Comme nombre de synagogues de l'Alsace rurale, l'ancienne synagogue de Marmoutier désaffectée, a été transformée : dans le cas présent en une vaste salle des fêtes, les murs d'enceinte étant ceux de l'origine. Elle s'est rappelée l'espace d'une journée, le dimanche 3 mai, les heures fastes de jadis, quand la communauté juive représentait alors un cinquième de la population maurimonastérienne.
L'occasion d'apprendre pour certains d'entre nous que Marmoutier est la patrie d'hommes de renom comme Albert Kahn (illustre banquier et philanthrope avec le fameux jardin de Boulogne et les archives de la planète né en 1860 et mort en 1940), Georges Mandel (ministre, assassiné par la milice de Vichy en juillet 1944, auquel Nicolas Sarkozy a consacré un livre : Le moine de la politique), voire des célébrités internationales plus inattendues comme les Marx Brothers, et ce par leur ascendance paternelle, leur père étant né à Marmoutier . Sans oublier sur le plan plus spécifiquement alsacien, le peintre et caricaturiste Alphonse Lévy, né à Marmoutier en 1843, mort à Alger en 1918, le grand rabbin Isaac Lévy ou encore le généalogiste et historien Pierre Katz disparu récemment.
Marmoutier a ainsi braqué sur elle, l'espace d'une belle journée d'un printemps ensoleillé, les projecteurs de l'actualité juive et régionale.
Dans la salle des fêtes - ancienne synagogue, se tenaient deux remarquables expositions, l'une précisément sur l'œuvre d'Alphonse Lévy, qui a fait revivre par son coup de crayon acéré à la Daumier, toute une époque disparue, l'autre sur un ensemble de photos des synagogues villageoises d'Alsace - la plupart désaffectées. L'assistance s'est également pressée sur les nombreux stands proposant livres, brochures, cartes postales, affiches, CD sur le Judaïsme alsacien et lorrain, et aussi une petite restauration de produits "cacher" régionaux.
Les quelques 250 participants à cet anniversaire n'avaient que l'embarras du choix : visiter les salles consacrées au judaïsme alsacien au Musée des Arts et Traditions Populaires de Marmoutier avec de nombreux objets de culte et de riches collections permettant au grand public de se familiariser par thèmes (Shabath, Pessah, Pourim, Soukoth, Hanouka, bar mitzva, brit-milah, mariage, etc..) avec la vie de ces communautés juives rurales immortalisées par Erckmann-Chatrian. Le musée lui-même - étant une très ancienne et très belle maison juive à colombages (comme l'atteste au sous-sol la présence d'un miqweh). Certains, outre le musée ont fait le pèlerinage parmi les tombes de l'émouvant cimetière juif situé à l'écart de la bourgade, ou encore ont visité la célèbre abbatiale (les fameuses orgues de Silbermann) à l'ombre de laquelle dès le haut moyen-âge s'est installée la communauté juive.
Le député-maire de Saverne Emile Blessig, le maire de Marmoutier Jean-Claude Weil , qui s'est démené pour que l'organisation de cette journée dans sa belle commune soit parfaite , le grand rabbin de Strasbourg et du Bas Rhin René Gutman, le président du Consistoire du Haut Rhin Yvan Geismar ont à l'unisson insisté sur l'importance du site de l'ASIJA : la technologie du XXI° siècle contribuant ainsi à la construction d'un incomparable lien social national comme international, et à la sauvegarde d'un précieux patrimoine. Ce qu'a parfaitement résumé le grand rabbin de Strasbourg : "ce site est une communauté virtuelle mais en plein dans la vie".
Il y a dix ans, lors du lancement de ce site par Michet Rothé , Barbara Weill et Alain Kahn, le pari paraissait audacieux et téméraire , mais il a été gagné. L'ASIJA est devenu une référence incontournable pour tous ceux qui s'intéressent de par le monde à la conservation d'un patrimoine menacé : celui du Judaïsme d'Alsace-Lorraine.
Fort de cette réussite, on parle désormais d'un élargissement du site pour la conservation du patrimoine juif de toute la Vallée du Rhin, voire de la Suisse et de la Belgique -Luxembourg. Cela pourrait donner des idées aussi aux autres entités spécifiques du Judaïsme français comme celui du Comtat Venaissin ou encore du Pays Basque. Après l'indéniable succès de la journée de Marmoutier, certains participants suggéraient même un rendez-vous annuel dans une de ces innombrables communes rurales d'Alsace-Lorraine dont le judaïsme a disparu ou est en voie de l'être, et qui conservent un patrimoine ( synagogue ou cimetière..).
Rappelons que l'ASIJA fonctionne sans publicité mais uniquement par les adhésions et dons. Une association qui mérite d'être soutenue.
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