11. Les Synagogues
La seconde Communauté qui, comme nous l'avons vu plus haut, ne comptait d'abord que peu de membres, se réunissait sans doute dans une maison privée pour faire ses prières.
Plus tard, elle loua probablement la maison communale actuelle et y installa un oratoire, une école et des logements pour le ministre-officiant et le bedeau. Cette maison appartenait selon Gasser, Livre d'or p. 38, en 1660 à Caspar Yehle et faisait, sans doute, partie du béguinage, qui se trouvait à cet endroit. On y voit encore des dates de 1575, 1660 et 1661.
Je suppose que tout cet enclos était la propriété de la première Communauté israélite de Soultz et qu'il a été confisqué par l'évêché et donné ou vendu à la confrérie de Saint-Sébastien qui en fit un béguinage.
Après la Grande Révolution, le nombre des Juifs de Soultz s'accrut encore sensiblement, de sorte qu'une nouvelle maison de prière devint nécessaire .Elle fut achetée et aménagée dans une impasse qui porte encore à présent, le nom d' "Impasse de la. Synagogue". Elle se trouve à proximité de la rue des Juifs à côté de la rue de Wunheim.
Cette synagogue existait déjà avant 1824, car elle est mentionnée dans l'acte de vente passé devant le notaire Miesch à Soultz, le 21 juin 1824, suivant lequel la Communauté représentée par Abraham Bloch et consorts acheta, pour 1000 francs, une maison située près de la synagogue, rue de Wunheim, du nommé Lazare Lang.
Il est à présumer que cette maison dont la Communauté payait une rente foncière de 6 francs par an, devait servir d'agrandissement de la synagogue.
Mais il en fut décidé autrement, puisque la Communauté devait bientôt trouver l'occasion d'acquérir un autre emplacement qui se prêtait bien mieux pour y construire une synagogue moderne. C'était la propriété des héritiers de Jean Hug, propriété située à côté de l'ancienne maison communale.
Mais avant d'acheter définitivement cette propriété, la Communauté eut soin d'assurer les fonds nécessaires pour la construction et l'aménagement de la nouvelle synagogue.
Une réunion eut lieu le premier jour de 'Hol ha-Moëd de Souccoth (octobre 1831).
Selon le procès-verbal de cette réunion, la construction d'une nouvelle synagogue fut décidée en principe. Les fonds nécessaires devaient provenir :
En vue de créer un premier fonds, tous les membres de la Communauté devaient payer chaque semaine une contribution volontaire. Ces contributions serviraient à l'acquisition des stalles.
Enfin, le 16 mars 1832, fut établi l'acte de vente suivant devant le notaire Sébastien Lach à Soultz :
Vue sur l'arche d'alliance de la synagogue - © M. Rothé |
Lesquels comparants ont vendu à la communauté israélite de la ville de Soultz, pour laquelle sont ici présents :
Telles-que les maisons et dépendances se poursuivent…
La communauté s'oblige solidairement :
1) de prendre les bâtiments dans l'état et la situation où ils se trouvent maintenant…
2) de payer et acquitter les contributions, à partir du premier janvier…
3) de supporter les servitudes passives… notamment le passage sous la maison d'habitation connu sus la dénomination de Höhl…
4) de souffrir dans la cave, sous la grande maison, les, tonneaux, qui s'y trouve nt jusqu'à la vendange prochaine...
5) 1es frais et droits… seront supportés par la communauté..
Prix de vente 9.500 francs ; payés comptant 6.500 francs.
Les commissaires déclarent que la communauté israélite fait l'acquisition dudit enclos pour en faire une synagogue.
La maison d'habitation achetée, le 21 juin 1824, fut vendue le 28 août 1837, à Maurice Glentzlen, vigneron à Hartrnannswiller, pour la somme de 2.625 francs.
L'acte d'adjudication passé devant le notaire Sébastien Lach à Soultz est ainsi conçu :
28 Août 1837,
N° 6129
Adjudication de la Synagogue francs 2.625.
L'an 1837 le 28 Août…
A la requête des Srs,
1) David Bloch, propriétaire,
2) Abraham Meyer Bloch, propriétaire,
3) David Baer, marchand fripier,
4) Eliachim Bloch-Ducas, négociant,
5) Nathan Weill, propriétaire,
6) Lazare Bloch, marchand,
7) David Meyer Bloch, propriétaire.
Il va être procédé à la vente par enchère publique
1) Une maison d'habitation composée d'un simple rez-de-chaussée sis à Soultz impasse de la Synagogue d'un côté Maurice Fröhliger, de l'autre la veuve d'Emanuel Bloch et en partie, un emplacement du Sr. Scherrer, derrière en partie la veuve d'Antoine Schmitt et en partie la veuve de Joseph Beck, devant en partie la cour et en partie Joseph Scherrer.
2) Et la synagogue avec grenier au-dessus et celle des quatre caves au-dessus, se trouvant à côté du jardinet avec la moitié du jardinet à côté de la synagogue et de la cave qui en fait partie, l'autre moitié du jardinet appartenant à Joseph Scherrer d'un côté la moitié du jardinet de Scherrer de l'autre Pierre Jacob et autre derrière la veuve d'Emanuel Bloch devant cour commune.
…
Les bâtiments ont été adjugés à Maurice Glentzlen, vigneron demeurant à Hartmannswiller pour 2.625 francs…
Enregistré à Soultz le sept septembre 1837, —
L'ancienne synagogue fut vendue à Pierre Horn, huilier, pour la somme de 2.985 francs, somme payée, le 25 juillet 1839, par le notaire Lach, à Heymann Bloch, trésorier de la Communauté.
On peut admettre presqu'avec certitude qu'il n'y a jamais eu de cimetière israélite à Soultz. Pendant le moyen-âge on ne connaît que celui de Colmar pour toute la Haute-Alsace. Il avait été fondé en 1385 et resta en usage aussi pour les communautés de la région jusqu'au début du 16ème siècle, où il fut confisqué et donné à Jacob Spiegel de Sélestat, secrétaire de l'Empereur. Il était situé près de la Porte de Horburg, non loin de l'Hôtel du Saumon. (M. Ginsburger, Der isr. Friedhof in Jungholtz, p. 8). —
Dans la seconde moitié du 16ème siècle un cimetière juif a existé à Cernay. Il paraît avoir été en usage encore pendant la Guerre de Trente Ans.
Une autre nécropole juive est mentionnée dans la Chronique de Berler, rédigée vers 1510. Il est à présumer qu'elle fut confisquée vers 1574, lorsque les Juifs de la régence d'Ensisheim furent expulsés par ordre de l'Archiduc Ferdinand d'Autriche. Mais nous ne connaissons pas la localité où était située cette nécropole. Était-ce Hartmannswiller ou Jungholtz ? De toute façon, Nous pouvons admettre que les quelques familles juives de Soultz y enterraient leurs morts.
Après la Guerre de Trente ans, les délégués des Juifs de Soultz, Guebwiller, Soultzmatt, etc. obtinrent des barons Christphe, et Reichhard de Schauenbourg, seigneurs du Château et du village de Jungholtz, la concession d'un emplacement situé dans leur jardin avec permission d'y enterrer leurs morts contre paiement d'une somme fixe et d'une taxe pour chaque inhumation.
J'ai montré l'origine et l'évolution du cimetière de Jungholtz dans ma brochure publiée en 1904, de sorte qu'il est inutile d'y revenir ici. Je me contenterai de citer quelques faits qui s'y rapportent et dont j'ai eu connaissance seulement après la parution de mon ouvrage.
Le 11 août 1771, Balthasar de Schauenbourg, maître de camp et chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, demeurant ordinairement en son château de Jungholtz, étant de présent ès-prisons royales de Strasbourg, donna procuration à son épouse Marie-Charlotte Comtesse d'Heilmer de transiger et composer avec les préposés des Juifs de la Haute-Alsace pour raison du cimetière des Juifs qui est dans l'enclos dudit château de Jungholtz. (Notariat Laquiante à Strasbourg).
Le 4 juin 1772, la Comtesse de Schauenburg donna quittance à Joseph Reynau, préposé des Juifs, demeurant à Soultz, au nom des communautés juives qui ont le cimetière à Jungholtz, de la somme de 400 livres et se déporta de l'action intentée contre les dites communautés juives aux fins de désistement dudit cimetière. Elle consentit, en même temps, que les communautés devaient conserver le cimetière conformément à l'accord fait à ce sujet avec feu le baron de Schauenbourg père, seigneur de Niederbergheim et Jungholtz.
Joseph Reynau promit de payer ou livrer en nature à la Comtesse un pain de sucre du poids de six livres à la St-Jean et de continuer ainsi à l'avenir le premier jour de chaque année suivante.
Il fut convenu, en autre, que l'herbe qui croîtrait à l'avenir sur le cimetière serait fauchée pour la darne de Schauenbourg à charge cependant de clore le cimetière et le tenir fermé pendant toute l'année et en toutes saisons de manière qu'il ne puisse être fait aucun dommage. (Notariat Meyer à Colmar)
Je suppose que c'est Lehmann Reinau, nommé sur son monument funèbre, dont nous publions une photographie, "Syndic et rabbin Abraham Jehuda", fils de Rabbi Elhanan, qui exerçait ces fonctions. Il était le fils de Hirtz Reinau, qui avait quitté Rhinau (B.-Rh.) pendant la Guerre de Trente ans et demeurait successivement à Benfeld et à Ribeauvillé. Il épousa la fille de Wolf Wexler et vint s'établir à Soultz probablement bientôt après la Guerre de Trente ans. D'après une tradition orale, il dit avoir été le/ou un des fondateurs du cimetière de Jungholtz. Il mourut le 9 juin 1715.
Sn fils Hirtz fit ses études rabbiniques à Francfort sur-le-Mein et exerça les fonctions de rabbin à Soultz tout en s'occupant de commerce. Il vivait dans la première moitié du 18ème siècle.
A la même époque nous trouvons le Rabbi Leima (Bloch), mais il n'est pas sûr qu'il ait exercé les fonctions rabbiniques. Il mourut le 2 schewat 492 (1731).
Son fils Isaac était le directeur de l'école talmudique de Jungholtz. Le 28 mai 1777, il assistait à l'Assemblée des préposés de Nidernai et apposa sa signature au procès-verbal de la séance.
Baer Lehmann, fils de Lehmann de Ribeauvillé, fut nommé "lieutenant-rabbi" dans les terres de l'évêché en Haute-Alsace par ordonnance du 28 septembre 1768. Il mourut le 24 mai 1781. Son monument funèbre se trouve encore au cimetière à Jungholtz.
Après sa mort, le rabbinat de Soultz resta vacant presqu'un demi-siècle. C'est le rabbin Isaac, fils de feu Méïr (Aron) Pfalzbourg qui remplissait les fonctions rabbiniques dans le Haut-Rhin et avait sa résidence à Uffholtz. Cela ressort de l'inscription de son monument funèbre conservée au cimetière de Jungholtz. Il avait fait ses études rabbiniques chez Joseph Steinhart, rabbin de Rixheim, Nidernai et Furth. En. 1767, il publia les Nouvelles de Jacob Berlin avec beaucoup d'additions sous le titre Sépher Beër Jacob "Livre du puits de Jacob". Dans l'introduction de cet ouvrage il remarque qu'il avait été professeur à l'école talmudique de Mutzig. Nous savons, en outre, qu'il était le beau-frère de son ancien maître Joseph Steinhart et qu'en secondes noces il était marié avec Hélène Reinau, veuve de Baer Lehmann, ancien rabbin de Soultz.
Moïse Wurmser, père de Raphaël David Wurmser, était commis-rabbin à Uffholtz.
Raphaël David Wurmser se maria avec Judith Dreyfus de Rixheim et fut nommé rabbin à Hattstatt et plus tard à Soultz, où il décéda le 16 janvier 1875.
Séligmann Lévy, fils du rabbin Joachim Lévy de Nidernai, lui succéda en 1876 et exerça ses fonctions jusqu'en 1887. Puis, le siège rabbinique resta de nouveau vacant jusqu'en 1891. C'est le rabbin Schuler de Bollwiller qui remplissait les fonctions rabbiniques par intérim.
De 1891 à 1923, le siège rabbinique fut occupé par l'auteur de cette étude. En 1910, sa résidence fut transportée à Guebwiller,
Henri Dreyfus, né à Uffheim (Haut-Rhin), lui succéda. Il décéda à Guebwiller en 1937.
Le rabbin Eïchiski de Thann fut nommé rabbin intérimaire.
14. Les personnalités marquantes.
J'ai publié, en 1923, dans la Revue d'Alsace, un aperçu historique sur les familles juives de Soultz, où j'ai fait mention aussi des personnalités originaires de Soultz qui se sont distinguées par leur position sociale ou leurs mérites scientifiques ou autres, sans vouloir prétendre d'avoir épuisé le sujet.
Nos lecteurs me sauront, sans doute gré de publier, ici encore, la liste de ces personnalités.
15. Les Présidents de la Communauté
Nous avions souvent l'occasion de faire mention, dans cette étude, des présidents de la Communauté israélite de Soultz. En voici leur nom par ordre chronologique :
Il est probable que la Communauté israélite de Soultz possédait, de bonne heure déjà, un ministre-officiant, ou comme on disait autrefois, un chantre.
Dans le Dénombre ment de 1784, le chantre et sa famille figurent sus le numéro 18 sous le nom de Jacob Joseph. Sa femme s'appelait Vogel Lévy. Il avait deux fils : Joseph et Emanuel et trois filles : Sara, Breinelé et Genandel. C'est lui qui, après, l'émancipation, prêta le serment civique, au nom de sa Communauté.
Après la construction de la nouvelle synagogue, en 1838, c'est Isaac Gradwohl qui fut nommé ministre-officiant à Soultz. Il était né, en 1821, à Odratzheim (Bas-Rhin), fils de Lazare Gradwohl , ministre-officiant, et de Adélaïde née Blum. Ses parents transférèrent plus tard leur résidence à Foussemagne, où ils décédèrent. Isaac Gradwohl mourut à Soultz, le 13 février 1889.
Parmi ses successeurs nous mentionnerons : Simon Spiegel, Lucien Stuffel, Lambert Wolf, premier ministre-officiant à Mulhouse, Henri Isaac, ministre-officiant à Paris, Isaac Silberstein.
Après la Guerre, c'est M. Emile Ettinger qui voulut bien, à titre purement gracieux, assurer le service du culte à la satisfaction de tous ses coreligionnaires. Puis, le regretté Gabriel Bloch de Guebwiller fut nommé à sa place.
Actuellement (n.d.l.r. : en 1939) c'est M. Schoechter qui remplit les fonctions de Hazan et de Schohët à Soultz.
17. La Communauté depuis la Grande Guerre.
En 1918, après l'Armistice, la. Communauté israélite se reforma, après le retour des familles, dans leur foyer. Cependant, un grand nombre de celles qui avaient quitté Soultz pendant la tourmente n'y revinrent plus, et ce n est que péniblement que la Communauté israélite recommença à vivre. Une dizaine de familles entretinrent le culte et se rassemblèrent pour les prières dans les maisons privées, la synagogue et la maison de la Communauté étant inutilisables par suite des événements de la guerre.
M. Léon Bloch fut le premier président de la communauté après la guerre. Grâce à ses efforts méritoires, à sa perspicacité, inlassablement soutenu par une commission administrative énergique, la synagogue put être reconstruite aussi bien que possible et rendue au Culte. Les premiers offices religieux y furent de nouveau célébrés en 1921. Et, depuis lors, la Communauté ne cessa de s'accroître, puisqu'elle compte à nouveau près de trente foyers avec une centaine d'âmes.
Après le décès de M. Léon Bloch en 1923, ce fut M. César Bloch qui lui succéda ; il fut aussi, pendant plusieurs années, maire de la Ville de Soultz. M. Camille Bloch, l'actuel (n.d.l.r. : en 1939) président, jusqu'alors trésorier, prit la suite de M. César Bloch, en 1927. Comme ses prédécesseurs, il dirige avec zèle et dévouement les destins religieux de sa communauté natale.
Nous avons vu que depuis le commencement du 20ème siècle la bonne entente entre les Israélites et leurs concitoyens des autres cultes n'a jamais été troublée.
Peu d'années après l'Émancipation, Abraham Bloch fut nommé adjoint au maire.
Plusieurs de ses descendants furent élus membres du Conseil municipal.
Le regretté M. César Bloch exerça les fonctions de maire et, à présent, c'est M., Edgar Bloch, fils de M. Camille Bloch, qui occupe le poste d'adjoint au maire.
Il est hors de doute que ces marques de confiance ont été accordées à nos coreligionnaires par suite de leur dévouement et de leur zèle infatigable pour le progrès et le bien-être de leur ville natale et pour la gloire et la grandeur de leur bien-aimée patrie, la France éternelle.
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