Cette photographie a été déchirée, et j’ai été frappée de voir que la déchirure passait au niveau du cou, comme si un trait prémonitoire avait décidé de sa fin. Léon Becker fut mobilisé en 1939 et rejoignit son régiment près d’Obernai. Sa seconde guerre mondiale eut pour théâtre son Alsace natale, puisqu’il combattit dans le secteur de Wissembourg-Molsheim-Urmatt. C’est également en Alsace qu’il fut fait prisonnier, et là qu’il mourut le 23 juin 1940 : parfaitement conscient du sort qu’il l’attendait, en tant que Juif, dans une Alsace annexée de f ait par les nazis, il préféra mettre fin à ses jours.
Léon Becker avait deux frères cadets, Sylvain et Julien, nés comme lui à Minversheim. En septembre 1939, lorsque la guerre est déclarée, ils sont appelés sous les drapeaux comme leur frère aîné, pour défendre la France. La photo qu’il nous reste d’eux date d’ailleurs de leur période militaire. Ils se ressemblent : Julien tient ses gants dans sa main droite, esquisse un sourire, tandis que Sylvain a l’allure d’un jeune premier. Tous deux combattent au sein du 124e régiment d’artillerie lourde-autos, qui se replie en juin 1940 dans la région de Périgueux. A la fin du mois d’août, les frères sont démobilisés et choisissent de rester dans le sud-ouest plutôt que de retourner en Alsace. Ils s’installent à Ligueux en Dordogne, où leurs parents les rejoignent. Jeunes et en bonne forme, les deux frères travaillent comme ouvriers agricoles à la ferme Guichard-Duboureau. Leur vie y est sans doute heureuse, auprès des propriétaires qui les traitent avec égards. Cela dure trois ans, jusqu’au 29 mars 1944. Ce jour-là, 7 camions de la division allemande Brehmer arrivent à la ferme, accusant le fermier d’être un communiste terroriste. Arrêtés presque par hasard, les deux frères Becker n’osent s’échapper de peur de mettre en danger leur famille d’accueil qui, elle, se tait sur leur identité juive. Mais leurs papiers d’identité, où le tampon "Juif" figure en gros, les trahit. Conduits à la mairie de Thiviers, malmenés, les deux frères sont finalement fusillés à Nanteuil de Bourzac, en tant que Juifs.
Marcel et Roger GRADWOHL appartiennent à une très ancienne famille juive alsacienne. Marcel, l’aîné, est né en 1921. Son air doux et intelligent suggère qu’il était un être sensible et profond. Roger, son cadet de deux ans, possède encore dans ses traits une sorte de tendresse juvénile. Leur père est marchand de grains ambulant, tandis que leur mère tient un petit commerce de chaussures à Pfaffenhoffen. Une photographie montre les deux garçonnets avec leur maman, souriants, en chemisette blanche. On ne peut la regarder sans un profond sentiment de tristesse, alors qu’elle porte en elle tous les attributs du bonheur. Marcel sera tout au long de sa courte vie un homme engagé. (Voir la biographie détaillée de Marcel Gradwohl sur notre site)
[Lorsque Marcel s'engage dans la résistance aux côtés de Raymond Winter] son frère cadet Roger les suit. Il est alors étudiant. Il est également aux côtés de son frère, le 10 juin 1944, à Saint-Flour, lorsque la Gestapo et la Milice lancent une opération contre la résistance. Une quarantaine de personnes sont arrêtées, dont les deux frères et leur cousin Raymond Winter. Tous les suspects sont enfermés dans un hôtel dont le nom sonne de manière particulièrement tragique : l’hôtel Terminus. Quelques jours plus tard, les nazis choisissent 25 otages parmi les prisonniers. Ils sont conduits au Pont de Soubizergues et fusillés. Les trois cousins font partie du groupe, de même que deux autres juifs.
Michel METZGER, né en 1872 à Buswiller, était négociant en céréales. Il était un homme d’une certaine importance dans son village, propriétaire d’une grande maison et d’une grange situées à l’emplacement actuel de la mairie et de l’ancienne laiterie. Nous n’avons pas retrouvé de photographie de lui, aussi les enfants ont imaginé son portrait, celui d’un homme de plus de 70 ans. A l’automne 1939, Metzger se réfugie à Saint-Amand-Montrond, dans le Cher, où se trouve un groupe important de Juifs venu d’Alsace. Pendant ce temps, sa propriété de Buswiller est vendue aux enchères, comme si tout le monde était sûr qu’il ne reviendrait jamais. Dans le Cher, il vit des années de tranquillité inquiète. Mais les derniers mois de la guerre, pour lui comme pour beaucoup de Français, seront fatals. La hargne des nazis et de leurs collaborateurs explose au fur et à mesure que leur défaite devient inéluctable. Le 21 juillet 1944, la Milice et la Gestapo arrêtent la quasi-totalité de la communauté juive de Saint-Amand – 70 personnes. En trois jours, la moitié du groupe est conduite à un lieu-dit, Guerry, où elle est tuée dans des conditions particulièrement abominables, restée dans les mémoires sous le nom de "tragédie des puits de Guerry". Michel Metzger fait partie des victimes.
La mort de chacun de ces sept hommes nous renvoie à une facette de notre passé français, un passé complexe, difficile encore à démêler.
Léon Schwab nous rappelle combien furent acharnés les combats de mai 1940, où environ 80 000 Français périrent en à peine un mois et demi.
Léon Becker symbolise le désespoir des Français juifs lorsqu’ils comprirent qu’Hitler avait emporté la victoire dans le pays des droits de l’homme.
Le sort des frères Julien et Sylvain Becker fut celui des centaines de Juifs traqués dans le centre-ouest par la division allemande Brehmer, qui en seul mois tragique du printemps 1944 assassina sur place 200 hommes juifs et fit déporter 500 autres juifs, essentiellement femmes et enfants, vers Auschwitz-Birkenau.
L’assassinat des frères Gradwohl, comme celui de Michel Metzger, nous renvoie à la honte que représentent, au sein de notre nation, ces "bons Français" engagés dans la Milice pour aider la Gestapo dans son travail de répression. C’est un Français, Pierre Paoli, engagé dans le SD de Bourges, qui est l’un des responsables du massacre des Puits de Guerry. Son abjection est la nôtre.
Mais les gestes d’honneur appartiennent tout autant à notre passé français. N’oublions pas que les frères Becker, tout comme les frères Gradwohl, furent aidés par des compatriotes qui prirent des risques vitaux pour les protéger.
Alice Ferrières, l’amie des Gradwohl, fut l’une des premières Françaises à recevoir la médaille des Justes.
La famille Duboureau-Guichard, qui a abrité les frères Becker, a en réalité protégé leur famille entière. Marie-Louise Duboureau, la fille du fermier, était présente le jour où les deux frères Becker furent arrêtés. Avec un cran incroyable, du haut de ses 14 ans, elle sauva la vie de leur cousine Rose Weill en la couchant dans un lit et en expliquant aux nazis qu’elle était leur femme de ménage et qu’elle venait de faire un malaise. Après la guerre, la fille de Rose Weill entreprit une démarche pour que Marie-Louise Duboureau obtienne le titre de Juste parmi les nations. Elle le reçut en 1999.
Leur histoire fait revivre une France aujourd’hui disparue. Celle où les enfants juifs des localités rurales d’Alsace, à l’instar des frères Gradwohl, suivaient leur scolarité dans les écoles chrétiennes, simplement dispensés de cours religieux à la place desquels ils allaient aux leçons de Talmud Torah. Celle où le petit Marcel fréquentait les Eclaireurs unionistes, de tendance protestante, en attendant de rejoindre les Eclaireurs israélites. Il y avait alors des synagogues dans les villages, et lors de leurs fêtes, les juifs distribuaient les matzes aux voisins non juifs. Il y avait des boucheries cachères – deux à Pfaffenhofen.
Les juifs étaient de tous les milieux sociaux, certains tenaient une épicerie ou quincaillerie, d’autres vendaient des bestiaux, certains étaient colporteurs, d’autres avaient créé des entreprises. Dans certains villages, les hommes juifs faisaient partie du conseil municipal, et même du Souvenir français. Ce temps n’était certes pas un temps béni, l’antisémitisme s’y est exprimé aussi. Mais c’est un temps révolu.
La cérémonie d’aujourd’hui est une manière de le rendre vivant à nos yeux. La présence des élus, l’implication très active de la mairie d’Ettendorf, l’engouement qu’ont montré Mme Frossart et ses élèves, tout cela témoigne d’une synergie positive en faveur de la mémoire. La présence des familles de certains de nos sept morts pour la France, la présence de leurs descendants constitue à elle seule un signe fort que la vie, toujours, finit par l’emporter.
Extraits du discours de Christophe LOTIGIE,
Sous-Préfet de Saverne
Monsieur le Sénateur, représentant Monsieur le Président de la Région Grand Est,
Monsieur le Sénateur, Président de l’association des maires du Bas-Rhin,
Madame et Monsieur les Vice-Présidents représentant Monsieur le Président du Conseil Départemental,
Monsieur le Conseiller Régional,
Monsieur le Président de la communauté de communes du pays de la Zorn,
Monsieur le Maire d’Ettendorf,
Messieurs les Maires, Mesdames, Messieurs les élus,
Madame le Consul d’Allemagne, Monsieur le Consul d’Israël,
Mon Colonel, Délégué Militaire Départemental, Mon Colonel, commandant la base de défense de Strasbourg, Mon Colonel, commandant la place d’armes de Haguenau Mon Colonel, représentant le Général de la région de Gendarmerie d’Alsace,
Madame la Vice-Présidente des Anciens de la 2ème DB et BB, représentante de Monsieur le Général, Chancelier de la Légion d’Honneur,
Monsieur le Grand Rabbin de Strasbourg,
Monsieur le Président du Consistoire et Monsieur le Président Honoraire,
Messieurs les rabbins,
Messieurs les aumôniers militaires des cultes reconnus,
Monsieur l’aumônier militaire du culte musulman,
Monsieur le représentant du Conseil représentatif des institutions juives de France,
Monsieur le Directeur Départemental de l’Office National des Anciens Combattants,
Madame la Directrice du Centre Européen du Struthof, Vice-Présidente du Souvenir Français,
Madame et Messieurs les représentants du Souvenir Français,
Monsieur le Président de l’Association pour la Préservation du Cimetière Israélite d’Ettendorf,
Monsieur le Président de l’association du Musée Judéo-Alsacien de Bouxwiller,
Mesdames, Messieurs les Présidents d’associations,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames, Messieurs descendants des familles des personnes que nous honorons aujourd’hui,
Chers enfants de l’école d’Ettendorf, accompagnés par Madame la Directrice,
Mesdames et Messieurs,
Sans doute, parce que nous sommes dans cette Alsace où les imaginaires politiques et religieux peuvent être confondus depuis le plus profond de son histoire et que subsiste un droit particulier des cultes, vous permettrez au représentant de l’État de commencer, exceptionnellement, son propos en invoquant le Deutéronome (29:28) : "ce qui s’est produit au grand jour, relève de nous".
Oui ce pourquoi nous sommes ici, ce qui nous rassemble, ce n’est pas, simplement, l’idée de faire histoire, de rappeler un passé qui est encore à l’échelle humaine, c’est hier que cela s’est produit, ce qui nous réunit, c’est un devoir, trop souvent négligé. C’est un devoir qui relève de nous, de notre responsabilité.
Cette responsabilité, elle n’est pas de faire histoire. L’histoire relève des historiens. Sinon, nous prendrions le risque de nous raconter des histoires sur notre histoire. Notre responsabilité est de faire mémoire et de lutter contre l’oubli. Car l’oubli peut être rapidement une injure au passé, une insulte aux morts, le ferment de toutes les haines, le poison de l’antisémitisme.
Le bris de la stèle d’Izieu, cet été, le fanatisme terroriste auquel nous devons faire face au quotidien , j'ai également à l’esprit la profanation du cimetière de Sarre-Union, de 2015. Cela en constitue la triste réalité.
Le rôle de l’État, sa responsabilité sont, donc, de contribuer à faire mémoire en rappelant, d’abord, que les morts que nous honorons aujourd’hui, comme ceux qui figurent sur le mémorial qui côtoie cette stèle, comme ceux qui sont inscrits sur le Memorbuch ou sur le mur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, ont disparu parce que la France d’hier n’était pas celle d’aujourd'hui . A cette époque, notre pays a écrit l’une des pages les plus noires de son histoire, sinon la plus noire.
Roger et Marcel Grandwohl, vous qui êtes ici maintenant, vous aviez 23 et 21 ans. Vous avez été assassinés par la milice pour actes de résistance ; vous avez été assassinés par des Français. Le Président de la République a dit cette exigence de vérité et Monsieur le Préfet de la région Grand Est, Préfet du Bas-Rhin l’a rappelé, à la Synagogue, Monsieur le Grand Rabbin, lors de votre intronisation, il y a à peine trois semaines.
Le rôle de l’État, c’est, aussi, au-delà d’une parole forte, de poser des actes et de soutenir celles et ceux qui participent à cette œuvre de mémoire. Un hommage doit être rendu au Souvenir Français; je pense en particulier au président du comité de Hochfelden qui a entrepris, avec ses collègues du comité d’Ettendorf et Monsieur l’aumônier militaire, Jonathan Blum, un long et patient travail de remémoration à travers la France pour reconstituer les destinées de ceux que nous honorons aujourd’hui et permettre ainsi l’érection de cette stèle.
Je souhaite saluer, également, l’Office National des Anciens Combattants, le Souvenir Français, le Consistoire et le Centre Européen du Résistant Déporté installé sur le site d’extermination de Natzweiler-Struthof.
Je tiens à souligner la qualité remarquable du travail que le Centre Européen a engagé, notamment, sous l’impulsion de sa directrice. L’oeuvre d’histoire y rejoint le devoir de mémoire. C’est, en particulier, l’objet même du projet mémoriel qui vient d’être lancé, de part et d’autre du Rhin sur ce réseau de plus de 50 camps annexes que les nazis avaient organisé autour du Struthof et de Natzweiler.
Madame le Consul d’Allemagne, nos deux pays ont une histoire et des lieux de mémoire partagés. Comme en témoigne votre présence parmi nous, ce projet en est une belle illustration. J’emprunte cette expression de " lieux de mémoire" à l'historien Pierre Nora, d’une part, parce que le même travail a été conduit en France et en Allemagne, mais d’autre part, parce que ce cimetière où nous nous trouvons, répond, également, à la définition de lieu de mémoire. Que ceux qui oeuvrent pour la préservation de cette nécropole, de ce très beau témoignage de l’ancienneté de la présence juive dans nos campagnes, en soient remerciés.
Cet engagement de l’État est, aussi, celui des collectivités territoriales, de leurs élus. Je suis heureux de la présence de très nombreux maires auprès de M. Weiss, Maire d’Ettendorf et des élus de son conseil qui se sont investis pour permettre la réalisation de ce projet et assurer la parfaite organisation de cette cérémonie.
Mais, j’aimerais aussi souligner, en présence de leurs représentants, l’engagement de la Région et du Conseil Départemental. Cet engagement de ces deux collectivités me permet d’évoquer une personnalité locale, aujourd’hui disparue. Je pense à Jean Samuel qui, à Auschwitz, fut le compagnon d’infortune et d’enfer de Primo Lévi. Comme l’auteur de Si c’est un homme, qui fait écho au propos biblique "ecce homo", le Strasbourgeois, Jean Samuel fut un infatigable combattant du révisionnisme et du négationnisme. C’est sur son idée que la Région a conçu le programme annuel qui permet à nos lycéens d’aller à Auschwitz pour y comprendre que cela fut pire que l’enfer de Dante. C’est aussi le message du poème de Primo Lévi dit par les enfants d’Ettendorf.
Dans le même esprit, j’observe que notre cérémonie coïncide avec la réouverture du Mémorial de Schirmeck. Consacré à cette période de la dernière guerre, le Mémorial ouvre un nouvel espace dédié à l’Europe. Faire mémoire, ce n’est pas simplement lutter contre l’oubli, c’est aussi s’inscrire dans le présent.
(…)
Mesdames, Messieurs, vous représentez les familles des morts que nous honorons, Julien, Léon et Sylvain Becker, les jeunes Grandwohl dont j’ai évoqué le sacrifice, Michel Metzger et Gaston Schwab. Ils ont été assassinés par les SS, par la milice. Ils ont été des résistants, ils sont morts sous les bombardements. J’aimerais, parce que nous sommes en période de Kippour et du Grand Pardon, évoquer à leur attention et à votre intention, les propos d’un de vos prédécesseurs, Monsieur le Grand Rabbin. En effet, je pense à ce que disait le Rabbin Deutsch qui n’était pas encore Grand Rabbin, lors du Kippour, en 1946, voici donc 71 ans.
"Ne faisons pas parler les morts. Il n’y a pas à être dans l’affliction stérile, ni dans l’oubli outrageux, nous qui sommes rescapés des persécutions",
et il ajoutait "ce qui s’est produit au grand jour relève de nous". Je souhaitais commencer mon propos par cette réflexion.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
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