Éditions Secrets de Pays Collection : Histoire & Mémoires ; n°11 Prix de vente (TTC) : 22 € 320 pages ; 24 x 16 cm ; broché ; ISBN 978-2-491344-11-5 EAN 9782491344115 Disponible à la synagogue d'Ingwiller, au Musée judéo-alsacien, à la librairie de Bouxwiller |
Maurice Bloch est né le 22 novembre 1882 à Balbronn dans le Bas-Rhin. Il est le fils d’Israël Bloch et de Thérèse Jeanne Debré.
Son père, Israël Bloch, enseigne à Itterswiller au moment de son mariage, puis il est instituteur de 1876 à 1878, et directeur de l’école israélite, à Sarre-Union, où naissent ses deux premiers enfants, Rosa et Anselme. La famille s’installe ensuite à Balbronn.
La mère de Maurice Bloch, Jeanne-Thérèse Debré, est la sœur du grand rabbin Simon Debré, né à Westhoffen en 1854. Maurice Bloch est donc le cousin germain du professeur Robert Debré, fils de Simon Debré et père de Michel Debré, premier ministre de la 5ème république.
Israël et Thérèse ont huit enfants, Maurice est le quatrième.
La famille Bloch, au vu des lieux de naissances des huit enfants, vit à Sarre-Union, entre 1875 et 1878/1879, puis elle s’installe à Balbronn, commune dans laquelle six enfants naîtront. On peut supposer qu’elle y reste jusqu’en 1896, et qu’elle s’installe ensuite à Strasbourg, à différentes adresses entre 1897 et les années 1920.
Israël Bloch est réputé comme un grand savant et après sa retraite, il fera la lecture sabbatique à l’hospice Elisa.
Un professeur comme un autre
Maurice Bloch obtient son Abitur (baccalauréat) le 20 juin 1904 au Kaiserliches de Strasbourg (actuel Lycée Fustel-de-Coulanges).
Il poursuit ses études à la Kaiser-Wilhems-Universität
à Strasbourg en se consacrant au grec, au latin, au français,
à l’hébreu, au sanscrit et à l'histoire ancienne.
Il obtient son doctorat le 10 février 1910 à la faculté
de Lettres : ses travaux portent sur l'Etude d’inscriptions de Delphes
sur les conditions d’affranchissement. En juin 1912 il devient
titulaire du Staatsprüfung/ Staatsexamen (examen d'État
sanctionnant les études et obligatoire pour la titularisation des enseignants).
Il fait donc on entrée au service de l’Instruction publique à
la rentrée de septembre 1912.
Sa carrière se répartit sur trois établissements entre 1912 et 1940. Il débute en tant que professeur stagiaire au Gymnasium de Saverne (l'actuel lycée) du 17 septembre 1912 au 16 septembre 1913. Il est ensuite professeur agrégé titulaire au Lycée de jeunes filles israélites de Hambourg (enseignement privé) du 27 octobre 1913 au 15 janvier 1919.
Durant cette période, il effectue un service auxiliaire dans l'armée allemande pendant la première guerre mondiale du 22 avril 1915 au 20 mars 1916.
C'est à partir du 10 février 1919 qu'il enseigne comme professeur auxiliaire au Gymnasium de Bouxwiller/collège de garçons. Il devient professeur agrégé titulaire de lettres (latin, grec) à partir du 1er avril 1919 au 4ème échelon avec un service de 15 heures.
Comme tout enseignant, Maurice Bloch a eu chaque année des avis de notation (note et proposition du chef d’établissement), beaucoup ont été retrouvés dans les archives, par exemple :
"Professeur intelligent, s’occupant beaucoup de ses élèves, mais un peu trop bon. Aurait de la peine à maintenir la discipline dans de grandes classes" (29 mars1923).
"Professeur intelligent, qui est très au courant des langues qu’il enseigne (latin, grec). S’occupe beaucoup et avec patience de ses élèves. Discipline suffisante ; tendance à être trop bon. M. Bloch qui désire depuis longtemps un poste à Strasbourg, pourrait, à défaut de Strasbourg, être nommé dans un établissement qui a de meilleures communications avec Strasbourg" (1929).
En effet, tout au long de sa carrière, Maurice Bloch a toujours souhaité enseigner à Strasbourg, ce qui ne s’est jamais réalisé. Il devait prendre le train pour venir à Bouxwiller. Durant les années scolaires 1938-1939 et 1939-1940, l’adresse Grand’Rue à Bouxwiller figure dans sa notice individuelle. Restait-il durant la semaine à Bouxwiller pour ne rentrer à Strasbourg qu’en fin de semaine ? Logeait-il chez un collègue ? N’était-ce qu’une adresse postale ?
Maurice Bloch demande, et obtient dans la plupart des cas, des autorisations d'absences à diverses reprises pour célébrer les fêtes juives en famille à Strasbourg. Même s'il travail de samedi, ces demandes attestent bien sa fidélité à la tradition.
Le 31 octobre 1935, il est électeur dans le collège électoral lors des élections du Conseil d’administration de l’Office départemental des mutilés, combattants, victimes de la Guerre et Pupilles de la Nation.
Maurice Bloch figure dans la liste du personnel au 10 avril 1940. Un télégramme officiel du Ministère de l’Education Nationale à l’Inspection Académique du 11 mai 1940 est adressé au Collège de Bouxwiller, disant que les "Circonstances commandent que jusqu’à nouvel ordre tout fonctionnaire Education Nationale reste dans la résidence où il exerce et à la disposition de ses chefs". Il y restera jusqu’en juin (?) 1940, bien que la région ait été évacuée en août /septembre 1939.
Le Judenrein à Bouxwiller
Après l'armistice du 22 juin 1940, l’Alsace et Moselle sont annexées de fait, et l’idéologie nazie s’applique aussitôt à ces régions. Les familles juives qui ont évacué l’Alsace depuis l’attaque de l’Allemagne nazie de l’été 1939 ne peuvent revenir dans leurs lieux d’origine. Celles qui sont encore présentes sont expulsées.
Le personnel juif du collège est recensé, et un courrier du 23 juillet 1940 donne les noms des personnes à expulser, dont Moritz Bloch, Oberlehrer et Max Gugenheim, rabbiner und Religionslehrer. Mais ils sont déjà partis…
Maurice Bloch a sans doute quitté l’Alsace en juin 1940. Une partie de la famille Bloch, comme une partie de la communauté juive de Strasbourg, s’est réfugiée à Limoges. Maurice les rejoint et il est logé au 45 rue Pétiniaud-Beaupeyrat, avec sa sœur Germaine et sa famille.
Bien des questions subsistent au sujet de ses activités, de ses ressources, et sa vie au quotidien à Limoges. L’État français adopte le 3 octobre 1940 une loi portant "statut des juifs" qui concerne les deux zones. Certains secteurs d’activité leur sont désormais interdits : la fonction publique, le corps enseignant, l’armée, la presse et le cinéma notamment. Le second statut de juin 1941 prévoyait un autre système de dérogation mais au final aucun enseignant en fonction en 1939 dans l’Académie de Strasbourg n’en a bénéficié. La révocation prend effet à la veille des vacances de Noël. Si le fonctionnaire a plus de quinze ans d’ancienneté, il bénéficie d’une pension de retraite proportionnelle.
Maurice Bloch a été "forcément" alors exclu de l’Education Nationale.
Kaddish pour un prof
Dans une lettre de Nathan Horvilleur à son oncle, Edgar Bloch, le 12 décembre 1944 depuis Albi, quelques lignes témoignent de l’état d’esprit de Maurice Bloch à l’automne 1943. Il paraissait déprimé : il ne lisait plus les journaux, et suppliait son neveu - Nathan- de renoncer à son projet de rejoindre le maquis.
Face à l’occupation de la zone Sud en 1942, l’O.S.E. doit entrer dans l’illégalité et transformer ses fonctionnements : jusque-là la région de Limoges avait été plutôt accueillante, mais il faut désormais mettre à l’abri les enfants en les dispersant dans des familles ou en les transférant en Suisse. De nombreux convois d’enfants partent de Limoges vers la zone d’occupation italienne.
Est-ce la cause de l’arrestation de Maurice Bloch le 27 octobre 1943 à Limoges, en même temps que la famille Metzger, à la même adresse, au 45, rue Petiniaud Beaupeyrat ?
Ce même mois, des rafles sont menées par des militaires allemands dans de nombreuses villes de l'ancienne zone sud.
Maurice Bloch et la famille Metzger sont arrivés le 30 octobre à Drancy. Maurice est interné sous le matricule 7362 /Reçu pour la somme de 12.360 Francs et une pièce de 20 Francs en argent).
Dans Le calendrier de la persécution des Juifs de France - Tome 2, Septembre 1942-Août 1944, Serge Klarsfeld mentionne les entrées à Drancy le 30 octobre 1943 : 36 de Limoges, 3 de Besançon, 11 de Chambéry, 3 de Pougues-les-Eaux (et un mort), il y a alors 1324 présents. Depuis le 2 juillet 1943, le camp de Drancy a été pris exclusivement en charge par l’Autorité allemande, se substituant ainsi à l’administration française.
Le convoi 62 part de la gare de Bobigny le 20 novembre 1943 emportant avec lui 1200 juifs, dont une majorité sont de nationalité française ; plus de 40% des déportés sont même nés en France. Parmi eux se trouve Robert Blum, né à Belfort, chef du bureau administratif du camp de Drancy ainsi que Jacques Helbronner, né à Paris, président du Consistoire Central, conseiller d'État et grand ami de Philippe Pétain.
Maurice Bloch est déclaré décédé le 25 novembre 1943 par acte de décès à Paris du 17 février 1948, transcrit le même jour sur le registre de Balbronn. L’acte de décès est aussi transcrit sur les registres d’Etat-Civil de Strasbourg, par jugement prononcé le 13 septembre 1947, le 17 février 1948 (acte n° 000485), avec le 14 février 1989 l’ajout de la mention " Mort en déportation" et sur ceux de Bouxwiller le 27 mai 1948.