Leur belle et fière synagogue construite sur les rives de l'Ill, au quai Kléber n'était plus. Les nazis l'avaient profanée, démolie, incendiée, réduite en cendres, ses biens pillés, éparpillés, à jamais perdus.
Beaucoup d'entre eux s'étaient retrouvés sans logement, dépossédés de tous leurs biens. Il leur fallait reconstruire leur foyer, rassembler autant qu'ils le pouvaient ce qu'ils pouvaient glaner de ci de là pour se refaire un foyer. A la recherche de leurs biens perdus, ils avaient recours, quand ils le pouvaient aux listes que les occupants avaient scrupuleusement dressé.
Malgré ces soucis domestiques, il fallait reconstruire la Communauté et la synagogue, lieu de prière et surtout, en ces temps d'épreuves, lieu de rencontre, de retrouvailles. Des personnes s'y sont attelées et on n'aura jamais assez rendu hommage à cette équipe d'hommes et de femmes qui, dépassant leurs soucis, se mirent au service de la collectivité juive pour lui redonner espoir et vie. Les nommer tous est pratiquement impossible ; certains ont agi dans l'anonymat, d'autres ont pris une part plus importante dans ce magnifique et courageux travail de reconstruction : Maître Edouard BING, premier président suivi ensuite par Monsieur Charles EHRLICH, élu président et par le Docteur Joseph WEILL président du Consistoire.
Les besoins urgents ne manquaient pas, mais la reconstruction d'une nouvelle synagogue prit le pas sur tous les autres problèmes. Une commission spéciale fut constituée avec à sa tête l'infatigable Félix LEVY, alors magistrat. Entouré de tous ses collègues administrateurs, au premier rang desquels il faut citer Edgar ROTH, il se montra d'une efficacité qui forçait l'admiration. Il fallait se mettre en contact avec les autorités de la Ville sans l'aide desquelles la reconstruction n'était pas envisageable. Ce fut chose faite. Les négociations furent menées activement. Le Maire était Pierre PFLIMLIN. Ce dernier fit preuve d'un grand empressement pour aider la Communauté à se reconstruire et à édifier sa synagogue, ainsi que pour aider à la recherche des subventions indispensables.
Une question importante fut vite soulevée : où fallait-il reconstruire la nouvelle synagogue ? Le débat était passionné et une vraie bataille s'engagea au sein de la Communauté et au Conseil municipal, entre ceux qui souhaitaient qu'elle retrouve son emplacement du quai Kléber et ceux qui pensaient qu'un autre lieu serait plus adéquat. A la fin du dix-neuvième siècle, en 1898 exactement, lorsqu'on avait édifié la synagogue au Kléber, la plupart des juifs strasbourgeois habitaient ce quartier et celui de la Gare. Mais aujourd'hui, en 1945, en ces temps d'hésitation, où résidaient-ils ces juifs ? Pierre PFILMLIN proposa un emplacement aux abords du parc des Contades, ce qui convenait bien à nos coreligionnaires qui avaient choisi ce quartier pour y habiter. Les discussions furent vives, violentes mêmes. Certains conseillers municipaux arguaient qu'il ne fallait pas amputer la ville d'une partie de ses espaces verts pour y construire une synagogue. Des pétitions circulaient et de là à soupçonner un zeste d'antisémitisme.... Bref, ces débats durèrent des mois et se terminèrent par un arrangement : la Communauté cédait les terrains du quai Kléber à la Ville de Strasbourg, qui en échange, lui octroyait un emplacement dans le parc des Contades et l'autorisation d'y édifier le Centre Communautaire et la Synagogue.
Les bâtisseurs eurent la rude tâche du choix entre plusieurs projets d'architectes, les uns plus séduisants que les autres. Le Président de la Commission de reconstruction, Félix LEVY ainsi qu'Edgar ROTH et l'ensemble de leur équipe totalisèrent à leur palmarès de nombreuses nuits blanches.
Aujourd'hui , ils ne sont plus là, malheureusement, pour en parler eux-mêmes. Le résultat est là : éclatant dans sa beauté, un des plus beaux centres communautaires d'Europe, le premier probablement en son genre, symbole de la ténacité qui caractérise nos dirigeants communautaires, emblème aussi de la pérennité du peuple juif.
De 1945 à 1958, la Municipalité de la Ville de Strasbourg avait mis à la disposition de la Communauté différentes salles pour y célébrer le culte. C'était à tour de rôle, la Salle de la Marseillaise ou le Palais des Fêtes pour les fêtes de Tichri. La chapelle de l'Aumônerie Catholique, place Broglie, faisait office de synagogue jusqu'en 1958. Nombreux sont qui se souviennent de leur Bar Mitzva ou de leur mariage qui y furent célébrés.
La construction de la Synagogue de la Paix s'est achevée en 1958.
Le 5 juillet 1957 du Président de la République d'alors, Monsieur René COTY était venu visiter la synagogue encore en construction.
L'inauguration de la nouvelle synagogue et du Centre Communautaire fut célébrée solennellement le 23 mars 1958 en présence d'une foule immense, et des dignitaires de la communauté, de la ville et de la région.
Un peu plus tard, la Synagogue reconstruite eut l'honneur de recevoir la visite du Général de Gaulle.
Le 25ème anniversaire de la reconstruction fut aussi l'occasion de belles fêtes avec au programme, un fastueux concert de l'Orchestre Symphonique de Jérusalem donné en la synagogue.
Le 35ème anniversaire, qui correspondait aux 50 ans de la libération de Strasbourg se fit en présence du premier Ministre Edouard BALLADUR, et de Monsieur François LEOTARD, Ministre de la Défense et de Madame LECLERC de HAUTECLOQUE. A cette occasion, un office solennel eut lieu au cours duquel la liste des noms des libérateurs de Strasbourg et des juifs strasbourgeois morts en déportation fut projetée sur écran géant.
Une pierre de l'ancienne synagogue, miraculeusement conservée par un strasbourgeois qui la remit à la Communauté fut scellée sur la stèle qui marque l'emplacement de la Synagogue du quai Kléber.
Il ne fallut pas longtemps à des voyous pour l'arracher et la faire disparaître à jamais.
Depuis lors, la Synagogue fonctionne continuellement. Elle s'est enrichie, grâce à l'arrivée des Séfarades à Strasbourg, d'une très belle extension qui leur est réservée. L'ensemble du bâtiment a été rénové au cours des dernières années avec l'implication forte du Consistoire pour le doter de salles plus fonctionnelles. Rappelons enfin que le Centre Communautaire abrite deux écoles, Radio Judaïca et de nombreuses associations.
Grand Rabbin Abraham DEUTSCH Grand Rabbin Max WARSCHAWSKI Rabbin Charles FRIEDMANN Edouard BING, Président de 1945 à 1948 MEYER-LEVY, BERST R. HELLER, Architectes Joseph BORIN, Premier Ministre Officiant |
AUSSENBERG BLOCH Berthold BLOCH Georges BLOCH Léon BLUM Alfred BOLLACK Edmond DEBRE Robert DERMANTKI DREYFUS Robert HEMMENDINGER Claude HERCOT Jules HEYMANN Raymond JACOB Robert KAHN Jean KATZ KAUFMANN Raymond KOSMANN André LANDAU Lazare LAUTH |
LEHMANN LEVY Jacques MEYER-MOOG Jack MULLER René NEHER André REH REVEL Gaston ROETHINGER ROOS Paul ROSENSTIEHL René ROTH Edgar SALOMON SCHLANGER Salomon SCHNERF Simon WEIL Gérard WEIL Jules WEILL Georges WEILL Sylvain WINTER Camille |
L'intérieur de la synagogue © M. Rothé |
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