I.- LES HOMMES ET LES EVENEMENTS
En 1939, une dizaine de familles juives habitaient Limoges. Les unes étaient dorigine turque - les Serfati, les Abouaf - les autres venaient dAlsace comme en témoignent les noms familiers des Goetschel et des Kahn. Ces familles navaient formé aucune organisation et, à la veille de la guerre, on ne relève à Limoges aucune trace dactivité communautaire. Seuls subsistent dans les noms de lieux ou de rues quelques vestiges qui attestent la présence de Juifs au moyen âge.
Formation du noyau de la communauté
Après la déclaration de guerre, le Rabbin Deutsch qui a passé à Colmar les fêtes de Tichri de ces temps troublés vient sétablir à Limoges en novembre 1939. Il y trouve quelques familles de réfugiés dAlsace que la capitale limousine a attirés par ses institutions de grande ville, lexistence de larges possibilités de logement et léloignement de la zone de guerre. Ce groupe qui forme le noyau dune communauté constitue un minyan [quorum de 10 hommes nécessaire à la récitation des prières] dont le siège se trouve rue Manigne. Dans les locaux dune ancienne imprimerie qui offre, à côté dune grande salle destinée désormais à un grand office, une galerie providentielle réservée aux dames et deux salles qui serviront à lenseignement, la nouvelle communauté prend corps. Elle sintitule "Communauté de Strasbourg-Limoges" et vivra sous ce vocable pendant toute la guerre.
Le minyan unique pose des problèmes en raison des nuances dans la piété qui peuvent séparer les uns des autres et aussi des origines différentes des membres de cette communauté.
Cette communauté sous sa première forme a reçu un accueil très froid des Juifs déjà installés à Limoges, singulièrement des Turcs qui craignent la naissance ou la recrudescence de lantisémitisme en raison de lafflux de coreligionnaires dautres régions et de la fondation dinstitutions juives qui attirent lattention.
Début du régime de Vichy
La communauté se développe néanmoins et, en juin 1940, alors que larmée allemande se trouve à 30 km de Limoges, les Juifs apprennent avec un immense soulagement que le gouvernement Pétain a demandé larmistice, évitant ainsi loccupation de la ville. Cette communauté de Limoges, où lexode de 1940 a jeté des centaines de familles, passe néanmoins aux yeux des réfugiés pour une communauté bourgeoise et, en tous cas, pour lune des très rares collectivités juives véritablement organisées.
Le régime de Vichy, surtout dans ses premiers mois, paraît supportable aux Juifs qui craignaient des catastrophes imminentes. Il arrive à des dignitaires du régime de rendre justice au comportement des Juifs pendant les combats et les Chantiers de Jeunesse - nouvelle forme de larmée créée par Vichy - admettent les Juifs. A lapaisement relatif des Juifs de Limoges fait pendant langoisse de ceux de Paris. Dans la capitale, les Allemands multiplient les mesures de persécution inspirées de la législation de Nuremberg. Lorsquen 1941 les Nazis imposent à Paris le port de létoile jaune, des centaines de familles pressentant de grands malheurs quittent Paris pour la zone sud et beaucoup se fixent à Limoges. Ainsi cette communauté finit par représenter un amalgame rare de Turcs, dAlsaciens, de Polonais, dAllemands, qui sefforcent pour la plupart de vivre en bonne harmonie.
Autour de Limoges, sur linitiative du Rabbin Deutsch, se forment plus tard des communautés satellites dont les unes, comme Saint-Jouvent, Saint-Junien et Bellac comptent des membres libres, dont les autres, comme Eymoutiers, La Braconne et aussi Bellac, sont formées par des Juifs astreints à résidence et soumis au travail forcé.
Les dirigeants communautaires
Messieurs Henry Bloch, Julien Wolff et Jules Bollack, tous soutenus par linlassable dévouement de Maître Edouard Bing.
Sans vouloir diminuer en rien le mérite de ces derniers, les Juifs de Limoges ont gardé limpression que leur Communauté a contracté une dette plus grande envers Henry Bloch. Par son énergie, sa ténacité, son esprit dinitiative, et aussi la chaleur de son amitié, et il a fondé ou contribué à fonder de nombreuses institutions qui ont bénéficié de son soutien, même après son départ de la présidence.
Sa collaboration avec le rabbin sest trouvée
facilitée du fait que lun et lautre appartiennent à la
même tendance religieuse : celle de la Communauté Etz Haïm.
Cest ici le lieu de parler du rabbin de cette communauté de
Limoges : tâche délicate si lon songe à sa position actuelle
et aussi aux relations que le signataire de ces lignes entretient avec lui.
Mais ce nest pas pour autant une raison dy renoncer : lauteur
de cet article croit avoir donné suffisamment de preuves dindépendance
pour mériter le crédit du lecteur.
De ses souvenirs denfance se dégage toujours la silhouette anguleuse
du rabbin de Limoges qui apparaît partout où se fonde un foyer juif.
Sa mise sévère étonne et intimide, son regard vif et perçant
effraie quelquefois. Il apparaît en ce temps comme lhomme dune
piété absolue qui sest voué, non pas à un métier,
mais à la mission de guider les Juifs désorientés au cours
de ces années tragiques. Sa volonté inflexible, le courage dont
il fait preuve aussi bien dans ses luttes contre certains Juifs que devant
la Milice ou la Gestapo, forcent le respect, même de ses adversaires.
Il a fait de sa maison un centre de vie juive où lon étudie
la Torah, où lon pratique la bienfaisance, où aboutissent
aussi les réseaux clandestins de la Résistance qui cachent les enfants
et mènent au combat, à létranger, les volontaires de
la jeunesse juive. Incomparable animateur, il est véritablement lâme
de cette collectivité qui, bon gré, mal gré, se reconnaît
en lui, de même quil sidentifie à elle.
Les persécutions
Le temps des vains espoirs et des illusions que lon peut nourrir sur Vichy ou sur les nazis passe rapidement et, depuis 1940 jusquà lautomne de 1944, lhistoire de la Communauté de Limoges se confond en grande partie avec lhistoire des persécutions que ses membres doivent endurer.
Par un singulier paradoxe, les premiers Juifs qui souffrent de mesures graves prises contre eux, sont poursuivis par le gouvernement légitime et libéral de la IIIe République. Ce sont les Juifs allemands et autrichiens, assez nombreux, qui sont internés en avril 1940 comme ressortissants "ennemis", par une amère ironie du sort. Mais leurs épreuves sont de courte durée : des personnalités juives interviennent en leur faveur, parvenant à convaincre les autorités françaises que ces malheureux réfugiés nont rien de commun, malgré leur nationalité, avec le Reich hitlérien. Ils sont libérés vers le 10 juin alors que larmée allemande prépare son entrée à Paris.
Les persécutions vraiment graves sont dues, les unes au gouvernement de Vichy, les autres aux occupants nazis.
Ce sont dabord les Juifs étrangers qui subissent la rigueur des nouveaux maîtres. Le 27 août 1942 commence une grande persécution qui frappe tous les Juifs étrangers venus en France après 1936. La police de Vichy les arrête pour les interner au camp de Nexon : des scènes déchirantes se déroulent déjà. A 4 heures du matin, des policiers viennent frapper à la porte du Rabbin Deutsch qui leur refuse laccès de sa chambre à coucher.
Déjà des amitiés ont joué en faveur des Juifs désignés pour être les premières victimes des persécutions. Lavant-veille du 27 août, le président de la Croix-Rouge a laissé prévoir au Rabbin Deutsch larrestation de 800 personnes. Immédiatement, celui-ci envoie des jeunes à travers la ville, chez les familles menacées, pour les prévenir de limminence des rafles. Beaucoup ont pu fuir à temps ; parmi ceux qui sont arrêtés figurent bon nombre de sceptiques qui nont pas cru à la valeur des renseignements dont ils ont bénéficié. Cette période de la terreur vichyssoise sachève en novembre 1942. Le 8 novembre, alors que les membres de la Communauté conduisent à sa dernière demeure Madame Camille Meyer qui laisse le souvenir dune fine bienfaitrice, les avions à croix gammée survolent Limoges, jetant une pluie de tracts qui annoncent loccupation par larmée allemande de la zone dite "libre". Désormais une grande peur nouvelle sabat sur les Juifs.
Cest en février 1943 que commencent les rafles de la Gestapo. Comme les maladies graves, elles se présentent avec des périodes dextrême virulence et des temps de rémission. Des rafles importantes se déroulent en novembre, dautres suivent dans les premiers mois de 1944. Cest en avril 1944 que la terreur atteint son comble. La plupart des Juifs qui ont échappé jusqualors aux nazis se cachent dans des conditions désastreuses et ne croient plus devoir leur salut quà un miracle. Pourtant, le miracle sest déjà produit en ce sens que, malgré ces conditions catastrophiques, la Communauté continue à fonctionner à peu près normalement. Elle doit cette survie en grande partie au courage de ses dirigeants. Le Rabbin Deutsch, arrêté avec le ministre-officiant Schwarzfuchs le 9 novembre 1943, reste trois jours aux mains de la Gestapo qui les traite correctement. Leur libération, qui surprend tous les Juifs, nest en réalité quune manoeuvre pour apaiser leur inquiétude et les amener à négliger les mesures de prudence qui simposent. Pourtant chaque jour qui passe apporte son lot de mauvaises nouvelles, les rafles se multiplient et de nombreux Juifs passent dans la forêt la première nuit de Pessah 1944.
Le 8 avril 1944, le Rabbin Deutsch prononce à la synagogue de la rue Cruveilhier un sermon empreint dune dignité tragique : il dit navoir plus le courage de donner de bonnes nouvelles car, de jour en jour, lobscurité sépaissit et Israël, dans les temps présents, est devenu véritablement lagneau de Dieu égorgé par les nations. Le 2 mai, la Milice française opère de nombreuses arrestations qui précèdent de nouvelles rafles allemandes. Le 2 juin, le Rabbin Deutsch est arrêté à nouveau. Cette date marque un tournant dans la vie de la Communauté: la persécution atteint son paroxysme. Mais, dans la tourmente, depuis des années déjà, laction juive fait face.
II .- LACTION JUIVE
Les circonstances de sa naissance ont imposé à cette Communauté de Limoges une tâche double extraordinairement complexe : dune part, fonder et entretenir, dans des conditions très difficiles les institutions que nécessite en tous temps la vie dune communauté, dautre part, en raison des persécutions, créer des organismes spéciaux destinés à y faire face dans la mesure du possible.
Les institutions cultuelles
Les institutions ordinaires connaissent un essor dont le lecteur averti ne manquera pas dêtre surpris. Paradoxalement, les conditions de vie exceptionnelles ont un effet bénéfique sur la masse des Juifs. La guerre, loccupation, les persécutions, ont provoqué chez beaucoup un retour sur soi, une réflexion profonde qui les ont amenés à accorder aux valeurs religieuses une importance bien plus grande que dans les années de paix et de prospérité. Ainsi, de cette volonté de saccrocher au Judaïsme actif on retiendra ce fait surprenant : dans une ville étroitement surveillée par la police et la milice de Vichy, sillonnée depuis novembre 1942 par les S.S. et la Gestapo, les mynianim nont pratiquement jamais cessé de fonctionner à lexception de quelques jours qui ont suivi en novembre 1943 larrestation du Rabbin Deutsch, et de la période des grandes rafles davril-mai 1944. Dans des conditions aussi difficiles et aléatoires, le cours de Guemara, donné par le Rabbin chez lui, a continué jusquen juin 1944, alors même que la Gestapo et la Milice avaient fait à plusieurs reprises des descentes dans la maison.
Dès les premiers mois, le très actif Président Henry Bloch, avait compris ce que seraient les besoins de cette Communauté. Il avait loué le local du premier mynian rue Manigne et jeté les fondements des autres institutions absolument indispensables à la collectivité. Ainsi, Limoges vit en novembre 1939 la première boucherie "casher" de son histoire, la boucherie Buchinger ; la commune de Limoges avait bien voulu réserver aux Juifs un emplacement particulier à labattoir municipal. La Communauté construisit un mikveh sur la Vienne : linstallation en était très sommaire, elle nen représentait pas moins une performance pour lépoque et Limoges resta longtemps la seule communauté de réfugiés à disposer de cette institution. Dès 1941, sous limpulsion du Rabbin, on entreprit sur place la fabrication de matzoth ; elle se déroula dans des conditions tragi-comiques qui font sourire aujourdhui ; la perte de nombreux tickets de pain valut alors au Rabbin responsable une condamnation qui lui laissait le choix entre trois semaines de prison ou 25 F damende. Mais jamais les Juifs de Limoges ne manquèrent de matzoth. De même, sur le plan spirituel, les Editions N. Grunewald surent assurer, sans relâche, la fourniture de livres de prières et détude particulièrement précieux en ce temps de pénurie.
Les institutions communautaires
Les vieillards avaient droit à la sollicitude de la communauté : sous la direction de M. Kraemer, on fonda à leur intention une maison établie au Château de Condat, dans un faubourg de Limoges.
La communauté avait demandé également à la municipalité un quartier spécial réservé aux Juifs au cimetière municipal; elle essuya un refus. Alors, par lachat dune concession à chacun de ses membres, elle parvint cependant à former un carré juif au cimetière.
L'éducation et la formation des jeunes
Il va de soi que léducation et la formation des jeunes tenaient particulièrement à coeur aux dirigeants : sur ce plan, une étonnante floraison dinstitutions répondit aux besoins de lheure. Cest ainsi que, dès 1942, avec laide du Président Léon Meiss, le Rabbin de Limoges fonda le Petit Séminaire Israélite qui tenait à la fois du lycée et de lécole talmudique, réalisant déjà la synthèse que visent les écoles juives de notre temps. Subventionné par le Consistoire central, le P.S.I.L. fut une pépinière de cadres. On pourrait citer nombre de dirigeants juifs actuels qui ont passé sur ses bancs. Les élèves de linstitution, malgré leur vocation intellectuelle, nétaient pas absents au monde : en 1944, ils se retrouvèrent tous au Maquis, dans lescadron juif "Marc Haguenau" qui libéra la ville de Castres. Mais le P.S.I.L. ne pouvait grouper parmi les jeunes quune minorité dintellectuels : il fallait songer aussi à la masse. Ce fut laffaire de lO.R.T. et de lO.S.E.
LO.R.T., sous limpulsion de M. Melamet, réalisa une oeuvre étonnante. Elle avait décidé de créer, dans le désarroi général qui suivit loccupation, un îlot de paix dans cette Communauté en voie de développement numérique. Venu à Limoges avec une dose doptimisme rare à lépoque, M. Melamet fonda une école professionnelle qui compta rapidement de nombreux élèves groupés en deux sections : couture pour les filles, ajustage pour les garçons. La direction de lécole était assurée par le Rabbin Deutsch.
Dans cette compétition pour la sauvegarde de la jeunesse, lO.S.E., représentée par le Professeur Jacques Bloch, originaire de Pétersbourg, ne resta pas inactive. Elle fonda des institutions de valeur qui furent dotées du privilège rare de la "cacherouth".
Ainsi, linternat du Cours Jean Pénicaud reçut une quarantaine denfants, élèves des lycées, le château de Montintin, dirigé par M. Grunewald, reçut également un internat, où Madame Krakowski dirigeait un pavillon strictement cacher, destiné aux enfants de famille religieuse. Dans les mêmes conditions, lO.S.E. ouvrit une maison au Couret.
Ces institutions exigeaient beaucoup dargent en un temps où, précisément, largent manquait plus que jamais chez les Juifs persécutés. LO.S.E. et lO.R.T. disposaient de leurs propres finances, les institutions daccueil de réfugiés et dinternés étaient subventionnées par le Joint qui devait user de mille stratagèmes pour faire parvenir ces fonds à ceux qui les utilisaient. Le "Ministre des Finances du Joint", M. Herrmann, dut demander souvent à des particuliers davancer des fonds en monnaie française, pour être ensuite remboursés par le Joint en dollars. Ainsi, tant bien que mal, toutes les institutions réussirent à vivre.
lAction Juive de Guerre et de Résistance
Cependant, la situation - il faudrait dire la tragédie juive qui se joua alors - exigeait plus que les institutions ordinaires des communautés. Ainsi, par la force des choses, naquit lAction Juive de Guerre et de Résistance. Dès 1940, un comité daccueil, animé notamment par M. Gaston Kahn, se préoccupa de recevoir les réfugiés. Un bureau du Joint distribuait des fonds pour les premières institutions extraordinaires, un bureau de bienfaisance, installé rue Gaignolle, distribuait de largent aux pauvres.
La première cantine rituelle gratuite fut installée en 1940 sous limpulsion de Madame Camille Meyer. Après lexode de juin, on créa avenue Victor-Hugo et rue dAix, des centres dhébergement installés dans des hangars où fonctionnaient des cuisines subventionnées par le Joint. En raison des persécutions, ces centres connurent un développement imprévu, accueillant jusquà 2.000 personnes.
Mais les circonstances imposèrent au Bureau du Joint dautres tâches encore. Il était dirigé par un Comité où siégeaient aux côtés du Rabbin Deutsch, des membres dirigeants de lU.G.I.F., tels Messieurs Domb et Spielmann qui appartenaient en même temps à lOrganisation Juive de Combat : il leur appartenait à ce titre dorienter laction juive vers la Résistance. A côté du combat armé, la Résistance juive menait une autre lutte : sauver les enfants des mains des Nazis. Ce fut essentiellement la tâche dun groupe daînés des E.I.F. qui prit le nom de "Sixième". On ne saurait citer ici tous les noms de ceux .qui se dévouèrent à cette tâche: on se contentera de citer Edgar Lévy, fabricant de fausses cartes didentité, Raymond Winter, qui payèrent de leur vie leur dévouement, Ivan Lévy et Colette Lévy, spécialisés dans le sauvetage des enfants, Andrée Salomon et Robert Gamzon, qui firent preuve dun courage extraordinaire à la tête de lorganisation. Malgré cette action persistante des Juifs, nombreux tombèrent aux mains de la Milice ou de la Gestapo : on connaît assez les noms des camps sinistres de Nexon, de Gurs, dAgde, de Rivesaltes, de Noé, pour quil ne soit pas nécessaire de mettre en relief la dureté de leur destin. A côté dinnombrables dévouements qui demeurent anonymes, le nom de Madame Raoul Lévy reste vivant dans la mémoire de beaucoup danciens internés comme celui dune grande bienfaitrice.
L'année 1944
Au début de lété de 1944, il ny avait guère dautre action possible que celle du Maquis. La majorité des Juifs valides et jouissant de leur liberté avaient rejoint ses rangs. Les combats qui précédèrent la libération de Limoges, le 23 août, firent alterner dans les coeurs langoisse et lespoir pour aboutir enfin à la délivrance tant attendue. Un incident tragique, imprévisible, assombrit la joie de la Communauté. Malgré les efforts du Rabbin, un Juif, accusé - pour des raisons dérisoires - de collaboration économique, fut passé par les armes quelques heures après la libération. Le départ des Nazis créait une situation nouvelle : les survivants du déluge voyaient reparaître à lhorizon la perspective dun retour à une existence humaine qui se traduirait dabord par un retour à Strasbourg. Après leur départ, la Communauté de Limoges survécut certes et subsiste encore, mais sous une forme et avec une activité bien plus modestes.
Cette brève histoire de la Communauté Strasbourg-Limoges dont nul mieux que lauteur ne connaît les faiblesses, nest quune esquisse appelant bien des compléments et des rectifications. On la tentée néanmoins pour combler une lacune incompréhensible. Elle montre que dans des circonstances exceptionnelles dabord dures, dramatiques ensuite, la vie juive a pu persister dans son cadre habituel et même dans lobservance de toutes les lois religieuses.
Que lon cherche lexplication de ce miracle, on verra quen dernière analyse tout a dépendu dun petit nombre dhommes qui ont donné limpulsion première, entraîné les autres et payé de leur personne lorsquil le fallait. Ainsi, la Communauté, cellule fondamentale de lexistence juive, repose dabord sur la valeur de lhomme.