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Eléments biographiques
Lazare Landau naît à Strasbourg en 1928. Ses parents, originaires de Galicie, s'installent dans la ville en 1919. Il n'apprend le français qu'à l'âge de 6 ans. Son père, d'origine hassidique lui parle en yiddish et sa mère en allemand. Son père fréquente la synagogue hassidique Adath Israel de Strasbourg. Lazare Landau choisit d'être membre d'une autre synagogue, le Merkaz qu'il fréquente pendant 77 ans. Durant la seconde guerre mondiale, Lazare Landau est sauvé par Joseph Storck, proviseur du Lycée Gay-Lussac (Limoges), de 1938 à 1944. Il est marié à Judith Landau, née Calitchi, fille du Docteur Calitchi de Paris. Ils ont quatre enfants, trois filles et un fils. Il est docteur ès lettres. Sa thèse soutenue à l'Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne en 1976 a pour sujet: Jules Isaac, la France et les Juifs (1877-1939), conscience individuelle et destin collectif. Il est le légataire testamentaire de Jules Isaac. Il est professeur d'histoire des religions à l'Université de Strasbourg. Décédé à Strasbourg le 3 janvier 2012, il est enterré le même jour au cimetière de Cronenbourg |
Le professeur Lazare Landau est de ceux, et ils sont rares, dont la première réaction à l'annonce de sa petirah, et qui soit à la hauteur de cette figure exceptionnelle de la Communauté juive de Strasbourg comme du judaïsme français tout entier, s'énonce ainsi : èkh naflou haguiborim (2Samuel 1:27). Oui ! Comment peuton être vaincu par la mort quand toute sa vie durant, depuis son enfance à Limoges jusqu'à ses dernières heures, son âme a pu dire: "Laisse-moi partir car l'aube est venue" (Gn. 32:27), et je dois prononcer mon psaume (Rachi).
A Limoges déjà, en pleine période de l'Occupation, Lazare Landau n'a jamais tremblé devant elle. N'étaitce l'intervention d'un juste parmi les Nations, Joseph Storck, ce Yoseph envoyé sans aucun doute par la providence pour le sauver "Lime'hia", il eût été comme tant d'autres arrêté et sans doute
déporté. Tel Aaron Hacohen, Lazare Landau s'est trouvé alors "entre les vivants et les morts", "ben hamétim ou ben ha'hayim" (Nb. 17:13).
"J'avais 12-13 ans à l'époque, racontait-il, Joseph Storck qui avait même proposé de m'intégrer dans sa famille pour me protéger ce que mes parents ont refusé, m'a caché dans un réduit le jour où la milice me recherchait."
Entre les vivants et les morts, Lazare Landau se tint une nouvelle fois en 1948 lorsque, avec Jean Kahn, il fut le premier à réfléchir sur le devenir de l'Etat d'Israël dans un article qu'il consacra dans la Revue de nos communautés au Droit Civil dont l'Etat juif allait devoir se doter sans sacrifier pour autant à sa vocation première en sorte de devenir.
Entre les vivants et les morts!
C'est encore Lazare Landau qui au lendemain de la guerre est choisi par le grand rabbin Deutsch qui lui confère très tôt le titre de Haver. Dès lors, il assurera les lernen dans toutes les familles endeuillées comme à la synagogue de la Paix, et ce, pendant toutes les décennies à venir jusqu'à ce que sa santé le prive de ce qui lui tenait tant à coeur.
Je n'ai pas oublié lors du premier Shabath où la Communauté m'avait invité à Strasbourg, il y a de cela plus de vingt ans et c'était précisément le Shabath Vayiggache le terrien qu'il assura alors. Je fus profondément saisi par l'éloquence et la clarté avec lesquelles, sans une note, il conduisit son étude, alliant comme il sut toujours le faire une impressionnante culture juive, une maîtrise imparable des sources et une connaissance parfaite de l'histoire juive. C'est qu'il se considérait comme le fils spirituel de Jules Isaac, dont toute l'oeuvre respire la présence, mais aussi la tension qui habitait celui qui transforma l'enseignement du mépris en enseignement de l'estime.
Pages d'histoire dont il consacrera, entre autres, deux livres aujourd'hui incontournables, dont nous parlerons encore.
De cette mission, de cette vocation aux lernen, Lazare aimait rappeler qu'il n'y renonça jamais, qu'il neige ou qu'il vente, lorsqu'il lui fallait se rendre à pied dans les quartiers les plus reculés de la ville où il était appelé.
Il aura ainsi consolé des centaines, des milliers de familles dont notre Kehila devra aussi se souvenir.
Tel fut ainsi Lazare Landau au Merkaz à qui il revenait tout naturellement de conduire la prière du Yizkor aux trois fêtes et à Yom Kippour prière qu'il s'efforça de diriger encore, même malade, et redoublant d'efforts pour s'approcher de l'Almémor, le temps d'évoquer la mémoire de nos martyrs.
Ne se tenait-il pas encore entre les vivants et les morts, je veux dire entre les générations passées et les générations à venir, lorsqu'il était assigné le jour de Rosh Hashana pour y énoncer le seder des Tekiyoth ?
Qui ne se souvient pas avec quelle gravité il se présentait, tel le Cohen gadol, égrenant mot à mot, ligne par ligne, l'ordre des sonneries ! Mais aussi avec quel sourire et le visage rayonnant il retournait à sa place lorsque le seder avait été dit devant le Kahal confiant et apaisé.
Entre les vivants et les morts !
Ce verset ne résume-t-il pas sa vie consacrée à l'histoire du peuple juif où là encore, il marchait dans les traces de Jules Isaac, éclairant tour à tour l'histoire du judaïsme alsacien et ses heures tourmentées. La peste noire, la rue brûlée, le serment more-judaïco comme le rôle de l'Église sous Vichy.
Mais ici, Lazare Landau quittait ses livres pour rentrer de plain pied dans l'histoire. Il n'en était plus seulement l'historien, ni même le témoin, il en était la voix ! Certes au début solitaire, mais qui bientôt le révéla comme le président des Amitiés judéo-chrétiennes le plus prestigieux que la France ait jamais connu.
De tout cela, Lazare Landau témoignera dans deux de ses ouvrages : De l'aversion à l'estime, et La réconciliation judéo-chrétienne, ouvrages salués par les plus hautes instances et qui lui valurent d'être promu lauréat de l'Académie Française pour l'ensemble de ses travaux.
Il fut de tous les combats jusqu'au plus ultime de sa vie, achevant le livre de sa vie, comme va se fermer pour nous tous, le Sefer Beréshith sur une paracha setoumah. Comme pour nous dire que de toute son oeuvre et de tout ce qu'il a vécu et traversé, beaucoup nous restera encore voilé par delà son visage serein, son sourire énigmatique, sa parole tranchante, assurée et précise niais qui suggérait toujours un dépassement dont nous n'avons pas toujours été capables de déceler toute la mesure.
(...) Je crois que c'est dans ce dialogue aussi, que toute la vie de Lazare Landau fut résumée. Tels les fils de Jacob et malgré les tourments de l'Exil, de la guerre et de la dure Reconstruction, il était toujours conscient d'avoir un "vieux père", l'Ancien des jours et un "tout jeune enfant".
Engagé envers un immense et mystérieux passé mais également clans une histoire au présent, sans avoir jamais renoncé à la tradition dont il était le veilleur, Lazare Landau se savait intensément concerné par l'existence du peuple juif en tant que communauté spirituelle. Rares furent ceux à Strasbourg comme en France qui furent comme lui aussi passionné par la survie du peuple juif au niveau le plus spirituel qui soit comme il le fut lui-même.
Autant de sentiments, de Ahavat Israël, d'ardente passion pour féconder ce mondeà travers le Limoud, le lernen, ses conférences, l'écriture et l'échange sans cesse avec l'autre univers invisible qui le pressait, tel que nous le connaissions, mêlant tout son coeur, toute son âme et tous ses moyens pour la gloire du Très-Haut.