Trois ans après l'inauguration du cimetière, en 1884, le rabbin
Joseph Bloch, alors âgé de 64 ans, quittait Soultz pour Bischheim,
après une présence record de 18 années. Il eut pour successeur
en avril 1885 le Rabbiner Eisig Roller, 60 ans, né à Komorn,
en Hongrie autrichienne. Son installation solennelle eut lieu le 31 mai suivant
sous la présidence de Léon Blum-Auscher, le président
du Consistoire de Strasbourg.
Mais il ne restera en poste que deux ans et décédera à
Barr en 1900 (1
– 2).
Il y eut alors une vacance de quatre années, puisque son successeur, Armand-Isaac Bloch, 26 ans, n'arrive qu'en août 1891 à la sortie de sa formation au séminaire rabbinique Hildesheimer de Berlin. Il était le fils d'un professeur de Talmud de Strasbourg. Il se maria à Soultz avec Caroline Wertheimer et en eut dix enfants (2 – 3).
Le premier projet
La synagogue proposée par l'architecte Ewald Steller à côté de la nouvelle école communale israélite (4). |
Dans son rapport du 22 avril, ce dernier décrit ainsi un bâtiment fait de briques et de colombages, complétés de terre glaise. Tous ses poutrages, planchers et charpentes étaient dévorés par l'humidité et la vermine, à l'exception du mur sud, qui était en pierres de taille, mais dont la hauteur ne dépassait pas 1,20 m. Il attribuait les dégradations principalement au manque d'aération : "Dieses weist hauptsächlich davonher, weil dem Raum Luft und namentlich Luftung fehlt". La synagogue, qui ne faisait que 14,6 x 11,7 x 5,4 m, était également trop petite et trop basse de plafond. A tous points de vue, elle se trouvait dans un était indigne ("unwürdiger Zustand"). Une construction nouvelle s'imposait absolument.
Courant 1885, le Statthalter (gouverneur du Reichsland Elsass-Lothringen) Freiherr von Manteuffel fit une halte (impromptue ?) devant la synagogue. Y est-il entré ? En tout cas, il aurait aussitôt convenu que le scandale ne pouvait durer plus longtemps : cette synagogue ne répondait plus à sa vocation de lieu de culte tant par sa situation que par son aspect. Et son état de délabrement exigeait même de la désaffecter : "das jetzige Gotteshaus entspricht nicht seinen Zwecken weder seiner Lage noch Anlage und kann nicht wegen seiner Baufäligkeit auf längere Zeit benutzt werden". Il aurait alors déclaré aux responsables de la communauté qu'il fallait en construire une nouvelle et qu'ils pouvaient compter sur un apport financier significatif du gouvernement : "Dies Gebäude passt nicht zum Gotteshaus. Man muss an Aufführung einer neuen Synagoge denken. Die Regierung wird ihrerseits eines bedeutenden Zuschuss hierzu gwähren." (4)
L'obstacle financier était réel. Par sa délibération du 8 juin 1884, la Verwaltungs Commission der israelischen Cultus Gemeinde [Commission administrative de la communauté du culte israélite] de Soultz, alors composée de MM. Senet, Jacob Baehr ("Händler" "marchand" en 1885) et L. Cahn, sous la houlette de son nouveau président, le commerçant Félix Mayer (qui était "ohne Beruf" "sans emploi" en 1885) (5), a ainsi rappelé qu'elle ne disposait que d'un budget annuel de 600 Mk, qu'une grande partie des fidèles était dans le besoin ("in dürftiger Lage") et que la dépense d'une nouvelle synagogue l'obligerait à débourser au moins 400 Mk de plus chaque année pendant six ans.
Dès avril 1882, l'architecte Steller avait esquissé un projet,
destiné à être réalisé sur l'emplacement
de l'ancienne, à côté de la nouvelle "israelische
elementar Schule" ("école communale israélite").
Il proposa alors un bâtiment très ramassé, quasi cubique,
de 15,85 x 12,53 m, sans tourelles, mais devant néanmoins être
visible depuis les routes de Haguenau et de Wissembourg ainsi que de la gare
ferroviaire. Il l'aurait doté côté sud d'une large ouverture
vitrée, mais aurait empiété de plus de 7 mètres
sur le jardin de l'instituteur israélite. Pour complaire aux nouvelles
préférences architecturales, Steller s'était imprégné
du style néo-orientalisant, encore dit roman-byzantin, alors en vogue
dans l'Empire allemand. Mais le terrain disponible ne permettait pas d'offrir,
comme souhaité, 81 sièges d'hommes et 71 sièges de femmes
(pour une population de quelque 200 israélites en 1881). Il ne prévoyait
en rez-de-chaussée que 75 sièges d'hommes (en bois de chêne,
avec dossier et casier sous le siège pour les livres de prières
personnels) et dans les deux tribunes latérales 50 sièges de
femmes en bois de sapin.
L'estrade (Almemor), où se lirait la Torah, serait surélevée
de trois marches et la chaire du Vorsinger (chantre) de sept. En
décomptant les 500 Mk provenant des matériaux récupérés
de l'ancienne synagogue, la construction et l'aménagement intérieur
se monteraient, selon lui, à 23 500 Mk6.
Le site de la rue de la Bergerie finalement préféré
Ce projet fut adopté par la communauté à la mi-novembre 1891 dans la fourchette de 20 à 25000 Mk. Mais on hésitait encore sur l'emplacement. "Die Platzfrage ist vorerst noch nicht eingiltig gelöst", note ainsi la Weissenburger Zeitung le 19 novembre 1891.
Le conseil municipal du 28 octobre 1893 débloqua la situation en votant une subvention ("Zuschuss") de 5000 Mk, avec la promesse d'une rallonge si elle ne devait pas suffire ("nebsteter Zusicherung einen weiteren Zuschusses im Fallen der Unzulänglichkeit"). La communauté israélite avait, de son côté, entrepris de collecter une somme non moins significative ("Von Seiten der Kultusgemeinde ist auch bereits eine nicht unbeträchtliche Summe angesam-melt"). Apport auquel devait s'ajouter une contribution non moins conséquente ("eine ansehnliche Summe") de la part du gouvernement ("Regierung"), si bien qu'à la mi-novembre 1893 la construction pouvait enfin être considérée comme acquise. Avancée que l'on devait principalement au regretté Bezirkspräsident Joseph von Stichaner (décédé d'un AVC le 14 avril 1889), comme ne manque pas de le souligner la Weissenburger Zeitung du 11 novembre 1893.
On put également renoncer au terrain par trop exigu de l'ancienne synagogue, puisqu'il s'offrit alors une parcelle bien plus avantageuse rue de la Bergerie (Hammelsgass), dans le voisinage de l'ancienne bergerie seigneuriale (Schäfferey). Parcelle qui présentait de plus la particularité d'être le point culminant de la butte de Soultz (6). On s'accorda donc à la préférer. A en croire le rabbin Elie Schwartz, cette résolution serait due à l'insistance du nouveau rabbin Camille Bloch (7), qui se faisait fort d'obtenir en outre un secours financier d'autres communautés.
La troisième synagogue a été inaugurée 12 ans et demi avant la nouvelle église catholique Sts-Pierre-et-Paul, qui ne figure donc pas encore sur cette carte postale, derrière l'église simultanée. |
Mais on garda l'architecte Steller (8), bien qu'il eût quitté Wissembourg en 1890 pour s'installer à Haguenau. Il remania son plan initial, l'allongea d'environ 5 m et comme la nouvelle synagogue allait désormais être tournée vers la rue, il surmonta la façade avant de deux tourelles à bulbe.
L’architecte Ewald Steller
Ewald Steller (1850-1912) était "Architekt BDA", qualité comparable à la certification française d.p.l.g. (diplômé par le gouvernement). Il est également le concepteur des mairies-écoles de Hohwiller et de Schleithal, de l'hôtel-restaurant du Raisin, 37, grand-rue à Haguenau, à présent agence bancaire, ainsi que de l'église St-Laurent de Steinseltz, détruite lors de la deuxième guerre mondiale. On lui doit aussi la tour-clocher de 1897 de l'église catholique Ste-Catherine de Bitche, le presbytère de Wahlenheim, les écoles de Munchhausen et de Bremmelbach ainsi que l'église catholique de Climbach...
Mais Soultz est sa seule et unique synagogue. Natif de Badgohnen en Prusse-Orientale,
aujourd'hui situé dans l'enclave russe de Kaliningrad/Königsberg
sous le nom de Dobrowolsk (9 – 10), il décéda
à Haguenau à la surprise générale dans la nuit
du 9 septembre 1912, à l'âge de 62 ans, des suites d'un malaise
cardiaque ("Herzschlag"), qui l'avait obligé de s'aliter et
empêché d'assister au mariage de son fils aîné.
"Er war überall hoch geachtet und wegen seines
freundlichen Wesens allgmein geliebt."
[Il était fort respecté de tous et universellement apprécié
pour son caractère aimable] (11)
La construction put démarrer en 1896, donc en même temps que celle de la Neue Synagoge consistoriale du quai Kleber, à Strasbourg. Elle se situe ainsi en plein dans ce que Freddy Raphaël a appelé "l'âge d'or des synagogues" en Alsace-Lorraine, qui a vu fleurir celles de Balbronn, Ingwiller, Mommenheim, Obernai, Rosheim, Saverne et Wolfisheim dans le seul département du Bas-Rhin (12). Son coût a finalement été de 35 000 Mk, dont 5 000 seront pris en charge par l'Etat.
L'inauguration du 5 novembre 1897
Mais dans l'intervalle, et toujours en 1896, le rabbin Bloch avait déjà été nommé à Obernai. Il y œuvrera jusqu'en 1919, date à laquelle il sera nommé à Saverne, où il restera jusqu'à son décès en 1952. A Soultz, il a été remplacé par le Dr Selig Pinchas Bamberger, 24 ans, né le 7 novembre 1872 à Lengnau (Argovie), qui était le grand refuge israélite de la Confédération helvétique. Fils du rabbin de Cernay, Bamberger avait décroché son Abitur au Gymnasium de Guebwiller, puis suivi les écoles rabbiniques de Berlin et de Heidelberg, avant d'être nommé rabbin à Cernay en 1896. Pour lui aussi, Soultz a donc été le premier poste. En prenant ses fonctions, il promit qu'il serait un rabbin orthodoxe ("ein orthodoxer Rabbiner") (13).
C'est donc lui qui eut l'honneur d'inaugurer la nouvelle synagogue soultzoise le vendredi 5 novembre 1897, veille de Shabath. Deux articles de presse, très complémentaires, en rendent compte dans la Weissenburger et la Hagenauer Zeitung. Ce fut aussi manifestement la première grande manifestation publique de la communauté juive à Soultz depuis l'intronisation du baron de Bode le 9 décembre 1788.
Il y eut d'abord à l'ancienne synagogue, et conformément au rite israélite, une cérémonie d'adieu (Abschiedsfeier). Celle-ci commença par la déclamation ("Rezitation") des Psaumes 1 et 8. Puis le rabbin Lévy de Wissembourg prononça un sermon ("Abschiedspredigt"), commentant le verset "Verachte deine Mutter nicht, auch wenn sie alt geworden" ["Et ne méprise pas ta mère quand elle est devenue vieille" Proverbe 23:22]. On chanta encore les Psaumes 15 et 23, puis l'on se rendit en cortège à la nouvelle synagogue, les officiants portant l'arche sainte ("der heilige Lade" ou "Aron Hakodesh") contenant les rouleaux de la Torah. On est frappé de noter que ce cortège était accompagné (ouvert ?) par la fanfare de l'Artillerie Regiment Nr 31 de Haguenau, qui remplit donc alors les rues de Soultz de l'écho de ses cuivres et grelots.
A l'entrée de la nouvelle synagogue, le public fut accueilli par la
chorale des enfants de l'école israélite, dirigée
par Mlle Clémence Harburger.
Clémence Harburger était la dernière des trois filles
d'Elias Harburger, Handelsmann plutôt spécialisé avec
ses deux frères, Léopold et Henri, dans le négoce du
houblon. Ils s'étaient implantés à Soultz par le mariage
le 9 mai 1834 de Salomon Harburger, 27 ans, fils d'un commerçant de
Mühringen, à 8 km au sud-est-est de Horbam-Neckar, avec Eulalie
Lévy, 27 ans, fille d'un commerçant de Soultz (14).
Cette localité de Mühringen était le siège de la
plus forte communauté juive du royaume de Wurtemberg, avec un pic de
512 personnes en 1846. Curieusement, son cimetière est dans la même
configuration topographique que celui
de Saverne, en pleine forêt, sur une pente tombant vers une rivière
(15).
Clémence, au nom de sa communauté, remit ensuite la clé
du nouveau temple au Kreisdirektor (16) Heiss,
afin qu'il ait l'honneur de l'inaugurer lui-même solennellement.
"Hochgeehrter Herr Kreisdirektor, lui dit-elle alors, im Namen
der hiesigen israelitischen Gemeinde gereicht es mir zu hohen Ehre, Ihnen,
hochverehrter Herr und liebenswürdiger Gast, der sich herbeigelassen
hat, die hiesige Gemeinde mit seiner Anwesenheit zu beehren, den Schlüssel
zu die-ser heiligen Stätte zu überreichen, in Zeichen unserer Dankbarkeit
und Ergebung für Kaiser und Reich."
"Très honoré Kreisdirektor, au nom de la communauté
israélite locale, l'honneur m'a échu de vous remettre la clé
de ce saint édifice, à vous notre invité d'honneur qui
gratifie la communauté locale de sa présence, en signe de notre
reconnaissance et de notre dévouement au Kaiser et à l'Empire."
Le Kreisdirektor y répondit par une brève, néanmoins saisissante ("markiger") allocution, au nom du gouvernement qu'il représentait ("namens der Regierung, die er vertretet"). Puis, on entra par un portail abondamment décoré de fleurs et de drapeaux ("durch den reich geschmückten und beflaggten Eingang"). Le Ner Tomis [Ner tamid - lampe allumée en permanence dans le temple] fut mis en place et allumé. Le rabbin Lévy redit un sermon ("Festpredigt"), à l'issue duquel on entonna encore un psaume (le 150) ainsi qu'un choral, et pour finir il y eut un "Schlussmarsch" sans doute interprété par la fanfare.
A cette cérémonie, avaient également assisté le nouveau maire Christian Loew, instituteur, les membres du conseil municipal ainsi que des Juifs de Haguenau et de Wissembourg, mais aucun représentant semble-t-il des cultes catholique et protestant, puisque les comptes-rendus de presse n'en font pas état. La journée fut conclue en soirée par un grand dîner ("Festessen") chez la veuve (Adèle) Lévy ("Wittwe Levy"), qui dans le recensement de 1885 (5) est mentionnée comme aubergiste ("Gastwirtin") dans la Stadtstrasse, mais déjà veuve, mère d'une fille et assistée d'une jeune servante ("Dientsmädchen").
La Hagenauer Zeitung précisa que la nouvelle synagogue avait été érigée en 18 mois par l'entreprise de construction Anton Walter de Dieffenbach-les-Woerth. Prévue pour 120 fidèles (donc cinq de moins que dans le projet de 1882), elle offrait une double galerie pour les femmes, à laquelle on accédait par deux escaliers latéraux. C'est un édifice long de 20 m, large de 13,60 mètres, bien visible des alentours.
Les matériaux de l'ancienne synagogue furent réemployés par ledit Walter dans la construction d'une habitation (Privatwohnung), route de Surbourg, à la hauteur de la gare, destinée aux employés du chemin de fer. Mais toute la correspondance administrative, qui a présidé à la construction de la nouvelle synagogue, est manifestement perdue (9). Et selon toute apparence, cette dernière n'intègre pas de mikvé (bain rituel), qui pourrait donc être resté sur la rive droite du Seltzbach en face de la Schlossmühle, à moins qu'il n'ait été aménagé dans la cave de l'une des maisons faisant face à la nouvelle synagogue.
Une autre énigme reste sans réponse. Par quel cheminement, en effet, la communauté israélite de Saint-Louis, en face de Bâle, a-t-elle pu se doter en 1906 d'une synagogue quasi identique à celle de Soultz ? Ses plans sont dus à l'architecte Alexandre Louvat, décédé à Altkirch en 1948 à l'âge de 84 ans (9). Celui-ci aurait-il été un élève d'Ewald Steller ? Avait-il travaillé avec lui sur le second projet soultzois ?
La troisième synagogue de Soultz après son inauguration |
La synagogue jumelle de Saint-Louis. |
Autres synagogues neuves dans le Bas-Rhin
La Reichslandzeit [l'époque du gouvernement allemand] a effectivement
été un âge d'or pour les synagogues en Alsace-Lorraine.
C'est ainsi par exemple qu'une obligation de reconstruction a été
décrétée pour celle de Saverne en raison d'un état
de délabrement très comparable à celui de Soultz :
"Die Zaberner jüdische Gemeinde, écrit ainsi la Weissenburger
Zeitung du 5 septembre 1894, "ist gezwungen (seine) alte baufällige
Synagoge umzubauen oder einen Neubau herzurichten." La même
procédure qu'à Soultz semble y avoir été suivie
: l'esquisse d'un premier projet en a ainsi été confiée
à l'architecte municipal ("kommunal Baumeister Hannig"), qui
dans une première estimation en a chiffré le coût à
quelques 25 000 Mk, par conséquent équivalent à celui
des premières projections soultzoises (17).
Cette nouvelle synagogue allait être la troisième comme à
Soultz. Sa première pierre put être posée le 22 mai 1898,
suivant les plans de l'architecte Hannig. Elle profita d'une subvention de
l'Etat de 16 000 Mk, de la municipalité de 5 000 Mk et d'un apport
de la communauté de 21 000 Mk3. A en croire la Weissenburger Zeitung,
il y eut également un apport de 4 000 Mk de la Landesverwaltung
(18), mais dont nous ne pouvons dire s'il est compris ou
non dans les 16 000 Mk sus-indiqués. Cette synagogue, à une
seule tourelle à bulbe, par contre, sera solennellement inaugurée
le 9 mars 1900 suivant un rituel évidemment très identique à
celui qui avait été observé à Soultz (3).
La synagogue de Goersdorf profita pour sa part de travaux de réfection ("Arbeiten zur Instandsetzung"), qui furent soumissionnés par le Kultus Vorstand local le mercredi 31 janvier 1894 à 11 heures 30. Le dossier pouvait en être retiré auprès de notre architecte attitré Ewald Steller. Mais leur montant n'a été que de 1389,91 Mk (19). Des réparations urgentes y avaient déjà été réclamées à la veille même de la guerre de 1870 (20). Et sans doute n'avaient-elles plus eu le temps d'être encore exécutées sous le régime français.
Une nouvelle synagogue sera également édifiée à Woerth à la veille de la Grande guerre. Le choix de son emplacement, en bordure du grand monument bavarois de la bataille du 6 août 1870 ("in der Nähe des Bayern-Denkmals"), en a été officialisé en octobre 1913, avec un engagement de début des travaux pour le printemps suivant (21). Mais ceux-ci ne pourront finalement être soumissionnés qu'à la mi-mai (22).
La dernière phase de nos synagogues d'entre Sauer et Lauter sous la Kaiserzeit a été leur électrification. A Surbourg, celle-ci put être annoncée dès juillet 1903, suite à la mise en route par M. Hoffmann au moulin dit Untermühle sur la Sauer d'une turbine électrique privée, actionnant sa Holzwollfabrik (usine de laine de bois). Turbine qui permit alors aussi, aux frais de la municipalité, l'éclairage des rues du village, de ses bâtiments publics, de ses écoles, du presbytère catholique, de la synagogue, des habitations privées ainsi que de certains commerces et auberges (23).
Niederroedern suivit
à l'occasion de la Pâque juive de 1913. La fée électricité
a alors illuminé l'intérieur (et l'extérieur ?) de la
synagogue en dépit du coût élevé ("trotz hoher
Kosten") occasionné à la communauté. Cinq firmes
s'étaient portées candidates à cette réalisation,
dont la Rheinische Schuckert-Gesellschaft, mais celle-ci s'était vue
retirer le marché en raison de prétentions trop élevées.
Elle fut alors remplacée par l'entreprise Demelt de Soultz-sous-Forêts.
Tous les membres de la communauté étaient présents, mais
aussi de nombreuses personnes d'autres confessions ("viele Andersgläubige").
Tous ont été enchantés du résultat :
"der Anblick des im vollsten Glanze erstrahlenden Gotteshauses löste
im Herzes eines jeden die hellste Freude aus" (24).
"La vision du temple resplendissant dans tout son éclat a déclenché
dans le coeur de chacun la joie la plus vive."
La fée électricité répandit également ses bienfaits à Goersdorf l'automne suivant. Les rues du village en profitèrent les premières, puis chaque chef de ménage se vit offrir une ampoule. Les deux églises, la synagogue et les deux presbytères en reçurent sept chacun, et les trois écoles six chacune (25).
Le rabbin Bamberger nommé à Hambourg
Mais le rabbin Bamberger dut quitter Soultz le 12 juin 1901, après une présence de quatre années. Curieusement, sa cérémonie d'adieux eut lieu à la synagogue de Hatten, qui à cette occasion avait bien entendu été richement décorée (festtäglich beschmückt). "Die ganze Gemeinde war in Festgewändern erschienen". Anselm Cahn, le président, remit au partant un précieux cadeau (wertvolles Geschenk), avant de prononcer une allocution du haut d'un podium. La petite communauté de Sarberg (Surbourg ?) lui fit également un beau cadeau avec dédicace (schönes Geschenk mit entsprechenden Widmung). Le jour de son départ effectif, ses fidèles accompagnèrent en grand nombre le rabbin Bamberger et son épouse jusqu'à la gare de Soultz. Et lors des derniers mots d'adieu, on vit plusieurs vénérables chefs de famille verser des larmes (26).
Le rabbin Bamberger partit pour un poste particulièrement prisé : celui de rabbin à l'ancienne et nouvelle Klaus Gemeinde de Hambourg (Klaus Rabbiner an der Hamburger vereinigten Alten und Neuen Klaus), qui fusionnait depuis 1798 une vieille école juive (Klause) fondée en 1680 et une nouvelle créée en 1756. Il occupera ces fonctions jusqu'à son décès à Hambourg le 9 août 1936, à l'âge de 63 ans. Très bon orateur, il présida également à partir du 1er novembre 1898 le tribunal rabbinique de la ville et se fit connaître par ses traductions des commentaires de Rashi de la Bible et du Talmud, du Pentateuque (les cinq livres de Moïse) ainsi que du Kitzour Schul’han Aroukh (Droit et rituels juifs). Secrétaire du comité de Hambourg de la Jüdische Literarische Gesellschaft, il siégeait aussi au comité de la Gesellschaft für Jüdischer Volkskunde (27).
Plan de la synagogue de Soultz de 1896 (8). |
C'est sous son rabbinat que le Israelischer Handarbeitsverein de Soultz a organisé au cours de l'hiver 1904-1905 une loterie, dont le tirage donna lieu lors de la fête de Pourim à une Abendunterhaltung (soirée). 400 Mk de sa recette purent alors être versés à l'Auswanderungs-Komitee de Bâle, qui aidait les émigrants juifs de Russie ; 250 Mk aux pauvres de Soultz et 125 à la caisse de secours israélite (Israelische Armen Kasse) (28).
Une dernière grande date de la Reichslandzeit pour la communauté juive de Soultz est l'élection municipale de juillet 1908. Elle permit en effet de faire entrer au conseil deux de ses représentants : Bernhard Baehr et Leopold Klotz (mentionné comme Güterhändler dans le recensement de 1885 (5). Mais l'événement n'avait rien d'exceptionnel, cette évolution démocratique étant encouragée par les pouvoirs publics.
En décembre 1908, décéda Jakob Weil, qui avait été le chantre (Kantor) de la communauté de 1868 à février 1908 (15). Et en 1910, la communauté de Goersdorf, jusqu'alors rattachée au rabbinat de Haguenau, fut transférée à celui de Soultz.
Toujours en 1910, le rabbin Bloch eut aussi comme successeur le rabbin Dr.
Emile-Elie
Schwartz (1877-1956), natif de Ribeauvillé,
alors âgé de 33 ans. Il restera vingt ans, jusqu'en 1930, avant
d’être nommé à Wissembourg, à la suite du
décès du rabbin Léonard Koch.
Jusqu'à la Grande guerre, il a été le correspondant de
différents périodiques communautaires, dont Das
Jüdische Blatt et le Bulletin
de nos Communautés. Féru d'histoire locale, il avait aussi
adhéré en 1911, en tant que "Schwartz, Rabbiner in Sulz",
avec l'instituteur juif de Soultz "Bloch, Lehrer", sous les n° 241 et
256, au Verein zur Erhaltung der Altertümer in Weissenburg und Umgegend,
fondé en 1904 par l'inspecteur scolaire de l'arrondissement Stiefelhagen
et dont le premier annuaire avait paru en 1905.
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