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Ceci nous explique pourquoi le premier écho de l'appel de Herzl retentit en Alsace plus spécialement dans les familles traditionalistes. Le Groupement Sioniste de Strasbourg, qui compte parmi les plus anciens du Mouvement Sioniste, recrutait ainsi ses premiers membres dans les milieux orthodoxes de la ville, alors que les milieux assimilés en restaient éloignés.
Cette situation changea avec le Congrès de La Haye, lorsque le mouvement sioniste inscrivit à son programme - jusqu'alors uniquement politique - le travail culturel juif. Certains des anciens membres quittèrent alors le mouvement sioniste dont le caractère changea par l'entrée d'éléments plus jeunes, notamment estudiantins. Car ce qui portait le jeune étudiant juif d'Alsace vers le sionisme, ce n'était pas tant sa conception traditionaliste que le dilemme entre la culture germanique dans laquelle il vivait et la culture française, à laquelle il aspirait secrètement. Pour échapper à ce dilemme national, il se déclarait Juif nationaliste ou sioniste.
Le groupe d'étudiants sionistes qui ne réunissait qu'une petite élite, a profondément marqué la vie sociale juive de Strasbourg durant la première guerre mondiale. A cette époque fut créé un mouvement de jeunesse sioniste devenu plus tard la "Hatikwah" qui joua un rôle de premier plan jusqu'en 1939. Un cercle de jeunes filles juives eut une vie autonome, mais de courte durée.
Après le retour de l'Alsace à la France en 1918, le dilemme entre les cultures allemandes et françaises n'existant plus, de nombreux juifs alsaciens considérèrent que le sionisme n'avait, pour eux, plus de raison d'être. Cette conception très particulière du nationalisme juif provoqua naturellement une crise morale au sein du Groupement Sioniste dont l'activité fut pratiquement arrêtée pendant plusieurs années.
Le travail sioniste se trouva donc entièrement concentré entre les mains des jeunes qui, formés par le Mouvement de Jeunesse dont Jean Schrameck avait été un des guides fidèles, y avaient trouvé un idéal juif, plus social et culturel que politique. Ces jeunes avaient créé, après la première guerre mondiale, l'hebdomadaire Le Juif qui devint plus tard la Tribune Juive, précédant l'actuel Bulletin de Nos Communautés.
Cette même jeunesse reprit, sous une forme amplifiée, le travail du Kéren Kayémeth Leisraël, qui constituait à cette époque le seul fonds de collecte sioniste.On peut dire que grâce à cette activité de la jeunesse dans le petit local bien connu de la rue de l'Ail, les anciens du Groupement, une fois la crise surmontée, purent reprendre leur place au sein de l'organisation sioniste locale.
Pendant assez longtemps, le sionisme alsacien sut conserver son caractère général et apolitique; mais au contact d'autres mouvements similaires et sous l'influence de jeunes, venus à Strasbourg de différents pays, comme étudiants ou comme 'haloutsim , l'élément politique s'accentua et conduisit, finalement, au fractionnement du mouvement unique en plusieurs mouvements de jeunesse : d'abord le Mizrahi, parti religieux, puis le Poale Zion, parti socialiste ; quelque dix ans plus tard un groupe de révisionnistes, cantonné dans les milieux estudiantins, et, enfin, peu de temps avant la deuxième guerre mondiale, le groupe du Hashomer Hatsaïr, sionisme de gauche, qui absorbait une fraction de l'ancien mouvement de jeunesse Hatikwah.
Avec la diversité croissante des aspirations sionistes, il devenait de plus en plus urgent d'unir les efforts de tous les groupes en une seule organisation. C'est le mérite de Léopold Metzger d'avoir, dès 1925, jeté les bases d'une Union Régionale des Sionistes de l'Est de la France qui groupa toutes les organisations sionistes d'Alsace et de Lorraine et dont il sut faire un organisme puissant et actif.
L'extension du travail sioniste a montré la nécessité d'un groupement féminin au sein de l'Organisation Sioniste Générale. Cette idée fut lancée à Strasbourg en 1923, par Miss Leone et sa soeur Mrs Gotheil, femme du professeur Gotheil de l'Université de Columbia qui avait été nommé pendant une année professeur d'échange à l'Université de Strasbourg. Elle aboutit à cette époque à l'organisation d'un groupe parasioniste, l'Union des Dames juives qui, sous la direction de Madame Rosenthal-Baumann, prit une extension rapide, avec de nombreuses filiales dans la campagne d'Alsace.
Mais le caractère philanthropique trop accentué de ces sections, amena bientôt une scission, et les éléments très sionistes constituèrent, vers 1930, sous l'égide de Madame Claire Braunberger, les groupements GHALEI (Gedoud ha-ovdoth Leérez Israël - groupement de femmes travaillant pour Israël), actuellement WIZO. Par leur activité éducative et sociale, ces groupements devenaient bientôt un des piliers de l'Union Régionale des Sionistes.
La concentration disciplinée de ces efforts sionistes permit à l'Alsace-Lorraine de trouver une représentation permanente aux Congrès Sionistes d'après 1919 et de devenir une force active sur l'échiquier du sionisme français.
Lors de l'avènement d'Hitler et de la dispersion du judaïsme d'Europe Centrale, le sionisme d'Alsace-Lorraine participa activement à l'oeuvre d'accueil et de reclassement des réfugiés : on vit la création de plusieurs centres d'apprentissage agricole - Altwies, Bouxwiller, les centres isolés de Ingenheim, etc... qui accueillirent plusieurs centaines de 'haloutsim avant leur émigration.
L'idée'haloustique n'avait pas attendu l'avènement d'Hitler pour se manifester dans la jeunesse sioniste d'Alsace. Dès 1923, des 'haverim de la Hatikwah partirent en Israël et d'autres départs isolés suivirent. Mais ces pionniers s'intégrèrent dans le mouvement mondial d'Alyah et on ne les retrouve pas, dans le pays, en groupes d'origine comme ce fut le cas plus tard.
Parallèlement aux centres de Hakhshara de tendances diverses, se constituent les premières sections des divers mouvements 'haloutsiques : Hé'haloutz, Poal Hamisra'h, Agoudah. A cette même époque, en 1929, le mouvement des Eclaireurs Israélites de France, fut créé en Alsace grâce à l'initiative de quelques anciens chefs de la Hatikwah et de l'Emouna qui était un cercle de jeunesse juive religieuse : il toucha une large couche de la jeunesse juive des trois départements et marqua une tendance nettement prosioniste.
Lorsqu' en 1920 l'Organisation Sioniste Mondiale décida la création du Keren Hayessod, Fonds de reconstruction et d'équipement, un comité local fut créé sous la Présidence d'Armand Alexandre. Celui-ci devait animer et diriger cet organisme avec le dynamisme et la compétence que nous lui avons connus; il n'en lâcha les rênes qu'à sa mort en 1950. La vice-présidence du Kéren Hayessod fut assumée par le Docteur Robert Lévy-Dreyfus, dont le sionisme d'Alsace pleure la mort récente. Animé d'une foi sioniste ardente, pénétré du sens historique du destin du peuple juif, il représente pour toute la génération qu'il a guidée et influencée, le type même du militant sioniste au-dessus de la mêlée des partis, le lutteur désintéressé, méprisant les honneurs, n'ayant qu'un objectif : servir la grandeur d'Israël.
Le Kéren Kayémeth Leisraël déploya également une activité considérable sous l'impulsion et la direction du Rabbin Victor Marx, de Maître Edouard Bing et du professeur Myrtil Bloch. Il faut citer également le travail remarquable d'efficacité accompli par le "G'doud K.K.L." des jeunes dont le mérite revient à Edmond Blum.
Cette esquisse ne peut être que fragmentaire et incomplète, en effet, les archives ont disparu ainsi que les rares notes que je pouvais posséder.