Une synagogue datant de 1726 nécessitait des réparations en 1843 et devait être agrandie. Elle sera remplacée par un bâtiment construit en 1864. En 1936, la synagogue est vendue à la commune et transformée provisoirement en salle de classe. Elle sera finalement démolie en 1949.
Il ne subsiste du judaïsme de Surbourg, siège de rabbinat jusque vers 1865, qu'une inscription sur la poutre d'une maison d'habitation.
Suite à notre Histoire sociale des Juifs de Soultz-sous-Forêts (3), nous pouvons compléter ce panorama. La démarche se justifie : Soultz et Surbourg ont accueilli pendant un certain temps les communautés les plus nombreuses du canton ; et Soultz, la plus nombreuse de l'arrondissement. Elles ont été longtemps en "rivalité " pour ce leadership, jusqu'à ce que Soultz l'ait remporté en 1865 avec le transfert en ses murs du rabbinat "cantonal " installé depuis 1797 à Surbourg. Mais laquelle des deux est la plus ancienne ?
Ville seigneuriale ou village d'Empire ?
A priori, ce serait Soultz. Le 9 janvier 1348, les sires de Fleckenstein
obtenaient en effet du nouvel empereur Charles IV de Luxembourg le droit d'accueillir
dans leur naissante bourgade quatrer familles juives, sans doute à
prendre parmi celles alors expulsées par le magistrat de Haguenau.
Mais rien n'indique que cette libéralité a eu un effet immédiat,
les juifs ayant été réadmis à Haguenau dès
1354. Au mieux, Soultz n'a pas accueilli plus de deux familles comme l'indique
le dénombrement de 1716.
Les juifs nominalement connus de la période Fleckenstein (jusqu'en
1720) sont donc rares : - Lehmann,
mentionné en 1573, mais domicilié alors à Memmelshoffen
et pour lors seul prêteur juif autorisé dans la prévôté
(4)
;
- Alexandre cité en 1579 (5-6)
;
- Baruch cité en 1587 (5)
;
- Hirtz Reinau cité en 1711 (7)
;
- Lazar der Judt, seul juif mentionné par le livre
terrier de 1719. Il habitait dans le quartier de l'église, entre le
Kirchhof et le Kirchgassel (8).
A l'inverse, Surbourg est alors un village d'Empire (Reichsdorf) de la Landvogtei de Haguenau créée en 1280 par l'Empereur Rodolphe de Habsbourg autour du château impérial des Hohenstaufen. La date de la première implantation n'est pas connue. Mais une rue des Juifs y est signalée en 1408. La locution Judengasse est encore utilisée à Surbourg le 22 mai 1839 (9). Elle correspond au début de l'actuelle rue du maréchal Leclerc, partant en direction de Gunstett.
Mais cette population fluctue selon les variations de la politique de l'Empereur et de la ville de Haguenau envers les juifs. Sept familles israélites sont réputées y avoir payé leur impôt en 1449 (ou 1549 ?). En 1507, le village est l'une des vingt localités de la Basse-Alsace (avec Riedseltz, Soultz, Hatten, Buhl et Betschdorf au nord de la forêt de Haguenau), qui ont donné asile aux 60 familles juives alors chassées par le Landvogt (10). Trois familles juives y vivent vers 1530.
La communauté continue de tenir son rang après le décès en 1554 de Josselmann de Rosheim, le syndic de tous les juifs du Saint-Empire. C'est alors Lazarus de Surbourg qui endosse en effet la fonction de Parnoss [président] des Juifs vivant dans la Landvogtei. Il écrit aussitôt à l'Unterlandvogt, qui est d'ailleurs alors un baron de Fleckenstein, pour le prier, mais en vain, de ne pas entériner la suppression du cimetière juif du Reichsdorf de Dangolsheim, qui avait été ordonnée suite à une querelle violente entre un Juif et un Chrétien (10).
Le climat général ne s'améliora pas. Le 2 juillet 1561, dans un règlement édicté à Vienne, Ferdinand d'Autriche n'autorise plus qu'un seul ménage juif dans onze villages de la Landvogtei, dont Surbourg, et cela contre un droit de protection exorbitant de 2 florins par an. Aucune synagogue ne pouvait y être ouverte sous peine d'une amende d'un marc d'argent. L'hébergement de coreligionnaires de passage devait être pré-déclaré et ne pouvait outrepasser deux nuits, sous peine d'une double amende d'un florin par Juif hébergé et par nuit pour les visiteurs comme pour leurs hôtes.
Ferdinand interdit alors également les prêts aux chrétiens gagés par des biens-fonds et autres immeubles. Seuls étaient autorisés les prêts urgents au taux de 5 %, s'ils étaient pré-déclarés au Landvogt par l'emprunteur accompagné de sa femme et de leur prêteur juif. Les enterrements de juifs étaient interdits le dimanche et autres jours de fêtes chrétiennes. Tout juif discutant de religion avec un chrétien était puni de prison. Pendant toute la Semaine-Sainte, les juifs des Reichsdörfer devaient rester chez eux, portes et fenêtres closes, sans habits de fête. Pour tout mariage juif, il fallait l'autorisation préalable du Landvogt. Les bains rituels des femmes devaient être pratiqués en cachette aussi tard que possible (5)...
La permission de Maximilien II
Cet édit doit être rapproché de la permission (Freiheit) que l'Empereur Maximilien II accordera le 21 août 1572 à Henri de Fleckenstein-Bickenbach-Sulz et son cousin Hans (qui venaient de se convertir au luthéranisme), d'encadrer à leur tour le prêt juif. La Verkundung en fut faite au Frohnacker de Soultz "auf der Lauben" le 19 octobre 1573. Les prêts gagés sur des biens immobiliers ne pouvaient être conclus qu'après autorisation des barons. N'étaient dispensées de ce préalable que les transactions portant sur la nourriture ainsi que les achats payés comptant, devant satisfaire les besoins courants. Pour ces transactions, les juifs pouvaient donc continuer de participer librement aux marchés et foires annuelles.
Le baron Heinrich demanda en outre à ses Untertanen et Hintersassen [sujets et manants] du Kirchspiel de Soultz de déclarer à ses officiers de justice, avant un délai d'un mois, sous peine de corps ou d'amendes, le montant de tout ce qu'ils avaient emprunté à des juifs, ainsi que le montant et le taux usuraire de leur premier emprunt. Il leur demanda aussi de déclarer le montant de tous leurs cens en nature de grains et de vins et de tous leurs autres emprunts faits à des chrétiens, avec indication de leur taux annuel. Quatre jours plus tard, il fit également porter cet édit à la connaissance de la communauté de Surbourg, dont il était le bailli. Puis, le 28 octobre, à celle de Zutzendorf, autre possession des Fleckenstein. Et le 20 novembre, enfin, aux communautés de Schoenenbourg et de Hatten, qui pourtant n'étaient pas des fiefs des Fleckenstein (4).
Le Parnoss Lazarus de Surbourg, lui, était toujours en fonction. En 1575, il signe une autre requête aux autorités (5-6). Puis de nouveau en 1587, où avec dix autres chefs de ménage juifs de la Landvogtei, il demande le refuge chez leurs coreligionnaires de la ville impériale tant que durera le risque de guerre. Celui-ci leur sera accordé contre paiement de 200 florins de Strasbourg (5-6). Mais 33 ans après la disparition de Josselmann, s'agissait-il toujours du même Lazarus ou de son fils ?
Les premières synagogues vers 1784
En 1688, après le rattachement à la France, Surbourg compte à nouveau quatre ménages juifs pour environ 60 maisons et fermes et 70 emplacements d'habitations détruites par les guerres. Ce sont les Novum, les Calmus, les Loewel et les Mauschel, tous mitoyens, entre la rue du maréchal Leclerc et la collégiale. Les plus fortunés paraissent être les Mauschel. Ils ont une maison, flanquée d'une écurie, avec au fond de la cour un embryon de synagogue, "samt Judenschule" (11-12).
Cette Juden Schule initiale fera place en 1724-1726 à une "synagogue" plus digne de ce nom, qu'Emile Schwartz situe à l'emplacement occupé en 1924 de la boucherie Eibel, au fond de la cour des Mauschel (1-2-13).
De 1724 date également une maisonnette située 4 rue du maréchal Leclerc, dont la poutre-maîtresse horizontale de la façade donnant sur la rue a été ornée d'une inscription hébraïque rarissime. Gravée en creux et remise au jour en 1980, elle énonce : "Ce bâtiment, j'ai bâti pour être annexé à ma maison et Acher fils de feu Juda je m'appelle et en l'année 5484 (1724) selon le petit comput, j'ai construit et que l'Eternel garde de tout mal ma maison. Amen Sélah". Ce n'était donc pas a priori un bâtiment cultuel.
Le mikvéh [bain rituel] se serait alors trouvé au n° 111. L'officiant desservait alors également Soultz et Kutzenhausen. Surbourg est alors un foyer du judaïsme. Pas moins de 43 contrats de mariage juifs y sont conclus entre 1761 et 1791, dont onze n'ont pas même impliqué un conjoint juif du village même. A l'inverse, seuls six contrats de mariage juifs ont été conclus pendant la même période à Soultz-Fleckenstein, un à Kutzenhausen, et un dernier à Drachenbronn (14).
La baronnie de Fleckenstein, de son côté, avait été promise dès 1706 au prince Hercule Mériadec de Rohan-Soubise, frère du cardinal Armand Gaston de Rohan, évêque de Strasbourg depuis 1704. Elle lui échut effectivement en 1720, par le décès du dernier baron, mais fut gérée par la régence savernoise de l'évêque, qui s'aligna bien entendu sur la politique philosémite de l'intendance de la province.
Le changement fut le plus immédiatement perceptible à Niederroedern, localité ex-Fleckenstein proche de la place-forte de Fort-Louis du Rhin. A l'occasion du Jahrspruch de 1724, ses bourgeois adoptent ainsi une protestation à l'Intendant de la province, dans laquelle ils accusent leur nouveau seigneur "de trouver son compte et son profit " dans la réception et l'installation des juifs. "Jadis, disent-ils, il n'y avait que deux familles juives à l'endroit, contre seize maintenant... Dès qu'une maison ou ferme est à vendre, les juifs offrent aussitôt un tel prix que personne ne peut acheter. Maintenant déjà, ils possèdent les plus belles maisons et bientôt ils seront propriétaires de la moitié du village. Avec cela, ils ne paient pour leurs maisons et autres biens aucun impôt, vu qu'ils paient en remplacement à la seigneurie le droit de tolérance. Ainsi le seigneur y trouve son profit, mais pas les habitants, ni le roi. " (15)
Soultz a suivi la même tendance. Fin 1784, il surpasse Surbourg avec 34 chefs de ménage juifs (soit 164 âmes) et un chantre. L'écart se creuse sous la Révolution et l'Empire. Fin 1808, Surbourg ne compte que 45 ménages juifs (186 âmes), contre 49 ménages (259 âmes) à Soultz, qui abrite donc désormais la communauté la plus nombreuse de l'arrondissement.
Et cependant, Surbourg avait obtenu le 1er avril 1795 un rabbin, en la personne de Mayer Rothschild. Il le resta 43 ans, jusqu'en 1838, et desservira également Kutzenhausen et Hatten. A Soultz, pendant ce temps, l'officiant était Samuel Libermann, déjà cité comme chantre en 1784. En réalité, il tient un peu tous les rôles : Rabbin Substitute en 1787 ; chantre en 1793, 1795 et 1798 ; Schuldiener et Schlohbeth en 1794 ; rabbin du lieu en 1806, où il recueille même un serment mosaïque ; ancien instituteur en 1806 ; et rabbin à son décès le 11 septembre 1811 à plus de 80 ans (3).
Dès avant 1789, le commerçant Koschel Alexander s'était offert à permettre l'aménagement, contre sa propre maison, au fond du coude de la Hundsgass (la rue du Chenil seigneurial), en face de l'église simultanée et du presbytère du curé royal, d'un embryon de synagogue, qualifié de Juden Schule dans un inventaire de mars 1787. Elle avait ainsi pu faire l'économie d'un mur sur quatre. Elle était meublée de chaises (Stuhlen), que les fidèles pouvaient se réserver nominalement moyennant finances. Elle comportait une partie surélevée (pour les femmes ?) et sa toiture était soutenue par une grande solive. Quant au mikvéh, il se trouvait dans la maison du donateur (3).
Agrandissements nécessaires
Mais au début de la Restauration, avec l'accroissement de la communauté, l'idée s'imposa de la reconstruire plus grande. Toujours aussi dévoués, Koschel Alexander (à présent Moïses Heymann) et son épouse cédèrent donc à cet effet le 29 décembre 1816 une parcelle de 1,32 are de leur jardin potager, pour 622 francs payés comptant, au Conseil de la communauté de culte israélite. Le chantier tarda toutefois à démarrer, faute de liquidités. Une dizaine d'années plus tard, il n'était toujours pas engagé. A l'automne 1825, le "commissaire surveillant de la synagogue de Soultz" demanda à la municipalité un secours en argent de 3 000 francs, mais il fut refusé. Aussi, au printemps 1827, Léopold Aron, alors le négociant le plus aisé de la communauté, se décida-t-il à prendre lui-même à sa charge les frais de démolition (3).
Des projets similaires se dessinaient alors dans les communautés environnantes. A Goersdorf, Jacques Baer vendait ainsi le 29 juin 1814, pour 500 francs payés comptant, au conseil communautaire local, le premier étage de sa maison, qu'il avait aménagé en synagogue (16).
Localisations successives de la synagogue de Surbourg sur le plan d'assemblage de la Reichslandzeit (Gallica-Numistral). |
La synagogue de Surbourg, en tout cas, put être rénovée en 1843, puisque ses fidèles continuaient de croître en nombre jusqu'au pic démographique de 1851. Elle disposait alors, entre autres, "[d'] un rideau de tabernacle et (d') un petit manteau servant à la cérémonie lors de la sortie des commandements de Dieu, ornements très richement brodés et servant seulement aux grandes fêtes ". Ceux-ci pouvaient alors être évalués à 150 F, mais Moïse Weil, commerçant dans le village, crut devoir les reprendre par devers lui au début de 1850, puisqu'ils lui appartenaient " du chef de son père pour les avoir acquis de ses cohéritiers avec d'autres objets". Calman Levy, commissaire surveillant près la synagogue, le contesta et demanda à la justice de paix cantonale d'en ordonner la restitution, puisqu'une inscription sur l'un de ces objets prouvait qu'ils appartenaient à la synagogue. Le 27 mars 1850, une enquête et contre-enquête furent ordonnées pour le 6 avril suivant19, mais nous en ignorons les conclusions.
Une partie de la communauté, néanmoins, fit alors scission, se dotant dans une maison privée de son propre lieu de culte. Le nouveau rabbin Joseph Bloch, arrivé en 1852, et formé à l'Ecole centrale rabbinique de Metz, parvint cependant à aplanir le différend. Si bien qu'une nouvelle synagogue put être construite en 1863 au début de la sortie vers Soultz avec une aide supplémentaire de l'Etat de 4 000 francs.
Le transfert à Soultz
Réaliste, le rabbin Joseph Bloch demanda également lui-même le transfert du rabbinat de Surbourg à Soultz, ce que le Consistoire de Strasbourg entérina le 27 décembre 1865, malgré l'opposition des Surbourgeois. La communauté soultzoise, en effet, était plus que jamais la plus nombreuse, la plus centrale dans le canton, la plus accessible aussi, grâce à l'arrivée du chemin de fer. Professionnellement, elle était aussi plus diversifiée et plus bourgeoise, avec, outre les habituels marchands de fourrages et de bestiaux, des marchands de cuirs et de peaux, de miel, de fer et de fourneaux De Dietrich, des aubergistes, des bouchers, des colporteurs en mercerie, des prêteurs, des négociants en biens immobiliers, et même un médecin juif plutôt philanthrope, Lion Aron, originaire de Furth près de Nuremberg et qui décédera à Soultz le 2 juillet 1853, à l'âge de 83 ans.
La communauté soultzoise avait obtenu la création d'un poste d'instituteur juif communal dès avril 1831. En 1851, puis de nouveau en 1868, elle tentera également d'obtenir la construction d'une école communale israélite, en se proposant d'en fournir le terrain et les matériaux de construction afin d'en réduire la dépense. Mais la municipalité fera la sourde oreille, arguant des dépenses déjà très lourdes pour ses écoles protestante et catholique, leurs maîtres, leur logement et leur chauffage.
L'école communale juive de Soultz ne sera donc construite qu'en 1874, à côté de la synagogue initiale, suivie en 1881 du cimetière juif communal à l'arrière du troisième cimetière chrétien, puis en 1896-1897 de la construction d'une nouvelle synagogue (la troisième), non pas Hundsgass, où l'espace manquait pour un agrandissement, mais rue de la bergerie (Schaefferei) (3).
Début de l'exode
Et tout cela bien que l'exode fût déjà enclenché.
En 1866, Surbourg ne comptait plus que 220-230 Juifs, contre 296 en 1851.
Soultz était passé de 370 Juifs en 1851 à 285 en 1861
(20).
Parmi les départs, citons : - le négociant
et manieur d'argent Léopold Aron, qui, après
le décès de son épouse, s'est fixé en 1835 à
Strasbourg
auprès de son
fils Arnaud, devenu rabbin de la ville ;
- Michel Aron, son frère cadet, qui après avoir
débuté comme marchand de draps à Soultz, est décédé
le 5 février 1843 à Schierstein, banlieue de Wiesbaden. Son
propre fils Mayer Aron était alors fabricant de casquettes à
Paris et Judas, son autre fils, commis négociant à Hambourg
;
- Israël Aron, le second fils de Léopold Aron,
avait fini par obtenir une patente de "directeur de bureau d'affaires 4e classe"
à Soultz après y avoir débuté comme marchand de
cuirs et peaux. Mais en 1850, ayant été déclaré
en faillite après des transactions foncières hasardeuses, il
partit pour Paris avant d'émigrer aux Etats-Unis, à l'âge
de 47 ans, où son épouse devait le rejoindre en août 1852
via le port du Havre ;
- Marie, fille d'Isaac Lévy, commerçant
à Soultz, est fabricante de corsets à Paris en 1840 ;
- en août 1845, Wolff, fils d'Aron Heymann, "trafiquant"
à Soultz, était installé comme commerçant à
Wheeling en Virginie occidentale (Etats-Unis d'Amérique) ;
- en février 1869, Frédéric, fils de Hirsch Klotz,
commerçant à Soultz, est négociant à Paris, rue
du Château d'eau...
Un graphique établi pour Niederroedern montre cependant que l'exode des Juifs s'y est enclenché en dernier, après celui des catholiques et des protestants (21). Aurait-on les mêmes courbes ailleurs ? Claude Schmitt, généalogiste surbourgeois, nous indique que les premiers Surbourgeois chrétiens étaient partis aux Etats-Unis dès 1827, pendant que les premiers Surbourgeois juifs ne s'y rendirent qu'à partir de 1857. Parmi eux : Charles Weil, émigré en 1865 ; à Corpus Christi (Texas), il créera un commerce de tissus et de jeans, puis en 1888 un ranch d'élevage à Hebbronville (Texas)...
Les recensements indiquent d'autre part une dépopulation juive plus rapide à Surbourg qu'à Soultz et Hatten, phénomène qui s'explique peut-être par la présence très majoritaire d'une paysannerie catholique plus routinière et plus misérable que dans les bourgs protestants.
N'étant plus fréquentée que par six élèves,
l'école juive de Surbourg doit ainsi être fermée en 1905,
suivie de la synagogue, qui est désacralisée (entweiht)
le dimanche 11 avril 1936.
Oscar
Kugler, ministre officiant de Soultz, en avait dirigé les chants
liturgiques. Le rabbin Emile Schwartz de Wissembourg retraça l'histoire
de la communauté avant de faire au temple des adieux si touchants que
des larmes vinrent aux yeux de bien des assistants. Puis on procéda
à la sortie des six Livres de la Loi, qui seront donnés, avec
les objets du culte, aux communautés voisines. La prière pour
la République et le son de shofar [corne de bélier]
ont clôturé la cérémonie. Le bâtiment fut
repris par la commune, qui y installa une salle de classe (22-23).
Fortement endommagé par les quatre bombardements de 1944-45, il sera
finalement démoli en 1949 au profit d'un pavillon d'habitation.
Soultz eut plus de chance. En 1936, sa communauté comptait encore
sept marchands de bestiaux, dont trois Baer (Marcel, son père David
et René), sans compter Martin Harburger, marchand de grains et farines
et courtier en houblons de Betschdorf (24).
Un dernier mariage juif est célébré à la synagogue
le 4 août 1939, celui de Paul Heumann, boulanger, fondateur par la suite
des Pains azymes Heupa. Mais onze Juifs nés ou domiciliés à
Soultz sont morts en déportation. Ils sont inscrits sur le Mur des
Noms à Paris, sauf Blanche Bloch.
Les bombardements de la guerre ont épargné le temple, mais l'intérieur
fut pillé. Reconstituée tant bien que mal, la communauté
put le restaurer et le reconsacrer solennellement le 16 septembre 1962, puis
inaugurer le 17 avril 2016 ses vitraux et ses tourelles de cuivre reconstituées
à l'ancienne par la commune. De toutes les synagogues du Sulzerland,
c'est la seule survivante, toujours consacrée comme oratoire.
Places numérotées et payantes
Un dernier point de comparaison entre Soultz et Surbourg peut être développé : la valeur des places de leurs synagogues respectives avant 1870. Comme partout ailleurs, ces places étaient en effet payantes afin d'assurer l'entretien de l'édifice et de ses officiants. Dans les contrats de mariage antérieurs à 1789, leur prix pouvait être pris en charge par les parents, lorsque les mariés étaient encore trop jeunes pour avoir des ressources en propre. Ces places étaient donc nominatives et numérotées. Elles se transmettaient par acte de succession, donation ou vente, voire même par adjudication, à leur valeur d'estimation, fonction manifestement de leur situation. En conséquence, elles étaient alors scrupuleusement décrites, avec leurs voisins de gauche et de droite, parfois même par rapport à l'orientation extérieure.
Quinze cas de cession-transmission (10 à Soultz, 5 à
Surbourg) peuvent à ce jour être énumérés,
entre 1787 et 1854. Ils révèlent une valorisation mini-maxi
supérieure de l'ordre de 30 % à Soultz. Ces places allaient
généralement par couple, mais certains notables (Léopold
Aron de Soultz et David Weil commerçant à Surbourg, décédé
le 26 janvier 1842) pouvaient en cumuler quatre.
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La chute démographique après le pic de 1851 | |||||
1851 | 1866 | 1913 | 1931 | 1936 | |
Drachenbronn | 15 | 4 | - | ||
Goersdorf | 147 | 138 | 33 | 5 | - |
Hatten | 231 | 203 | 93 | 16 | 35 |
Niederroedern | 339 | 253 | 101 | 32 | 13 |
Soultz | 389 | 304 | 165 | 114 | 130 |
Surbourg | 279 | 233 | 47 | 4 | 5 |
Trimbach | 184 | 178 | 92 | 16 | - |
Langensoultzbach | 87 | 63 | 10 | 2 | - |
Lauterbourg | 334 | 282 | 63 | 46 | 42 |
Lembach | 126 | 88 | 23 | 12 | 10 |
Oberseebach | 29 | 73 | 67 | 3 | 5 |
Riedseltz | 139 | 104 | 24 | 4 | 3 |
Wissembourg | 375 | 283 | 173 | 132 | 130 |
Woerth | 11 | 11 | 40 | 27 | 35 |
Sources : Ellenbach pour 1851, La Tribune juive, 1er mai 1936, pour les autres années. |
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Synagogue suivante |